ZAN (Zéro Artificialisation Nette) est un objectif environnemental qui a fait couler beaucoup d’encre jusqu’à la promulgation de la loi Climat et Résilience le 24 août dernier. Si son ambition pose question pour de nombreux acteurs de l’urbanisme, il traduit un changement radical de l’approche de la préservation de nos sols vivants. Rappelons que l’on définit l’artificialisation des sols par l’atteinte à leurs fonctionnalités premières à l’occasion d’un projet d’aménagement ou de construction, notamment lorsqu’il s’agit d’espaces naturels, agricoles ou forestiers.
Concrètement, l’objectif « ZAN », qu’est-ce que ça signifie ?
Les finalités concrètes de l’objectif ZAN pour les acteurs du cadre de vie peuvent se résumer selon quatre axes essentiels : le renouvellement de la biodiversité, la lutte contre les îlots de chaleur en milieu urbain, le développement de l’infiltration des eaux pluviales et la captation de carbone par la végétation.
En France, l’urbanisation est le premier élément qui affecte l’ensemble de la biodiversité, avant même le changement climatique. Nous comptons parmi les plus mauvais élèves d’Europe dans ce domaine.
Nous transformons ainsi chaque année 23 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers pour les artificialiser. Ce chiffre représente plus de quatre fois la superficie de la ville de Lyon, tous les dix ans. L’avancée de l’urbanisation par étalement urbain, dont l’essentiel est représenté par des programmes de logements, est une des conséquences les plus visibles du déploiement des populations en périphérie des villes sous l’effet du déplacement des fonctions économiques vers les grands bassins d’emploi et du renchérissement continu des prix fonciers dans les agglomérations actives. Dans ce contexte, la trajectoire ZAN prévoit de réduire de moitié, à horizon 2030, le processus d’artificialisation des sols, en vue d’atteindre la neutralité en 2050.
L’ambition de la démarche provoque légitimement des inquiétudes parmi les acteurs de l’aménagement du territoire et de la construction, notamment en raison de la complexité et de l’instabilité des critères d’évaluation quantitative de l’artificialisation et d’appréciation du respect de l’objectif ZAN. Ils redoutent également que la mise en place de nouvelles normes, si elle avait l’avantage de réduire ces incertitudes, ne contribue à renchérir et à ralentir leurs projets. Il reste donc beaucoup d’inconnues à lever et à clarifier, avec en arrière-plan le risque de voir le millefeuille du droit de l’urbanisme et de l’environnement prendre toujours plus d’épaisseur.
Des changements pourtant nécessaires pour donner corps à la transition écologique.
Un nouveau modèle du marché foncier se profile au travers de l’objectif ZAN, avec pour priorité le retour à l’équilibre de notre écosystème. Nous ne pouvons pas continuer à construire comme ces dernières décennies sans nous préoccuper de la nature et sans redonner une réelle dynamique aux sols vivants (à 20 centimètres sous le sol, c’est la vie terrestre qui stimule les terres). Rester inactif conduirait à une véritable catastrophe écologique, avec de réelles conséquences sur notre quotidien, sur nos cultures agricoles, sur notre économie et sur l’ensemble de l’écosystème.
Même si le ZAN soulève des questions relevées par les principaux acteurs de l’aménagement du cadre de vie dont les collectivités, on sait que les friches industrielles, hospitalières ou commerciales offrent un gisement considérable de potentiel d’intervention, qu’il s’agisse de les (re)construire ou de les rendre à la nature à des fins de compensation écologique : on en compte pas moins de 400 000 sur notre territoire. Recycler ces terrains, c’est accueillir de nouveaux logements et de nouvelles zones d’activités.
Pour les friches éloignées des villes, elles doivent aussi trouver leur intérêt. C’est le cas notamment des friches militaires : certains de ces vastes terrains abandonnés constituent un réservoir de compensation, sous forme de terres agricoles ou de recréation d’espaces naturels vivants. Si ces friches ne suscitent pas d’intérêt, du moins dans l’immédiat, au regard de leur absence de potentiel économique, elles représentent pourtant des dangers sanitaires et humains à traiter en vue de garantir un patrimoine naturel aux futures générations. Ce legs est l’un de nos devoirs. Les temps à venir vont donc probablement pousser de nouveaux acteurs à s’investir dans l’aménagement des friches des territoires en perte de vitesse et en fonction de modèles économiques et de filières à inventer. De ce point de vue, l’objectif ZAN est une aubaine.
La loi Climat et Résilience peut naturellement faire frissonner de nombreux acteurs : les élus, les industriels, les investisseurs. Mais en 2080, nous serons 79 millions d’habitants pour un territoire comme la France. Nous devons absolument changer notre vision concernant l’urbanisation et inclure une économie circulaire, parce que cela fonctionne.