Panama papers : une mise en scène perturbante ?

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Par Jacques Martineau Modifié le 25 avril 2016 à 13h53
Fraude Paradis Fiscal Argent Panama Papers Montant
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7500 MILLIARDSIl y aurait 7 500 milliards d'euros dans les paradis fiscaux.

En termes d’évasion illégale et de fraude fiscale au sens large, les premières discussions sérieuses sur le fond s’étaient engagées au nom du G8 en juin 2013 en Irlande. Les annonces de tous les membres confirmaient cette volonté d’agir. Le sujet avait été à nouveau en discussion, fin 2014, au niveau du G20 à Brisbane en Australie, avec le concours de l’OCDE. Dans le monde, la « chasse » aux innombrables paradis fiscaux n’a pas réellement progressé. Les révélations des « lanceurs d’alerte » à propos de « Panama papers » perturbent l’attention…

Au niveau des Etats : les progrès sont plus virtuels que réels

L’optimisation fiscale est depuis des décennies devenue une activité à part entière qui ampute l’économie mondiale. Les paradis fiscaux tiennent toujours le haut du pavé. Pour la plupart, ils ont été bien identifiés. La liste des 10 meilleurs paradis fiscaux dans le monde publiée par le magazine Forbes restait la plus intéressante. Il y a quelques années, toujours en tête, on retrouvait le Delaware (USA) devant le Luxembourg, la Suisse, les Îles Caïman, la City (Royaume-Uni), l’Irlande, les Bermudes, Singapour, la Belgique et Hong Kong, sans parler des autres… Panama n’en faisait pas partie !

En 2013, la France avait décidé d’établir une liste « noire » des paradis fiscaux. En janvier 2014, Jersey et les Bermudes sortaient déjà de cette liste, après y avoir été inscrits six mois ! Une « short list » des Etats et Territoires non coopératifs (ETNC) a servi de référence. Certains pays sont quasi-méconnus (Botswana, Brunei, Guatemala, Iles Marshall, Iles Vierges, Montserrat, Nauru et Nieu). A vous de juger…

En juin 2015, l’UE propose une autre liste « noire » ou « rose » des paradis fiscaux

La Commission européenne était sensée se mettre à l’ouvrage. Comment s’y est-elle prise ? D’abord en consultant et en demandant à chacun des 28 pays de lui communiquer ses propres « indésirables ». La plupart de ces données ont été compilées, rassemblées et analysées en fonction des critères hétéroclites d’un Etat à l’autre. Avec des législations fiscales souvent incompatibles, les juridictions sont très souvent opposées. Les pays les plus en « haut de liste » et les plus cités ont finalement été retenus et cela a permis d’établir une liste de lieux « a priori » non recommandables (ETNC). Cette « première » liste européenne est désormais étendue à 30 pays. Elle est consultable. A noter que de nombreux Etats « mentionnés » profitent malgré tout du libre échange économique et d’autres avantages avec l’ensemble de l’Union européenne !

Comment peut-on réagir alors que les « paradis fiscaux » officiellement recensés ne sont plus en 2016 qu’au nombre de six, peut-être sept si Panama rejoint à nouveau la liste dont il a été exclu depuis 2012 ! Les Iles Vierges et Montserrat ont été retirés, et les pays mentionnés sur la liste de l’UE n’y sont pas ! Comme on le voit, les progrès en la matière sont beaucoup plus virtuels que réels. Mais si le plus dur restait à faire, il faut constater que la mise en œuvre frise l’immobilisme avec un état d’esprit européen permanent qui favorise encore une fois le « chacun pour soi ».

Optimisation, évasion et fraude fiscale entretiennent le doute !

De multiples révélations avec la complicité de « lanceurs d’alerte » n’ont cessé au fur et à mesure d’attirer l’attention des pouvoirs publics et des médias au travers de « scandales » qui se retrouvent ainsi à la Une de la presse internationale. La dernière en date, « Panama papers » est révélatrice de la situation réelle, du mal perçu et de la confusion persistante à propos de discutables optimisations, évasions et fraudes fiscales potentielles ou réelles.

Le Monde et 108 autres journaux dans 76 pays, coordonnés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une énorme masse d’informations inédites touchant au monde « opaque » de la finance offshore et des paradis fiscaux. Si les révélations sont pertinentes, un simple constat, peu d’Américains sont a priori concernés. Pourquoi ? Simple problème de statistiques ou de choix de cibles ? Difficile à comprendre ?

Mais attention, avant de partir tous azimuts dans la critique, il semble qu’il soit nécessaire de faire quelques rappels pour mieux comprendre les motivations et les intentions des entreprises et des particuliers dans les actions « offshore » :

La spéculation financière reste prioritaire, comme certains placements « on » et « offshore » de l’UE. Plusieurs aspects sont à prendre en compte : l’exil, l’optimisation, l’évasion et la fraude organisée. L’exil fiscal n’est pas une faute. Il concerne en majorité des citoyens désireux de s’expatrier, pour travailler à l’étranger avec leurs propres raisons. En fonction de leurs revenus, ils sont censés payer l’impôt dans le pays où ils résident.

L’optimisation fiscale est le fait de grands groupes multinationaux qui tirent profit en toute « régularité » au maximum des failles des systèmes fiscaux en place et de leurs implantations internationales. De nombreuses sociétés multinationales dont le siège est dans l’UE bénéficient de ces avantages en toute légalité ! Tant que l’UE se trouvera dans l’incapacité de parvenir à harmoniser son régime fiscal, et encore plus dans la zone euro, l’économie en pâtira. C’est un très fort handicap qui n’est pas prêt de se résorber !

L’évasion fiscale est un autre aspect du problème. Elle touche plutôt des particuliers, tels que des sportifs de haut niveau, des artistes du « show-biz », de riches industriels, des dirigeants d’exception, des notables, des héritiers de très « grandes » fortunes, des personnalités politiques et certains chefs d’Etats. La situation de ces privilégiés se situe entre l’exil et la fraude fiscale, à la limite de la légalité.

La fraude individuelle, de son côté est dès le départ une faute. Elle est pénalisable par la loi. Une fraude organisée, à grande échelle, concerne surtout des procédés mafieux qui contribuent au blanchiment de l’argent « sale », celui dont on ne connaît pas l’origine.

Certains experts estiment à plus de 7500 milliards le montant des euros annuels dispersés dans les paradis fiscaux dans le monde. Pour l’Europe, on évalue à plus de 1.000 milliards d’euros par an le montant de l’évasion et de la fraude fiscale, dont 60 à 80 pour la France.

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.

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