Les BRICS ont du plomb dans l’aile… qui sont les nouveaux pays émergents?

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Par JOL Press Modifié le 10 juillet 2013 à 13h53

Dans ses prévisions de croissance économique mondiale, le FMI a mis en garde mardi 9 juillet contre le risque « accru » du ralentissement de la croissance des économies émergentes. Les récents troubles sociaux qui agitent le Brésil ou la Turquie et la hausse du mécontentement social dans ces pays marquent en effet le début d’une crise de croissance. Qu’elle soit passagère ou plus profonde, elle pousse désormais à regarder plus loin, vers les pays dont la compétitivité sur le marché international ne cesse de croître.

En 2001, Jim O’Neill, ancien économiste de Goldman Sachs, inventait l’acronyme « BRIC » pour regrouper sous un même terme les quatre plus grandes économies non occidentales de la planète : le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, rejointes dix ans plus tard par l’Afrique du Sud. Désormais, Mexique, Corée du Sud, Vietnam, Nigeria ou Bangladesh s'invitent dans la cour des pays émergents.

Illustration d’une réalité économique et géopolitique

CIVETS, MIST, E7, Next 11, EAGLES, BENIVM… Ces acronymes regroupant un nombre plus ou moins grand de pays émergents ont fleuri dans les années 2000. « Ils ont été créés par des sociétés financières qui souhaitaient proposer des indices boursiers synthétiques aussi attractifs que possibles pour des investisseurs. L'idée de leurs auteurs est donc, fort logiquement, d'insister sur le potentiel de croissance de ces marchés financiers, pour séduire les épargnants en quête de rendements élevés – et peu rétifs aux risques », rappelle Julien Vercueil, maître de conférences à l’INALCO et auteur de Les pays émergents. Brésil-Russie-Inde-Chine... Mutations économiques et nouveaux défis.

La création de ces différentes dénominations qui illustrent une réalité économique témoigne aussi d’« une part d'opportunisme » des banques d’investissement qui « surfent sur la popularité des BRICS » pour créer de nouveaux regroupements, « même si on y trouve des pays émergents prometteurs comme l'Indonésie, la Mexique, l'Arabie saoudite, l'Argentine ou la Turquie qui pourraient être associés aux BRICS pour former une sorte de BRIICSSAMT ou BRICS+ », explique l’économiste Alexandre Kateb, fondateur de INVESTINBRICS et auteur de Les nouvelles puissances mondiales. Pourquoi les BRIC changent le monde.

Mais ces dénominations illustrent également une réalité diplomatique et géopolitique. Comme l’explique cet économiste, les BRICS ont bien compris l'idée, « en inaugurant des sommets annuels de leurs chefs d'État à partir de 2009, et en coordonnant leurs positions en amont des sommets du G20 auxquels ils participent ».

Pays émergents : les critères retenus

Pour Julien Vercueil, un pays est considéré comme « émergent » selon trois critères : le niveau de revenu intermédiaire (entre 10 et 75 % du niveau de revenu par habitant de l'Union Européenne, en parités de pouvoir d'achat) ; le rattrapage économique (sur au moins une décennie, ces pays ont connu un taux de croissance supérieur à celui des pays avancés) et le niveau de transformation institutionnelle et d’ouverture du pays (ces économies ont connu de profondes transformations de leurs institutions, qui les ont progressivement ouverts aux échanges mondiaux).

Si l’on applique ces critères, une cinquantaine de pays, répartis sur tous les continents et pesant environ la moitié du PIB mondial, pourraient donc être considérés comme « émergents ».

Et les atouts de ces pays sont nombreux : « une classe moyenne qui soutient la croissance, une main d’œuvre de mieux en mieux informée ainsi que des coûts salariaux encore plus faibles que ceux des économies avancées », résume Alexandre Kateb.

BRICS : un concept dépassé ?

La crise des économies de la triade (États-Unis, Union européenne et Japon) a largement touché les économies des pays émergents. Les BRICS, qui ont fondé une grande partie de leur croissance sur les exportations vers les pays avancés, ont dû affronter une baisse de la demande adressée par ces pays.

