Objectivement, l’appartement était superbe. Situé dans les étages supérieurs d’un bel immeuble haussmannien, ses hautes fenêtres laissaient entrer la lumière en larges flots dans une enfilade de pièces parfaitement articulées les unes avec les autres. Il offrait le bon nombre de chambres, bien que plus petit en surface que l’actuel logement de Philippe et Anne, un couple parisien qui le visite en coup de vent à l’heure du déjeuner. Le loyer mensuel demandé rééquilibrait même à leur avantage le fameux rapport loyer/revenus nets du foyer occupant. C’est décidé, ils le prennent. Pour confirmer leur intérêt, ils déposent donc auprès de l’agent immobilier un dossier de candidature complet (et presque impudique) donnant tous les détails de leur situation professionnelle, familiale et patrimoniale.
La réponse se fit un peu attendre, mais tomba sèchement. Le propriétaire ne souhaitait pas donner suite au motif principal que nos héros ne pouvaient garantir – exerçant tous deux des professions indépendantes - la continuité dans la durée du paiement des loyers. Comme expérimentée à plusieurs reprises, une étrange conspiration associant législateur ultra- protecteur, propriétaire frileux et une minorité de locataires indélicats ne leur permettait pas de donner un nouveau toit à leur famille. Ils auraient travaillé tous deux, l’un dans une banque et l’autre au Ministère de l’Equipement ; qu’ils seraient déjà dans les lieux !
Mais là, prendre le risque de donner les clés à deux entrepreneurs, même expérimentés, même recommandés par leur bailleur actuel, même dotés de toutes les cautions nécessaires ; vous n’y pensez pas ! Comment s’empêcher de penser qu’une telle situation doit être un cauchemar pour un jeune ménage cherchant à s’installer, en début de carrière professionnelle pour l’un et fin d’études pour l’autre ! L’anecdote est commune et fortement révélatrice des blocages qu’entraîne sur l’activité économique un enchainement pervers de microdécisions.
Chacun de nos doutes comme chacun de nos mensonges tue sournoisement la croissance. Désorganisés par les imprévus, affolés par les cascades de responsabilités, tétanisés par la prise de conscience des risques, obsédés par la défense de nos intérêts propres, nous sommes en train de miner sans le savoir l’un des piliers les plus importants notre équilibre et de notre croissance économique : la confiance. Pour être fructueux, l’échange économique suppose la confiance.
Elle seule crée les conditions d’un accord rapide, d’une satisfaction mutuelle et d’un renouvellement de l’acte. N’en déplaise à certains marketeurs ou employeurs, la confiance ne peut ni s’acheter, ni se décréter ; elle se mérite. Ce qui suppose une gratuité et une prise de risques dans la décision : « J’ai décidé de leur faire confiance », « J’ai confiance en moi ... en eux ». Or, la confiance qui devrait normalement présider à tous nos échanges économiques est mise à mal par de multiples initiatives, grandes et petites, visibles ou obscures qui perforent à jamais la coque des certitudes et des abandons, nécessaires à l’aboutissement d’un projet. .../...
Extrait du chapitre 4 d’ «Un Regard Peut Tout Changer ». Les conseils impertinents d’un consultant (Editions Salvator)
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