Plein emploi avec 5 ou 6%, pour les chômeurs qui restent ? Qu’en pensent-ils ?

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Par Daniel Moinier Publié le 15 novembre 2016 à 5h05
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cc/pixabay - © Economie Matin
2,4 millionsLa France a « gagné » 2,4 millions de chômeurs entre 2001 et 2006.

Vous, les experts et politiques qui annoncez un plein emploi à 5/6% de taux de chômage, cela semble incongru pour ceux qui n’ont pas d’emploi.

Présent au JECO de Lyon, comme chaque année, le titre d’une conférence m’a étonné  : « Le mythe du plein emploi », ainsi que les débats autour de celui-ci. Un des experts annonçant même qu’il n’y avait aucune solution possible pour revenir à un taux de chômage proche de zéro ! Cela semble démentiel de penser que l’on ne puisse jamais revenir au véritable plein emploi.

Ce qui m’irrite encore plus, c’est d’entendre à tout bout de champ ces mêmes experts et surtout politiques annoncer, qu’avec 5/6% de chômage, la France serait en plein emploi ? Demandez aux 1,7 million de chômeurs (3,5 millions de chômeurs de catégorie A et plus de 6,2 millions pour les 6 catégories, soit 3,1% pour le plein emploi !), qui resteraient sur « le carreau » s’ils ne sont plus au chômage ! C’est négliger complètement ces « irréductibles » à l’emploi !

Non messieurs les politiques et experts, le plein emploi, c’est bien zéro chômeur. Admettons que zéro n’étant jamais possible puisqu’ il existe toujours une part incompressible suite à la rotation des emplois. Dans les années 70, celui-ci se situait aux environs de 100.000 à 200.000 chômeurs.

Une belle époque !

L’ANPE (Agence Nationale Pour l’Emploi), ancienne Pôle Emploi (Réunion de L’ANPE et de l’Assedic) n’a été créée qu’en juillet 1967, alors que le taux de chômage était de 2%, soit 430.000 chômeurs avec une seule catégorie. Toutes les catégories de chômeurs ont été créées au fur et à mesure (Il y en a même eu jusqu’à 8 !) pour améliorer les statistiques mais surtout par nos gouvernants, pour « camoufler » au maximum un nombre de chômeurs évolutif qu’il leur semblait incompatible avec leur notoriété et réélection.

Il faut se souvenir d’où nous venons. Un début de trente glorieuses sans aucun chômeur. Dans l’intérim, dans le début des années 70, il était très difficile de trouver même un manœuvre ou manutentionnaire. Les non qualifiés, les moins aptes à l’emploi, étaient embauchés ! Les entreprises se les arrachaient, les débauchaient même entre elles. Un maçon qui voulait changer d’employeur allait en face pour un franc de plus de l’heure.

Mais pourquoi pas ou peu de chômage ? Ce n’était pas que la suite de la guerre, les reconstructions, des nouveaux produits, c’était surtout l’effet booster des salaires. Et quand je dis salaires, c’était le nombre exceptionnel d’heures effectuées qui était surtout vecteur de relance permanente de la consommation, des investissements et donc de l’économie.

Des exemples décoiffants

Quelques exemples qui pourraient paraître décoiffants, déconcertants aujourd’hui surtout pour les plus jeunes. Alors que je m’occupais d’intérim, nous voyions sans cesse le nombre d’heures effectuées par semaine qui n’arrêtait pas de « grimper ». Je dis à ma collègue, tu vas voir qu’un jour, un intérimaire va revenir avec un bon, dépassant les 100 heures dans la semaine. Ce qui est arrivé dans une ex usine Vallourec en champagne lors des rénovations d’été, et cela pendant les quatre semaines de fermeture.

Certains d’ailleurs s’arrangeaient pour faire un maximum d’heures pour arriver aux 550 heures, qui leur permettaient d’avoir deux années de chômage avec des « Assedics » plus élevés. Celles-ci étaient souvent supérieures aux salaires des autres employés. Surtout que dans cette période les indemnités pouvaient atteindre 80 % du salaire brut et même 90% pour ceux qui étaient licenciés par groupe de plus de dix personnes. Cela leur permettait de travailler au noir ou de refaire par exemple une maison tranquillement !

Autre exemple lors de recrutements, pendant la période de sortie des premiers fax, téléphones de voiture appelés Radiocom 2000, un collègue me dit : « Tu vas voir qu’un ingénieur commercial va revenir avec un salaire exorbitant ». Il est vrai que dès le début de ce type de vente de nouveaux produits, les commissions s’envolaient, les marges étaient exceptionnelles. Un jour un ingénieur s’est présenté avec un salaire mensuel qui pouvait sembler inatteignable à l’époque avec l’équivalant de 10.000 euros d’aujourd’hui !

