Si la question posée avait été « Devrions-nous nous passer du nucléaire ? », cette tribune aurait tenu en un mot : « Non ! », mais à la question « Pouvons-nous nous passer du nucléaire ? » la réponse nécessite au minimum deux mots : « Oui, mais… ». Cette réponse un peu courte mérite un certain développement.
Oui, mais pas très vite. L’énergie nucléaire fournit aujourd’hui les trois quarts de l’électricité produite en France. L’essentiel du parc a été réalisé en une vingtaine d’années grâce à une véritable mobilisation nationale déclenchée par les deux premières crises pétrolières. Quand on voit aujourd’hui la difficulté à déplacer un aéroport ou à construire un petit barrage, on peut douter que le remplacement du parc nucléaire, par quoi que ce soit, puisse prendre moins d’une cinquantaine d’années.
Oui, mais à grands frais. Les rapports récents de la Cour des Comptes montrent que, même si la marge de compétitivité du nucléaire s’érode, il reste la source d’électricité la plus économique, à l’exception de la grande hydraulique. Mais croyez-vous que l’on pourrait aujourd’hui ne serait-ce que refaire le barrage de Tignes ?
Oui mais en abandonnant nos engagements de réduction des gaz à effet de serre. En effet, le nucléaire et les sources renouvelables sont fort peu émetteurs de GES, mais du fait de l’intermittence de l’éolien et du solaire, quand il leur faudra remplacer le nucléaire, il sera nécessaire de mettre en secours des centrales à charbon ou à gaz qui, elles, seront fortement émettrices. Et celles-ci, intervenant en bouche-trous, devront être lourdement subventionnées.
Oui, mais au grand dam de notre balance des paiements. La seule importation significative du nucléaire est l’uranium naturel, qui nous coûte moins de 5% du coût de production du kWh, alors que le gaz, importé en totalité, en coûte plus de 60%. En revanche, nous exportons de l’électricité et des services, notamment dans le cycle du combustible nucléaire. Et, au passage, les panneaux photovoltaïques sont importés en totalité.
Oui, mais en sacrifiant un des rares domaines où la technologie française est – encore – dans le peloton de tête au plan mondial.
Je pourrais continuer en évoquant la sécurité d’approvisionnement, la surface d’occupation du sol, les emplois très qualifiés et même la santé publique, mais tout se résume dans les deux mots « Oui, mais… ».