L’intérêt premier de l’étalon-or : la stabilité. Mais après ?

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Par Jean-François Faure Publié le 10 octobre 2016 à 10h35
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cc/pixabay - © Economie Matin
100 MILLIARDS €La France détient 100 milliards d'euros d'or dans ses coffres d'Etat.

Dans son excellent et très complet ouvrage intitulé La Guerre des Monnaies, le chercheur en économie Song Hongbing appelle l'or et l'argent les "protecteurs divins contre l'instabilité des prix". Et c'est vrai que les exemples ne manquent pas pour se convaincre de cette réalité.

Quand on pense à l'étalon-or, on songe d'abord à un système de création monétaire basée sur une contrepartie physique et surtout une garantie d'échange des devises en or. Mais l'idée n'est pas ici de prôner un retour à l'étalon-or, lequel avait lui aussi ses faiblesses. Il s'agit plutôt de se placer du point de vue de la stabilité des prix (microéconomie) et des marchés (macroéconomies) et de constater que, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, le système monétaire actuel a fait pire que ce qui existait jusqu'alors.

L'étalon-or à l'épreuve des crises

Bien qu'il ait perduré pendant des millénaires sur l'ensemble de la planète, le système monétaire basé sur l'or est aujourd'hui considéré comme une relique d'un passé économique barbare, et c'est désormais la monnaie-dette qui règne sans partage, invention géniale des appareils financiers et gouvernementaux américains qui souhaitaient alors inonder le monde de dollars sans plus avoir la moindre limite. L'ennui, c'est que les crises, les périodes d'instabilité des marchés, de décroissance ou encore de défaillances des institutions se sont révélées, elles aussi... sans limite ! Certes, on aimerait bien aujourd'hui se convaincre que ces troubles n'ont rien à voir avec la déconnexion des politiques monétaires de leur contrepartie en métaux précieux, que les évolutions des marchés, des technologies et de la société en général auraient de toute manière rendu ces crises inévitables, mais on peut aussi s'interroger sur la surprenante stabilité des prix et des économies à des époques où le monde traversait pourtant de graves troubles (comme des guerres mondiales, par exemple). Des époques où l'étalon-or était en vigueur et pour lesquelles il est assez tentant de faire le rapprochement...

Ainsi, en Angleterre, alors que l'indice des prix était resté relativement stable pendant près de 250 ans (de 1664 à la première décennie du XXe siècle), octroyant à la livre sterling un pouvoir d'achat incroyablement constant (que l'on peut alors fixer arbitrairement à 100 pour la suite du raisonnement), on constate qu'au moment où la Première Guerre mondiale éclate, entraînant la nation anglaise dans l'un des pires conflits de son histoire, l'indice des prix s'établit alors aux alentours de 91, permettant ainsi un meilleur pouvoir d'achat de la livre anglaise qu'en temps de paix. Tout ceci sous le système de l'étalon-or. Même phénomène pour les États-Unis, à pondérer toutefois avec le fait que l'administration américaine comme sa monnaie sont bien plus récentes, datant de la fin du XVIIIe siècle. Mais il est amusant de constater qu'à l'époque de l'Indépendance, le dollar était surtout considéré comme une unité des Poids & Mesures destiné à quantifier l'or et l'argent qui étaient alors reconnus comme les seules monnaies autorisées sur le territoire des États fédérés (article 10 de la Constitution Américaine de 1787). À l'époque, d'ailleurs, 1 dollar correspondait à 24,1g d'argent et 1,6g d'or pur. Ce qui est très nettement au-dessus des valeurs actuelles puisque 1 dollar correspond actuellement à environ 1,8g d'argent et 0.025g d'or ! Quoi qu'il en soit, entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XXe, la stabilité des prix fut contenue dans une fourchette allant de 80 à 120 en moyenne, sur une base 100 fixée à l'époque de la signature de la Constitution.

Quant au reste des pays d'Europe, et en dépit d'une histoire militaire très mouvementée (à cause des campagnes napoléoniennes, mais pas seulement), ils parvinrent à préserver une grande stabilité de la monnaie alors même que le continent connaissait également un bouleversement structurel majeur, passant d'une économie majoritairement agricole à une économie majoritairement industrielle. Cet autre point précis aurait donc tendance à tordre le coup à la théorie selon laquelle une révolution technologique ou industrielleentraîne nécessairement une forte instabilité des marchés.

Les richesses naissent d'un système monétaire stable

En clair, nombre d'économistes estiment que si l'âge d'or du capitalisme (dans son acception positive, comme créateur de richesses et sous-jacent d'un certain libéralisme économique) correspond à l'époque où l'étalon-or était la norme partout dans le monde, ils considèrent également que c'est l'étalon-or lui-même qui a permis le développement rapide des sociétés occidentales entre le XVIIe et le XXe siècle, grâce à un environnement monétaire stable et raisonnable. Le contraire finalement d'une monnaie fiduciaire qui peut être émise arbitrairement par un État (ou plus exactement, une banque centrale puisque ce sont elles maintenant qui disposent de ce pouvoir normalement régalien), en quantité et suivant des règles qui peuvent varier en fonction des circonstances... ou des opportunités.

