Les obligations d’État acquises par les banques centrales ne seront pas revendues

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Par Charles Sannat Publié le 13 mars 2014 à 13h30

Décidément, je suis dans une période « Ambrose Evans-Pritchard » du Telegraph, mais il fallait absolument que je vous parle de cet article en provenance d’outre-Manche.

La croyance de la « stérilisation »

Ou plutôt le mensonge de la stérilisation… car c’est comme cela qu’il convient d’appeler la chose maintenant que les mots commencent à être posés.

Explications :

Lorsque l’économie mondiale a déraillé lors de la crise des subprimes dès la fin 2007 et que la récession devenait trop forte, il a été décidé partout à travers le monde de relancer l’économie. Souvenez-vous ces G20 et ces G8 où Nicolas Sarkozy, alors président de la République, revenait à chaque fois, triomphant, expliquant qu’il avait sauvé la planète à lui tout seul avec ses tous petits bras (il n’est pas bien haut Nicolas, mais je peux me moquer de lui car j’ai exactement la même taille… mais sans talonnettes).

Bon, en gros, il y a eu deux types de politique. En Europe, la relance a été budgétaire et menée par chaque pays, c’était l’époque des primes à la casse pour les voitures neuves, etc. Évidemment, cela a coûté un gros tas d’argent à l’État, argent bien sûr que nous n’avions pas… et qui maintenant correspond à un très fort alourdissement de notre endettement.

Chez les anglo-saxons, ils n’y sont pas allés de main morte. Non seulement ils ont fait des primes à la casse et du déficit budgétaire colossal mais en plus ils ont fait de la création monétaire… enfin, disons plus pudiquement des quantitative easing, c’est-à-dire de l’assouplissement quantité monétaire. En clair, ils ont injecté de la monnaie et c’est là que le mensonge planétaire intervient.

Il y a une grande différence entre créer véritablement de la monnaie et injecter de la monnaie. En effet, lorsque vous injectez de la monnaie, cela est « provisoire » et au bout de votre opération, vous allez stériliser votre injection en retirant cet argent de la circulation. Au bout du compte, votre masse monétaire n’aura pas varié. Lorsque vous faites un crédit à la banque, la banque ne vous prête pas l’argent du voisin contrairement à une fausse croyance populaire. Elle crée cet argent et fait augmenter la masse monétaire… temporairement. Temporairement car lorsque vous remboursez votre crédit, la banque stérilise cette création monétaire. Votre opération de remboursement va faire diminuer la masse monétaire d’autant.

Logiquement, vous aurez compris que ce qui a été vendu partout à travers la planète c’était cette idée-là. Dormez tranquillement braves gens, nous n’imprimons pas de billets comme ça, n’importe comment, nous sommes des gens responsables, il n’y aura pas d’hyperinflation, aucun risque, n’achetez surtout pas d’or pour vous protéger d’un risque qui n’existe pas puisque si nous monétisons aujourd’hui c’est pour mieux stériliser demain quand tout ira bien.

Après presque 7 ans de crise, nous voilà demain. Et aujourd’hui, nous apprenons de façon parfaitement officielle et parfaitement passée sous silence que de stérilisation… il n’y aura point ! Voilà qui est passionnant comme information pour les détenteurs d’or que nous sommes, mais c’est surtout une information particulièrement importante pour l’ensemble des citoyens. La création monétaire est un chemin sans retour. Voilà le principal enseignement que nous pouvons tirer de cette information et c’est évidemment un élément qui doit renforcer votre conviction dans la détention d’or pour la protection à long terme de votre patrimoine financier.

Voici la traduction des meilleurs passages de cet article d’Ambrose Evans-Pritchard qui couvre la politique et l’économie mondiale depuis 30 ans, basé en Europe. Il est un VRAI journaliste même si nous pouvons ne pas partager l’intégralité de ses points de vue ou être en désaccord sur certains éléments.


La Banque d’Angleterre ne pourra jamais revenir sur sa création monétaire !

« Mark Carney, le gouverneur de la Banque centrale d’Angleterre (BoE) a plus ou moins reconnu ce matin que la BoE ne pourra jamais revenir sur ses 375 milliards de livres d’achats de Gilts (les emprunts d’État anglais).

Cela fait suite à des commentaires du vice-gouverneur Charlie Bean qui a dit hier que la Banque pouvait seulement espérer revendre quelques Gilts une fois que la reprise serait forte, en admettant que certains ne pourraient jamais être vendus… (donc pas de stérilisation, donc de la création monétaire pure, donc de l’inflation).
La Banque centrale a parcouru un long chemin depuis les premiers jours de son QE, quand une telle suggestion a été traitée comme une affirmation scandaleuse et une question outrageante à ne pas poser. Il y avait un mantra disant que l’argent créé par « l’hélicoptère » nécessitait un aspirateur pour aspirer ensuite cette création monétaire.