C’est pourquoi cette époque a pu s’appeler après coup, les trente glorieuses.

Encore un autre exemple plus personnel, dans le groupe Péchiney, où je travaillais, alors que l’horaire de base était de 52 heures pour tous, certains collègues venaient effectuer 3 heures de plus par jour de 4 h à 7 heures du matin, ce qui leur faisaient 67 heures de présence, dont 27 heures en heures supplémentaires (La base légale était de 40 heures et non 35), soit 82,5 heures payées par semaine, donc 357 heures par mois. Sachant que l’activité étant bonne, l’entreprise payait déjà à tous, un bonus moyen de 45 heures tous les mois. Ce pouvoir d’achat très élevé se répandait dans l’économie, procurant de l’emploi pour tous.

Ces exemples reflètent bien l’énorme différence qu’il existe entre ces deux époques. Différences entre les temps de travail, des salaires et surtout au niveau des salariés payés à l’heure.

La question des retraites

Plus nos gouvernants par idéologie politique, nos syndicats pour améliorer le « bien-être des salariés » (en les stressant) ont poussé à la baisse du temps de travail, plus les charges, les prélèvements, les taxes ont augmenté, les déficits, la dette se sont creusés, le chômage s’est mis à exploser.

Je ne dis pas qu’il ne fallait pas réguler, diminuer les temps de travail et d’activité, d’autant que la productivité qui en a suivi pouvait compenser, mais pas autant que cela n’a été fait, surtout pas si tôt.

La véritable rupture s’est produite dans les années 1982-83, lorsqu’a été remis le 8 mai férié, (supprimé par Giscard d’Estain), établi la 5ème semaine de congés, les 39 heures par semaine mais surtout les départs en retraite à 60 ans. Par cette seule dernière mesure ; 5 millions de travailleurs (l’âge où l’on gagne le plus) sont passés instantanément de salarié à retraité alors que ces 5 années n’étaient même pas cotisées ! Il faut tout de même savoir qu’un salarié qui part trop tôt en retraite (moins de 65 ans), fait perdre la valeur financière de 4 jeunes embauchés !

Le coût perdu est monstrueux. Il est estimé en euros d’aujourd’hui à 300 milliards par année depuis 1984, rien que pour l’abaissement de la retraite à 60 ans.

Encore et toujours, les 35 heures

La deuxième mesure dont on parle encore aujourd’hui, pourtant moins permissive que les 60 ans, c’est les 35 heures. S’ils ont encore permis une amélioration notable de notre productivité horaire mais pas globale au contraire (au détriment du stress…), ont complètement « chamboulé » les mentalités, l’assiduité au travail, la motivation. Pendant les cinq années qui ont suivi, les embauches ont presque été inexistantes, le chômage a progressé. Une fois le choc absorbé, il a seulement commencé à décliner en 2006.

Il est couramment annoncé qu’il a été créé 300.000 emplois avec les 35 heures (comme il a été évoqué aussi pendant ces JECO), alors comment comprendre que le chômage est passé de 7,9 à 8,7% entre 2001 et 2002 et même à 11,3 en 2005 ? Soit 1 million de chômeurs en plus !

Taux de chômage en France entre 2001 et 2006

Par comparaison la Suisse, primée meilleur pays gestionnaire du monde depuis plusieurs années, a un temps de travail de 43 heures par semaine et des départs en retraite qui n’ont jamais varié des 65 ans !

Sachant que les 35 heures (par rapport à 40 heures seulement et pas 43) nous font perdre chaque année 100 milliards d’euros et que la retraite à 60 ans (nous sommes encore en moyenne à 60 ans) nous fait perdre 65 milliards par année non travaillée, soit aujourd’hui sur 5 ans, 325 milliards par année.

C’est deux mesures sont presque à l’origine de tous nos déficits et même de la dette.

Il faut encore et encore rappeler que cette dette ne pourra jamais diminuer tant que la France n’aura pas des comptes positifs (jamais atteint depuis 1973). Les moins 3% admis par Bruxelles étant dans ce sens complètement irréaliste !

Encore bravo à Henri Guaino rencontré aux JECO, qui a été un des rares à annoncer que le véritable plein emploi n’était pas impossible ainsi qu’un retour à une période telle les 30 glorieuses n’était pas utopique à envisager sous conditions de réformes adéquates.

www.livre-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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