Octobre 1987 ou annonce de récession ?

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 15 octobre 2018 à 9h33
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@shutter - © Economie Matin

La substance des propos du Président Trump sur la Fed est à rechercher dans le mouvement des taux longs et leur impact in fine sur les indices actions.Le passage en quelques semaines du taux à 10 ans sur un plateau plus élevé de quelque 40pdbs au précédent enclenche une correction boursière. La stabilisation des rendements obligatoires doit permettre aux indices actions de repartir à la hausse. Du côté européen, il faut être attentif à ce qui se passe en Espagne.

Trump considère que la Fed va « devenir folle » qu'elle est incontrôlable et qu’elle se trompe

Une nouvelle séance de forte baisse sur les marchés actions européens et américains ce dimanche 14 octobre (pour l’Euro Stoxx 50, -1,8% deux fois de suite et pour le S&P 500, -2,1% après -3,3%) et en tout six reculs d’affilé de part et d’autre de l’Atlantique. L'accentuation de la tendance baissière dans l’après-midi (heure européenne) paraît être liée à une nouvelle salve du Président Trump contre la Fed. Après avoir dit la veille que la banque centrale américaine était en train de « devenir folle », il est revenu sur le sujet en affirmant que celle-ci est incontrôlable et qu’elle se trompe.

Voilà pour l’évènementiel. La substance des propos du Président Trump est à rechercher dans le mouvement des taux longs et leur impact in fine sur les indices actions. Comme en février dernier, le passage en quelques semaines du taux à 10 ans sur un plateau plus élevé de quelque 40pdbs au précédent enclenche une correction boursière. A environnement économique inchangé (micro et macro), la stabilisation des rendements obligatoires doit permettre aux indices actions de repartir à la hausse.

Comprendre l'implication de la Fed dans la remontée des taux longs

Reste à comprendre l’implication de la Fed dans ce mouvement de remontée des taux longs. Disons que l’observation des cycles passés envoie le message d’un taux à 10 ans qui vient se positionner au plafond projeté du taux directeur. Aujourd’hui, la Fed nous dit qu’il devrait être de 3,375% et le marché « parie » sur un niveau compris entre 2,80% et 2,90%. Observer aujourd’hui un rendement de 3,10% à 3,20% paraît donc assez cohérent. Restent alors trois questions. Premièrement, la remontée récente n’a-t-elle pas été trop rapide ? Deuxièmement, et dans le sillage de la précédente, est-on bien sûr que le point haut sur les taux longs est atteint ? Troisièmement, est-ce que cette hausse des taux laisse bien inchangée les perspectives économiques ?

La réponse à la première question est sans doute oui. Mais elle est à la main du marché. Les réponses aux deux autres questions sont liées. Si l’environnement économique projeté n’est pas remis en cause, alors oui le niveau actuel des taux longs est cohérent. Mais cet environnement est discuté aujourd’hui tant dans un sens que dans l’autre. La Fed, dont son Président Jay Powell, a semblé envoyer un message de plus grand optimisme sur l’état de l’économie. A contrario, d’autres dossiers rendent davantage prudents, comme les tensions commerciales ou cette impression de fragilité sur les marchés émergents.

Le choix en termes de perspectives de marché a alors quelque chose d’un peu binaire. On peut mettre en avant un épisode du type octobre 1987 (mais avec une ampleur à aujourd’hui beaucoup plus modérée qu’à l’époque) : les taux longs ont beaucoup monté et finissent par fragiliser un marché des actions qui lui aussi s’est beaucoup apprécié. Une dispute internationale autour du change et de la politique monétaire sert d’étincelle à la correction. Mais sur les marchés d’actions, la tendance repart à la hausse (même s’il faut près de deux ans pour retrouver le point haut précédent à Wall Street) sur fond de situation économique toujours favorable.

Être attentif à ce qui se passe en Espagne

L’autre hypothèse revient à considérer que la période actuelle de fin de phase haussière de cycle conjoncturel évoluerait plus vite que ce n’est attendu vers le moment du retournement. Dans le cas américain, ni le profil de l’activité du secteur de l’immobilier ni les perspectives des résultats des entreprises n’envoient à l’heure actuelle un message de ce genre. D’où la préférence pour l’autre scénario.

Du côté européen, alors que le dossier du budget italien pour 2019 n’évolue guère avec un Cabinet qui campe sur sa position « volontariste », il faut être attentif à ce qui se passe en Espagne. Le Parti socialiste du Premier ministre Sanchez vient de s’entendre avec Podemos, positionné plus à gauche de l’échiquier politique, pour proposer un budget 2019 à orientation sociale, mais sans pour autant remettre en cause la trajectoire de déficit vue avec Bruxelles. Les ménages aisés et les grandes entreprises seront mis à contribution. Les deux partenaires (de circonstance ?) trouveront-ils des alliés au Parlement pour faire voter leur budget ? Les « petits » partis vont être sollicités ; avec quel succès ?

C’est ce weekend qu’auront lieu les élections régionales en Bavière. Le plus probable est que la CSU enregistre un mauvais score. Une coalition devra être formée pour gérer la région. Avec les Libéraux du FDP et les Conservateurs des Electeurs Libres ou avec les Verts ? La première hypothèse semble plus probable, si tant est que les résultats le permettent. Un autre point d’importance, le poids politique en Bavière des Electeurs Libres, « petit parti » au niveau national, freine le développement de l’AFD (Alternative für Deutschland). Si c’est confirmé, cela sera un soulagement pour tous les observateurs de la situation allemande, dont les marchés.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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