Chérie, pour Noël, offre-moi de bonnes nouvelles

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Par Charles Sannat Modifié le 20 décembre 2012 à 14h13

Je discutais avec ma femme ce matin et je lui demandais ce qu’elle voulait comme cadeau à Noël… Étant complètement sec en termes de créativité, je me suis résolu au bout de plusieurs semaines de stress et d’angoisse intense à lui poser la fameuse question pleine de pragmatisme mais qui, hélas, selon ma femme est aussi la question qui manque tant de romantisme. « Alors ma chérie, qu’est-ce qui te ferait plaisir comme cadeau à Noël ? »

Sa réponse fut : « Offre-moi de bonnes nouvelles »… Je l’ai regardée, l’air dubitatif et hagard. « Des bonnes nou-quoi ? » « Des bonnes nouvelles mon chéri, des trucs qui remontent le moral quoi, des fins de crises, des fins de fin du monde, ce genre de choses quoi. » Ce qui est bien avec ma femme, c’est qu’elle n’est pas vénale. Et là, lui offrir des bonnes nouvelles, ça ne coûte rien ou presque, juste un peu de temps passé derrière mon écran magique.

Alors j’ai réussi à lui dégoter son cadeau de Noël : la Grèce est sortie d’affaire, même les agences de notation augmentent fortement la note du pays !! Ce n’est pas merveilleux comme nouvelle pour Noël ? Oui, la crise, enfin, est finie et cette fois-ci c’est du sérieux, notation de Standard & Poor’s à l’appui !

Les taux d’emprunt de la dette grecque sont retombés à un plus bas de 21 mois mercredi depuis que l’agence de notation Standard & Poor’s a inversé la tendance pour la Grèce en relevant sa note de six crans à B – alors qu’elle se situait auparavant au niveau du défaut sélectif : à un cran du défaut de paiement.

Mon côté prof d’éco me fait dire qu’un élève qui obtient une bonne note alors qu’il a eu entre 0 et 2/20 à chaque contrôle depuis 5 ans a soit rencontré le Saint Esprit (ce qui, vous en conviendrez, est rare), soit a triché. Mais il ne faut pas le dire à ma femme, on a dit que je lui offrais une bonne nouvelle. Donc ne venez pas tout mettre par terre, ce n’est pas si simple à trouver ces derniers temps les bonnes nouvelles, alors hein… on ne va pas non plus chipoter.

Le plus rigolo, c’est l’explication donnée par l’agence de notation S&P pour expliquer cette super note de fin d’année. « Standard & Poor’s met en avant la récente restructuration réussie de la dette grecque et le soutien financier réaffirmé de la zone euro à la Grèce par le déblocage d’une tranche de prêt de 34 milliards d’euros gelée depuis juin dernier. » En fait, la Grèce a bien triché. Et là il faut que vous admiriez les raisonnements (soit dit en passant parfaitement logiques et rationnels de nos financiers).

La Grèce est un ménage surendetté et en faillite. Ok, tout le monde avait pigé et pour ceux qui n’ont pas compris, de toute façon il n’y a plus rien à faire. Mais une famille surendettée aidée par d’autres peut s’en sortir. Il suffit que papa et maman qui se sont portés caution paient pour les enfants prodigues. Comme l’Europe fait un énorme chèque à la Grèce et qu’elle règle la note en lieu et place des Grecs, le risque de faillite s’éloigne, ce qui est tout à fait vrai.

Le problème c’est qu’après tout ça, c’est la solvabilité de l’Europe qui va connaître une légère détérioration globale… mais c’est un autre débat, on va se concentrer sur les bonnes nouvelles, c’est bientôt Noël et je prépare le cadeau pour ma femme.

Ainsi une dépêche AFP nous apprend que « sur le Vieux Continent, l’indice Ifo du climat des affaires en Allemagne a progressé de 1 point à 102,4 en décembre, signant ainsi sa deuxième amélioration d’affilée depuis le plus bas de deux ans et demi touché en octobre. Le consensus établi par Bloomberg tablait sur une légère hausse à 102 points. Économiste au sein de l’institut Ifo, Klaus Wohlrabe indique que l’apaisement de la crise de la zone euro permet aux entreprises de reprendre confiance, ce qui contribue à renforcer les anticipations en matière d’export. Il table par ailleurs sur une contraction de 0,3 % du PIB de l’Allemagne sur les trois derniers mois de l’année avant un léger rebond au premier trimestre 2013 ».