« La Chine et la Russie ont directement été impactées par la crise dans la zone euro qui est le principal partenaire commercial de ces deux pays. Le Brésil et l'Afrique du Sud ont subi le contrecoup du ralentissement des importations de matières premières par la Chine. Quant à l'Inde, elle dépend beaucoup des transferts financiers des Indiens résidant à l'étranger (dans les pays du Golfe notamment) qui ont baissé avec la crise », rappelle M. Kateb.

Dépassé, le concept de « BRICS » ? « Leur potentiel reste malgré tout important », ajoute-t-il, mais « il faudrait peut-être l’élargir encore plus et le remplacer par un BRIICSAM ou BRIICSSAMT ». Pour Julien Vercueil, ce n’est pas tant le concept d’économies émergentes qui est dépassé « mais la croyance naïve que ces économies, tout en participant activement à ce qu'on a appelé le "basculement du monde", seraient immunisées de toute éternité contre les soubresauts de la mondialisation ».

Vulnérabilité, dépendance, problèmes sociaux et environnementaux

Malgré les atouts qui permettent aux pays émergents d’être compétitifs au niveau international, ces pays connaissent des problèmes structurels. Risques d’emballement et de surchauffe de leurs économies, dépendance vis-à-vis des exportations de matières premières (comme en Russie ou au Brésil), vulnérabilité face aux flux internationaux de capitaux ou trop grand appétit pour le risque : les pays émergents ont encore un certain nombre de défis à relever.

« Les problèmes sociaux et politiques non gérés peuvent également aboutir à une remise en cause du pouvoir politique comme cela s'est vu en Russie en 2012, en Turquie et au Brésil en 2013, et demain en Chine ? », s’interroge M. Kateb. Si certains pays parviennent à gérer ces crises, « une grande partie en est pour l’instant incapable, ce qui crée des frustrations politiques qui s'ajoutent aux frustrations économiques », rappelle de son côté Julien Vercueil. « Ce sont eux qui sont les plus vulnérables à mon sens, car ils sont politiquement condamnés à une croissance qu'ils ne pourront pas assurer suffisamment longtemps ».

Enfin, la question des défis environnementaux auxquels sont confrontés ces pays est encore loin d’être traitée. Des pays comme la Chine ou l’Inde, qui mettent prioritairement l’accent sur leur croissance économique, le font souvent aux dépens des questions environnementales et des problèmes climatiques, rejetant généralement la responsabilité sur les pays occidentaux.

Un déclin des puissances occidentales ?

« Je ne crois pas à un déclin au sens qualitatif des puissances occidentales mais plutôt à un déclin relatif en volume, dans un monde où les pays occidentaux ne représenteront plus que 10% à 15% de la population mondiale à l'horizon 2040-2050 », déclare Alexandre Kateb, qui préfère parler de « grande convergence » pour expliquer le retour aux équilibres qui prévalaient avant la « grande divergence » entre l'Occident et le reste du monde, après la révolution industrielle du XIXème siècle.

Pour Julien Vercueil, le déclin des puissances occidentales au profit des nouveaux pays émergents est relatif. Les États-Unis et l’Europe des 28 font encore figure de grandes puissances et pèsent lourd dans la balance de la richesse mondiale. Enfin, ce déclin relatif est selon lui « une bonne nouvelle, dans la mesure où il signifie qu'une fraction de la population mondiale au sein des économies émergentes sort de l'extrême pauvreté et de la précarité vitale qui l'accompagne ». Le risque serait plutôt que la crise actuelle qui frappe les économies occidentales se prolonge et ne provoque une accélération de ce déclin.

Julien Vercueil est maître de conférences habilité à diriger des recherches en sciences économiques à l’INALCO. Il est l’auteur de Les pays émergents. Brésil–Russie–Inde–Chine... mutations économiques et nouveaux défis, Paris, Bréal, 2012.

Alexandre Kateb est économiste, fondateur de INVESTINBRICS et directeur du cabinet Compétence Finance. Il est l’auteur de Les nouvelles puissances mondiales. Pourquoi les BRIC changent le monde, Ellipses, 2011, et du blog Nouveau monde, nouvelles puissances.

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