Conflit familial chez Oberthur : le président sort de sa réserve

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Par Rédaction Modifié le 9 décembre 2014 à 8h51

Après l'affaire Uderzo, l'affaire Savare. Le groupe Oberthur est-il dans la tourmente ? C'est pour le démentir que Jean-Pierre Savare a accepté de nous répondre au sujet du conflit actionnarial qui les oppose, lui son fils Thomas, à ses deux filles Marie et Emmanuelle. Ces dernières, en effet, leur reprochent d'avoir investi à perte plusieurs millions d'euros dans le Stade Français, par l'intermédiaire du groupe familial François Charles Oberthur SAS (FCO) fondée par Jean-Pierre Savare lui-même. D'un naturel discret, celui-ci sort de son silence pour mettre un terme à la polémique. Fin de la récré ?

Le Stade Français est aujourd'hui à la Une pour des raisons très éloignées de l'actualité sportive. Quelle est l'origine de ce conflit ?

Vous avez raison : cette polémique n'a rien à voir avec le sport. Elle n'a d'ailleurs, au fond, pas grand-chose à voir avec le Stade Français. La raison profonde de cette polémique, c'est un différend qui relève de la gouvernance du groupe FCO. Ce dernier a été tranché par le tribunal de commerce récemment, et je déplore qu'il se répande aujourd'hui en place publique.

Pourquoi avoir accepté de nous répondre dans ce cas ?

J'ai décidé de sortir de ma réserve car j'estime qu'il est de ma responsabilité de préserver notre groupe de querelles intestines qui sont très loin des considérations industrielles et stratégiques qui doivent –normalement – présider à la destinée d'un groupe comme le nôtre. Un fleuron industriel ne se gouverne pas dans la pagaille, et il m'appartient en qualité de fondateur de la préserver des vicissitudes de la vie actionnariale.

Voyez-vous dans ces évènements une volonté de revanche ?

C'est terrible à dire car il s'agit de mes filles, mais oui. J'aime le rugby parce qu'il incarne des valeurs de solidarité, d'effort, et de cohésion. Je déplore que ces valeurs ne fassent plus l'unanimité au sein de notre gouvernance et de notre famille. Pourtant, mon ambition a toujours été de créer de la valeur au profit du collectif, à commencer par ma propre famille.

Vous faites référence aux récentes déclarations de vos filles, qui se disent prêtes à trouver une solution capitalistique, c'est-à-dire à vendre leurs parts ?

Cela montre bien que le problème, au fond, n'est pas tant notre investissement dans le Stade Français qu'une insignifiante querelle entre actionnaires du groupe Oberthur. J'ai voulu être juste en répartissant de mon vivant le capital de l'entreprise familiale dans un strict souci d'équité, afin de m'assurer que tous mes enfants, et petits enfants, ne manquent jamais de rien. Je n'aurais jamais pensé, en revanche, que le statut d'actionnaire prendrait le pas sur la cohésion familiale, et sur l'amour que des filles portent à leur père. Je ne regrette en aucun cas d'avoir agi ainsi mais, si c'était à refaire aujourd'hui, je m'y prendrais probablement autrement.

On vous sent profondément affecté par la situation.

Je suis un chef d'entreprise mais je n'en demeure pas moins un père. Ma vie d'entrepreneur a été guidée par le souci de partager le fruit de mes efforts avec ma famille. Mais jamais rien n'altèrera ma volonté de préserver la stabilité de la gouvernance du groupe. Mon fils et moi-même avons des responsabilités humaines bien trop grandes pour nous laisser entraîner par des considérations affectives, ou par d'intempestives actions en justice guidées par l'intérêt individuel des uns et des autres, probablement mal conseillés pour certains d'entre eux.

Vos filles font pourtant valoir des erreurs dans la gestion de l'entreprise.

Quelles erreurs ? Je mets au défi quiconque de trouver le moindre grief à adresser à notre gestion du groupe. L'entreprise est en pleine expansion et elle est gouvernée avec un souci extrême de stabilité et de sécurité par des hommes et des femmes de confiance, dont je peux témoigner de la grande valeur professionnelle et morale. Les quelques informations auxquelles vous faites référence sont le fruit d'une fallacieuse tentative de dénigrement orchestrée par des conseils peu scrupuleux.

Ce différend est-il tout de même de nature à modifier ou à déstabiliser la gouvernance du groupe ?

Toutes les précautions ont été prises il y a bien longtemps pour que la stabilité de la gouvernance soit ancrée dans le marbre, quelles que soient les manigances et les convoitises. Thomas et moi-même avons une expertise, une vision et une stratégie pour l'entreprise. Nous nous projetons dans le long terme et pour l'heure, les résultats nous donnent largement raison.
Nous sommes fiers d'être parvenus, ensemble, à redonner ses lettres de noblesse à l'une des plus belles et plus anciennes marques de l'industrie française. Le groupe Oberthur est une équipe à laquelle nous appartenons. Or Thomas et moi-même ne sommes pas hommes à quitter le terrain en plein milieu du match.

Une entreprise familiale peut-elle vraiment sortir intacte d'un tel conflit ?

Je le redis : pour l'entreprise de l'envergure d'Oberthur Fiduciaire, c'est un non-évènement. Pour le père que je suis, c'est une autre affaire. Mais nous avons plus de 800 collaborateurs, et je ne laisserai aucune considération d'ordre personnel interférer dans la conduite de notre Groupe. Pour ce qui est de la famille, je souhaite bien entendu qu'elle puisse retrouver rapidement son unité et sa sérénité.

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