Sans vouloir jouer les Cassandre, dans notre marché des objets connectés, il risque d'y avoir un peu de sang sur les murs. A la fin des années 90, une bulle spéculative, touchant les sociétés des secteurs de l'informatique et des télécommunications surévaluées, a fini par éclater. Les objets connectés connaîtront-ils le même sort ?
Aujourd'hui, il faut faire le constat que le marché n'est pas encore là. Bien sûr, suite au CES (Consumer Electronics Show) à Las Vegas, nous sentons bien qu'il se passe beaucoup de choses, de nouveaux produits et des innovations technologiques très intéressantes, notamment françaises, émergent. Mais, en coulisses, des alliances se livrent aussi bataille, et tout ceci, hélas, crée un énorme problème de lisibilité pour les consommateurs potentiels.
Un manque de maturité du marché
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous avions des alliances au niveau des protocoles, nous voyons maintenant émerger des alliances au niveau des constructeurs. D'un côté, l'alliance AllSeen avec Qualcomm, LG, Microsoft,... d'un autre, Google avec son consortium et son protocole Thread qui a déjà rallié un certain nombre d'entreprises comme le géant Samsung, ajoutent encore un peu plus de confusion dans l'esprit du grand public. Le plus fort imposera forcément ses choix et ne nous voilons pas la face, Google a toutes les chances de l'emporter.
Une chose est sûre, cela démontre un manque de maturité du marché qui rend plus compliqué le processus de décision de l'acheteur. Or, si nous souhaitons démocratiser la maison connectée, c'est à dire des objets connectés qui non seulement communiquent mais, surtout, interagissent aussi entre eux, des objets donc plus complexes qu'un simple objet wearable, comme un bijou ou un vêtement connecté qui est en « one-to-one », il faut aller vers davantage de simplification. Pour réduite le coût d'un objet connecté, il n'y a pas de secret : il faut faire du volume. Et pour pouvoir faire du volume, il faut répondre à une véritable attente des consommateurs. Or, au CES à Las Vegas, nous avons pu aussi découvrir des objets pour le moins insolites. Correspondent-ils tous à une véritable demande des consommateurs ? La question va inévitablement se poser. Par ailleurs, pour qu'un objet connecté soit attractif, dans l'univers de la régulation énergétique par exemple, il faut être capable de promettre un retour sur investissement au particulier. Or, pour que les économies d'énergie générées remboursent l'équipement qu'il a acheté, il faudra encore attendre, la volumétrie n'étant pas encore au rendez-vous.
Chez Avidsen, cela fait près de 10 ans que nous avons investi dans la domotique et la maison connectée. Nous savons donc combien coûte la volonté de pénétrer ce marché. Ce qui nous permet aussi de dire qu'à l'heure actuelle ce marché n'a pas encore vraiment commencé. Nous avons heureusement la chance d'être un groupe qui fait plus de 47 millions d'euros de chiffre d'affaires. La maison connectée n'en représente qu'une petite partie. C'est tout le reste de nos produits, motorisations de portail, interphones, caméras, alarmes,... qui nous permettent d'avoir une certaine assise, de générer suffisamment de chiffre d'affaires et de bénéfices pour pouvoir continuer à investir sur la maison connectée dans laquelle nous croyons fermement.
Avec Somfy et Myfox, nous sommes finalement peu d'acteurs du retail à être présents depuis longtemps sur ce marché. Aujourd'hui, tout le monde y croit. Depuis peu, nous voyons débarquer une multitude d'entreprises. La concurrence est désormais exacerbée avec de nombreux prétendants mais, forcément, peu d'élus. Beaucoup d'entreprises font la même chose et n'ont que, pour seule activité, les objets connectés. Mais combien d'entre elles réussissent vraiment à vendre leurs produits ? Cette situation est relativement inquiétante. Nous allons connaître des alliances, des fusions ou des rachats en nombre car le marché n'a pas vraiment décollé et il ne va pas s'envoler en un claquement de doigts en 2015.
La bagarre ne fait que commencer
Les objets connectés suscitent davantage l'engouement des médias que celui des consommateurs. Sujet dans l'air du temps et attractif en France car nous sommes nombreux à être performants dans ce domaine, la presse est devenue technophile. Pour preuve, l'importante couverture médiatique à l'occasion du CES à Las Vegas. De plus, les objets connectés avec les problématiques liées au Big Data et à la sécurisation des données vont continuer à passionner les journalistes.
Et, tant mieux ! Il faut continuer à évangéliser le grand public. Mais en s'adressant davantage à « Monsieur et Madame Tout-le-monde ». Nous sommes encore sur un marché d' « early adopters » et l'image véhiculée par les médias ne permet pas à tout un chacun de s'approprier les objets connectés.
Dans l'imaginaire collectif, entretenu par les quelques spots de publicité télévisée, la maison connectée permet simplement d'ouvrir ou fermer les volets, allumer ou éteindre les lumières, à distance. Or, jamais les consommateurs ne vont dépenser, en masse, 500 euros voire plus pour ça.
En réalité, la maison connectée, c'est beaucoup plus que cela, c'est une maison qui s'adapte aux habitudes de toute la famille pour faire beaucoup plus de choses, comme par exemple, gérer simultanément le chauffage et l'alarme lorsque vous quittez votre domicile ou entrez dans votre garage. L'intelligence de la maison connectée est, en effet, sans limite.
Mais elle ne sera donc pas sans dommages collatéraux pour nous, entrepreneurs, qui avons encore des efforts à fournir pour simplifier les produits et les systèmes et mieux communiquer auprès du grand public.
Avec l'arrivée désormais de géants comme Google et Apple sur ce marché, il apparaît clairement que le protocole unique des objets connectés est fortement compromis. L'interopérabilité entre les objets se fera plutôt via le Cloud à travers des API, interfaces de programmation, qui vont permettre à plusieurs appareils de marques différentes de communiquer et d'être hyper-opérables. Ce sera le cas, par exemple, avec le hub numérique que souhaite proposer la Poste qui permettra de piloter sur une même application des équipements de constructeurs différents. Entre contribuer à développer le marché et conserver ses parts de marché, la bagarre ne fait que commencer.