Voilà une autre bonne nouvelle donc !! L’Allemagne sera en récession de 0,3 % du PIB au dernier trimestre mais c’est une excellente nouvelle car le moral remonte. C’est vrai que les fêtes de fin d’année, avec leur cortège de consommation, n’y sont vraisemblablement pour rien du tout… Mais vous l’avez compris c’est un autre débat, aujourd’hui nous ne parlerons que des choses positives vu que je prépare le cadeau de ma femme.

Ah… Je lui ai trouvé autre chose. Une superbe réforme bancaire. Enfin. Cela faisait cinq ans que l’on attendait que les banques soient mises au pas par les politiques, élus et représentants du peuple souverain. Et figurez-vous que ça Y EST !! VICTOIRE. Le gouvernement socialiste, courageusement, a réussi là où tous les autres ont essayé sans jamais oser ni réussir… (Ma femme me signale qu’elle voulait des bonnes nouvelles, pas que je fayotte le gouvernement.)

Notre AFP (l’Agence Française pour le Positivisme) nous apprend donc que le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, a présenté mercredi en conseil des ministres la réforme bancaire et écarté les critiques qui présentent déjà ce texte comme insuffisant au regard des promesses faites en janvier par le candidat François Hollande. « Le projet de loi impose aux banques de loger leurs activités spéculatives dans une filiale ad hoc qui devra se financer largement seule, pour protéger les dépôts des épargnants », a expliqué M. Moscovici lors d’une conférence de presse.

« Le texte prévoit d’interdire les activités les plus spéculatives, comme le trading haute fréquence (ordres boursiers passés en rafale par des machines) et la spéculation sur les marchés agricoles (à l’aide de produits financiers dits dérivés). » « Toujours avec l’idée de protéger les dépôts des épargnants et les intérêts des contribuables, la réforme bancaire renforcera les pouvoirs de contrôle et d’intervention du gendarme des banques, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP). En cas de défaillance d’un établissement, l’ACP, devenue l’ACPR (en y ajoutant le mot résolution), pourra notamment changer ses dirigeants, lui imposer de céder ses actifs, scinder ses activités voire mettre à contribution les actionnaires et certains créanciers. »

Voilà, ça c’est mon passage préféré. Je ne le dirai pas à ma femme, mais franchement, ça c’est de la réforme. L’ACP (qui n’a jamais servi à rien sinon nous n’aurions pas eu les problèmes que nous avons eus) devient l’ACPR… C’est très intéressant cette notion de résolution. Est-ce que cela ne permet pas d’anticiper qu’il va falloir résoudre certains menus problèmes bancaires se profilant à l’horizon ? Mais pour le moment, il ne faut que des bonnes nouvelles, donc concentrons-nous plutôt sur les menus des fêtes.

Et puis de vous à moi, lorsque l’on rajoute une lettre au sigle d’un machin qui ne sert à rien, le nouveau bidule ne sert pas plus, mais l’on peut faire des effets d’annonces et dire que l’on fait changer les choses… même si tout cela ne restera avec le temps que du vent, comme à chaque fois.

Enfin, j’ai trouvé une autre excellente nouvelle. Là, tous ensemble, nous pouvons pousser un grand HOURRA !! BRAVO !! Oui, la Bourse vient de battre un nouveau record, la voici plus haute que haute, elle s’envole, culmine tel un aigle dominant le ciel (ce n’est pas de moi c’est une chanson !!). Oyez oyez braves épargnants (bientôt ruinés et fauchés), la Bourse de Paris a terminé à un plus haut annuel mercredi, portée (j’adore le terme portée) par le relèvement (complètement crétin car c’est l’arbre qui cache la forêt des dettes mondiales) de la note grecque par Standard and Poor’s et les espoirs d’avancées dans le débat sur le budget américain (les espoirs, il n’y a rien de fait, mais les espoirs ça porte !!).