Aujourd'hui, les gens ont compris que les monnaies-dettes avaient été conçues dans le but de percevoir un "impôt caché" sur les citoyens, une manière habile et malhonnête de contrôler artificiellement l'économie pour détourner les richesses de la production vers la spéculation. Et les arguments des détracteurs de l'étalon-or sont tout aussi habiles (et tout aussi malhonnêtes) quand ils prétendent que le système ancien ne pouvait conduire qu'à la déflation, en raison notamment d'une progression plus lente de la production de métaux précieux par rapport à la progression des richesses créées. D'abord parce que seules 3% des richesses prétendûment créées correspondent à de l'économie réelle (le reste étant constitué de dettes en perpétuelle expansion). Et ensuite parce que la défiance croissante des gens envers la monnaie fiduciaire la prive aujourd'hui de sa seule valeur intrinsèque, à savoir la confiance. Cette monnaie-dettequi ne peut exister que sur la base d'une confiance réciproque a désormais montré ses limites, plus précisément depuis la crise de 2008 qui a exposé aux yeux du mondel'incroyable supercherie à laquelle s'étaient livrée les financiers du monde entierdepuis des dizaines d'années. Des malversations auxquelles ils se livrent toujours aujourd'hui, avec encore plus de détermination, d'avidité et d'irresponsabilité (après tout, puisqu'on est démasqués, autant ne plus prendre de précautions pour essayer de se cacher). Les conséquences sont de plus en plus visibles : l'argent ne vaut plus rien (taux nuls voire négatifs), les économies sont sous perfusion de monnaie fabriquée sans plus aucun contrôle, on veut faire payer les épargnants et on cherche à recréer cette inflation contre laquelle nos anciens passaient leur temps à lutter.

Un système pourtant bel et bien révolu

Après avoir pris conscience de l'incroyable fuite en avant à laquelle nous contraint désormais la politique monétaire actuelle, doit-on pour autant appeler de nos vœux un retour à ce fameux étalon or ? La réponse est indéniablement non, ou en tout cas, pas sous la forme qui fut en vigueur jusqu'à la fin des années 60. D'abord parce que ce système a été largement dévoyé au fil du temps, au point de souffrir finalement des mêmes travers dont on accuse aujourd'hui les monnaies-dettes (manipulations des cours, confiscation possible de l'or des particuliers comme en 1933 aux États-Unis, etc.). Ensuite, en faisant de l'or la nouvelle norme de référence, on priverait paradoxalement les citoyens de la seule arme dont ils disposent pour contrer un système officiel corrompu : si l'or est prisé en cas de crise (et aussi l'argent par voie de conséquence) c'est justement parce qu'il offre une alternative aux débordements des monnaies-dettes.

Enfin, la force du système actuel c'est qu'il s'est développé à une vitesse considérable, endettant presque immédiatement le monde entier à des niveaux tellement élevés qu'un retour en arrière est devenu tout simplement impossible. Sauf à devoir totalement faire exploser la valeur de l'or physique, provoquant de graves déséquilibres sociaux et économiques à côté desquels les pires conséquences des derniers conflits mondiaux sembleront dérisoires... Bref, chasser un excès par un autre, ce n'est pas une solution.

Ce qui en serait une, en revanche, ce serait par exemple d'imaginer une nouvelle monnaie basée sur l'or, mais totalement indépendante des États ou des institutions financières. Une monnaie complémentaire décentralisée, open-source pour prendre une analogie informatique, qui ne craindrait pas les manipulations de cours visant à servir les intérêts de la spéculation, et surtout qui resterait en marge des grandes tractations politiques et financières à l'échelle de la planète. En clair, une devise strictement citoyenne que les gens s'approprieraient et s'échangeraient dans le cadre d'une économie du quotidien plus juste, s'appuyant sur la contrepartie tangible, historique et immuable que constituent l'or et l'argent.

Car, comme le dit si justement Song Hongbing : "L'or et l'argent en tant que monnaies sont des produits naturels de l'évolution et qui évoluent avec elle ; un produit authentique de l'économie de marché, une monnaie honnête dans laquelle les gens peuvent placer leur confiance."

Article écrit par Jean-François Faure pour sa page LinkedIn Pulse

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Jean-François Faure est le président d'AuCOFFRE.com. Il a fondé ce service en ligne de placement en or physique avec garde en coffres car l'or physique est pour lui le meilleur produit d'épargne pour sécuriser son patrimoine. Il a publié un livre intitulé L'or, un placement qui (r)assure pour guider les épargnants. Véritable militant, Jean-François Faure a créé et promeut le label Clean Extraction afin de développer une exploitation aurifère respectueuse de l'environnement et des hommes.

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