Mais dans un monde déflationniste, il n’y a évidemment aucun impératif à le faire. La Banque centrale peut s’asseoir sur ses Gilts pour toujours. Ceux-ci peuvent être transformés en obligations à coupon zéro perpétuelles, ces certificats peuvent être mis dans un tiroir à pourrir jusqu’à la fin des temps.

Les investisseurs étrangers qui ont vendu leurs Gilts en 2009 ont perdu environ 20 % (15 % s’ils revendaient leurs emprunts d’État britannique maintenant) en raison de la dévaluation de la livre sterling.

Cette politique a eu un coût social au Royaume-Uni. Ce QE a été un énorme transfert net des épargnants vers les emprunteurs. C’est injuste mais en fin de compte c’est un meilleur résultat pour la société dans son intégralité que de revivre le scénario déflationniste de la grande dépression des années 30.

Peut-être, peut-être que cette base monétaire élargie reviendra nous hanter, mais c’était ce qu’il fallait faire et finalement cela a permis de trouver une forme de compromis entre la ruine des épargnants et la ruine sociale via le chômage. Une espèce de compromis où tout le monde était perdant… mais pas trop !

J’admire mes amis en France, en Italie ou en Espagne qui transpirent sous la tutelle de la BCE avec à peine un mot de protestation, mais le résultat est que leurs ratios de la dette publique sont en hausse à un rythme galopant malgré l’austérité budgétaire profonde. Leurs taux de chômage se sont envolés.
Eux aussi pourraient utiliser cette astuce pour réduire la charge de leurs dettes. Sinon, la souffrance va continuer encore et encore.

Alors souffrez si vous voulez ! »

Quels enseignements tirer de cet article ?

Tout d’abord, ce qui est valable pour le Royaume-Uni risque fort de l’être aussi pour les États-Unis d’Amérique et il serait surprenant que la FED réussisse à « stériliser » les monceaux d’obligations moisies qu’elle peut accumuler dans son bilan. Même si la FED est en train de réduire ses injections… elle injecte toujours pour plus de 60 milliards de dollars chaque mois dans l’économie et cette réduction finira par poser de véritables problèmes économiques qui casseront la vague reprise tant vantée ces derniers mois et pourtant inexistante. La FED est donc très loin du moment où se posera la question de la stérilisation.

Ensuite, il faut bien se rendre compte que la monétisation et la création monétaire peuvent être des chemins sans retour et que cela a forcément un coût. Ce coût c’est une baisse de presque 20 % si l’on tient compte des taux de change de la valeur des obligations de l’État anglais depuis le début de la crise. Or, vous pourriez vous demander à juste titre quel est le pourcentage dans votre contrat d’assurance vie… de dette anglaise. C’est juste une question, comme cela, en passant, au cas où vous ne vous seriez pas interrogé là-dessus !

Enfin, nous en revenons toujours à l’Europe et à la zone euro. Nous sommes effectivement en train de mourir sous le poids d’une politique de dévaluation interne dans chaque pays. Nous devons faire des réformes certes, des plans de rigueur évidemment, nous devons réduire la dépense publique… Mais sans utiliser le levier monétaire pour adoucir la peine, il est évident que nous courrons à la catastrophe et à l’insolvabilité généralisée par la déflation comme le montre si bien l’exemple de la Grèce et plus récemment… les résultats catastrophiques des banques italiennes qui sont de très grandes banques !

Le pire, et nous en sommes tous conscients, comme le dit notre cher Ambrose, cette création monétaire viendra peut-être nous hanter. Nous pouvons même rajouter qu’elle reviendra forcément nous hanter car la création monétaire a toujours eu un prix mais elle a le mérite de nous faire mourir sous morphine, avec donc moins de souffrance jusqu’à l’arrêt cardiaque fatal lié au déclenchement d’un épisode hyperinflationniste.

Encore une fois, la crise que nous traversons est particulièrement profonde et grave, et nous n’aurons aucun moyen d’échapper à une résolution qui sera forcément douloureuse. Il n’y aura aucun chemin facile pour s’en sortir, mais nous ne sommes pas obligés, comme nous le faisons dans la zone euro, de choisir le chemin du suicide collectif. Il peut sembler ambigu de défendre l’idée de la monétisation en économie. Je ne défends pas cette idée-là sur le point de vue économique mais sur le plan social et humain. Gagner du temps nous permet de reculer l’effondrement. Un effondrement sera terriblement dommageable à nos populations. Le reculer est-il forcément une mauvaise idée ? Je n’en suis pas si sûr et à titre personnel, et bien aussi imparfaits que soit ce système et notre société, je ne pense pas que nous puissions raisonnablement vouloir que tout s’effondre violemment et rapidement.

Ce qui est sûr c’est que vous devez continuer à vous préparer avec constance pour pouvoir faire face du mieux que vous le pourrez au tsunami qui risque fort de nous arriver dessus.
« L’hiver vient » !

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

Au coffre Le Contrarien Charles Sannat

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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