Ruée bancaire: Comment un bank run entraîne la faillite d’une banque ?

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Par Captain Economics Modifié le 18 mai 2012 à 10h37

Depuis lundi, la ruée bancaire s'est fortement accélérée en Grèce (lire "Grèce : les épargnants vident leurs comptes en banque"). Deux raisons principales à cela: (1) le risque de faillite de certaines banques commerciales grecques sous-capitalisées et (2) la "de plus en plus probable" sortie de l'euro de la Grèce. Dans le premier cas c'est assez simple, par peur que votre banque fasse faillite, il est préférable pour vous de retirer votre argent pour le placer dans une banque étrangère plus solide ou bien pour le mettre sous votre oreiller. Dans le second cas, vous préférez sauvegarder vos économies en euro (monnaie forte) plutôt que d'être contraint au moment de la sortie de l'euro d'échanger 1 euro pour 1 drachme (monnaie grecque) et de voir alors vos économies fondre comme neige au soleil avec la future dévaluation du drachme et la hausse de l'inflation en Grèce.

Mais en quoi le phénomène de ruée bancaire risque t-il d'accélérer encore un peu plus la faillite des banques commerciales grecques? Pour comprendre cela, il va (malheureusement) falloir faire un peu de comptabilité. Dans le bilan comptable simplifié d'une banque, d'un côté le passif, composé des fonds propres de la banque (=capital) et des dépôts des agents (= l'argent que vous avez sur votre compte et que votre banque vous doit) et de l'autre, l'actif, composé des prêts à la clientèle, d'actifs liquides et d'actifs illiquides.

Un actif liquide est un actif qui peut-être revendu quasi-instantanément sans perte de valeur par rapport à sa valeur actuelle. Le cash est par exemple un actif parfaitement liquide (voilà d'ailleurs l'explication de "payer en liquide"); un bon du trésor est un actif quasi-liquide, car il peut être revendu en quelques secondes sur les marchés financiers. Un actif illiquide par contre ne peut pas être revendu rapidement sans perte. Par exemple si une banque a investi dans des projets immobiliers et quelle souhaite revendre cela dans la minute à venir pour dégager du cash, elle devra alors le revendre à une valeur inférieure à sa valeur actuelle "réelle".

Si demain vous avez absolument besoin de trouver 1 million d'euros et que vous détenez des obligations souveraines pour 1 million d'euros, vous pouvez tout revendre rapidement et vous n'avez plus de problème de liquidité. Par contre, si votre actif est une maison d'une valeur d'un million d'euros, cela va être beaucoup plus compliqué de la revendre immédiatement sans perte...

Pour revenir à notre banque, lorsque les épargnants se ruent pour récupérer et transférer leurs dépôts, le passif de la banque diminue et celle-ci doit alors vendre ses actifs liquides pour rendre l'argent aux épargnant. Le problème est qu'à partir d'un certain niveau, la banque n'a plus d'actif liquide et doit commencer à revendre ses actifs illiquides. Mais la somme de la revente de l'ensemble des actifs illiquides peut-être inférieur à la somme des dépôts des épagnants (car les actifs illiquides doivent être revendus avec un discount). En liquidant maintenant l'ensemble de ses actifs, une banque ne peut donc pas rembourser tous ses épargnants. Et là c'est la panique! Un comportement rationnel est donc de se ruer à sa banque pour retirer son argent avant qu'il ne soit trop tard! Si vous n'y allez pas, votre voisin lui ira, et c'est vous à la fin qui allez perdre l'ensemble de vos économies...

Une des seules possibilités pour éviter un "bank-run" est que l'Etat garantisse les dépôts, ce qui signifie qu'en cas de faillite d'une banque, l'Etat s'engage à rembourser les épargnants. Mais le manque de crédibilité du gouvernement grec ne peut empêcher la contagion de ce phénomène, qui pourrait entraîner la faillite de nombreuses banques commerciales dans les semaines à venir.

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.  

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