Chérie, je suis navré, je suis un nul. J’ai placé tous les sous du ménage en pièces d’or… et là, l’or baisse et la Bourse explose, monte, s’envole, bref elle est littéralement portée par un flot continu de nouvelles extraordinaires. L’ultime bonne nouvelle, la baisse de l’or et quelle baisse !!

Cela ne vous aura sans doute pas échappé, l’or vient de prendre un coup sur la tête sous la forme d’une belle petite correction. C’est NORMAL. Pour gagner des sous en bourse lorsque l’on décide de faire tous ensemble un rallye de fin d’année afin de gonfler artificiellement les comptes de résultats de banques de toute façon en situation de faillite virtuelle, il faut libérer du cash. Donc on passe d’une classe d’actifs à l’autre.

Je vends mon or et prends mon bénéfice et puis j’achète les indices boursiers comme tout le monde comme ça les cours montent et à la fin de l’année à nous les bonus, les bons résultats et les dividendes. Pour 2013, on verra bien !! Je n’ose pas imaginer ce que je vais entendre à Noël entre la dinde et le saumon sur les performances supérieures de la Bourse par rapport à l’or sur un an !! (Oui parce que sur 12 ans, c’est-à-dire depuis 2000, on est plutôt en forte baisse d’environ 50 %, mais vous savez, les actions c’est le meilleur placement sur le long terme, très, très, très long terme.)

Ha, ça y est, ma femme est dans la cuisine (c’est bientôt l’heure du repas et les monstres commencent à crier famine). Je peux vous dire quand même que tout ne va pas si bien, mais surtout ne le répétez pas, ça reste entre nous.

C’est l’AFP qui a laissé fuiter l’info, le commissaire politique aux bonnes nouvelles a dû piquer un petit roupillon et du coup, toc… On apprend donc que « Chypre a dû puiser dans les fonds de pension d’organismes publics pour payer les salaires de décembre, naviguant à vue dans l’attente fébrile d’une aide internationale cruciale pour renflouer ses banques et ses finances publiques ».

Rassurant pour le retraité chypriote !! Mais bon la retraite, c’est sûr, c’est GA-RAN-TIE !! Pensez-vous !! « Le gouvernement vit au jour le jour et continuera ainsi jusqu’à ce que l’argent des donateurs internationaux arrive, mais il reste le risque que tout s’effondre, estime l’analyste Fiona Mullen ». Oh, le risque que tout s’effondre… N’importe quoi, la crise est finie et les marchés montent, la Grèce est sauvée…

On apprend encore qu’un « responsable du ministère des Finances a averti lundi devant le Parlement que l’État ne pourrait honorer les salaires de décembre à moins qu’il n’obtienne rapidement un prêt de 250 millions d’euros des organismes publics ». C’est chouette hein… Bonne fêtes !!

« L’annonce a suscité les protestations des employés de ces organismes qui craignent que si jamais les fonds de pension sont utilisés pour acheter des bons du Trésor, ils ne revoient jamais l’argent prêté à l’État. » On peut dire qu’il y a des chances qu’effectivement ils ne revoient pas grand-chose, mais cela risque d’être une constante dans les prochaines années un peu partout dans le monde pour tous les épargnants.

Chypre a besoin de plus de 17 milliards d’euros, ce qui n’est rien du tout à l’échelle des problèmes espagnols, et le PIB devrait reculer de 3,5 % l’année prochaine amplifiant les problèmes comme à chaque fois. Notre AFP de conclure que « signe de l’ampleur de la crise, dans les rues commerçantes du centre de Nicosie, des dizaines de boutiques ont baissé leur rideau ces derniers mois. Par ailleurs, la plus grande chaîne de supermarchés du pays, Orphanides, a annoncé la semaine dernière avoir été placée sous séquestre ».

Mais chuuuut…. Tout va bien, nous sommes bien, il n’y a que de bonnes nouvelles, allez, faites un effort quand même, ce n’est pas si compliqué.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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