Depuis jeudi 23 mai, les députés se penchent sur l'encadrement du statut des stagiaires dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la recherche et l'enseignement supérieur. Profitant du contexte de crise, certaines entreprises n'hésitent pas à abuser du nombre de stagiaires, en proposant aux étudiants des stages déguisés en emplois.
Entretien avec Marguerite du mouvement « Génération précaire », qui dénonce ces abus.
Rémunération obligatoire
Après le débat sur l'anglais à l'université, les députés travaillent désormais sur un texte concernant le statut du stagiaire, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la recherche et l'enseignement supérieur. Un texte qui permettra d'éviter « les effets d'aubaine » et « les abus », selon les déclarations de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso.
Les députés PS ont ainsi décidé de rendre « obligatoire » l'indemnité de stage versée aux stagiaires - 436,05 euros minimum - même dans les services publics, et ce « quelle que soit la durée ou la nature de leur stage ».
Emplois déguisés
Dans un contexte de crise, les jeunes diplômés sont, de plus en plus, obligés de multiplier les stages, faute de trouver un emploi. Sur 1,6 millions de stages en 2012 selon le selon le Conseil économique et social, 100 000 stages seraient déguisés en emplois, rapporte France 2.
Parmi les secteurs qui abusent le plus de stagiaires figurent ceux « de la publicité, du journalisme, de la mode, de l'art, de la communication ou encore le milieu associatif » explique Marguerite, membre de « Génération précaire », un mouvement crée en 2005 qui se bat pour que le stagiaire bénéficie d'un véritable statut intégré dans le droit du travail. Explications.
JOL Press : Que pensez-vous du projet de loi concernant l'encadrement des stages des étudiants ?
Génération précaire : Ce projet de loi est un espoir vers plus de droits pour les stagiaires. Mais tant que la loi n'est pas votée, rien n'est sûr. Nous avons eu trop de déceptions par le passé et notre combat continue tant que le décret n'est pas passé. Les amendements concernant les stagiaires constituent un premier succès - le premier depuis longtemps - en matière de renforcement du droit des stagiaires. C'est encourageant, mais ce n'est pas la fin du combat. Nous ne devons pas lâcher pour que ces amendements et le projet de loi de Michel Sapin aillent jusqu'au bout. La teneur du texte de Sapin à venir n'est pas encore exactement connue, mais nous espérons qu'il reprenne majoritairement nos demandes.
JOL Press : Que reprochez-vous aux amendements votés dans la loi sur les Universités de Geneviève Fioraso? Quelles sont vos revendications ?
Génération précaire : Nous ne sommes pas en désaccord avec les amendements votés dans la loi sur les Universités de madame Fioraso. Elle ne va pas assez loin dans l'encadrement.
Pour l'instant, nos demandes sont les suivantes : plafonnement du nombre de stagiaires par entreprise, déclaration des stagiaires sur le registre unique du personnel, échelonnement de la gratification selon l'année d'étude et dès le premier jour du stage. Un tuteur pour deux stagiaires, au minimum, et enfin l'accès pour les stagiaires à une protection sociale. Nous voulons à tout prix éviter le remplacement des premiers emplois par des stages. Nous rappelons par ailleurs qu'un stage n'est pas une période d'essai.
L'accès au stage doit être égal pour tous. Je tiens d'ailleurs à répondre personnellement à madame la députée Florence Guégot qui juge les nouvelles règles trop contraignantes. Je l'invite à travailler en tant que stagiaire infirmière six mois sans aucune rémunération. Qui peut se payer le luxe de ces stages ?
JOL Press : Combien la France compte-t-elle de stagiaires ? Combien de stages débouchent sur une offre d'emploi ?
Génération Précaire : Les chiffres sont difficiles à obtenir car les universités et les entreprises ne les donnent pas, et le plus souvent refusent de le faire. En 2010, les chiffres tournaient autour de 1.5 millions de stagiaires en France par an. Aujourd'hui, nous n'avons plus de chiffres. En 2006, les stagiaires étaient 800 000 et 1.2 millions en 2008. Il y a eu clairement un effet de la crise. L'exemple de la Société Générale le démontre parfaitement. Malheureusement.
JOL Press : Assiste-t-on à une multiplication de l'abus des stages pendant la crise ?
Génération Précaire : La loi des stagiaires, c'est la loi de la jungle. Il existe très peu de règles et, la plupart du temps, elles sont ignorées. De bonne fois parfois les entreprises ne connaissent pas ce peu de règles. Comme la carence d'un tiers de la durée d'un stage entre deux stagiaires. Nous devons aussi mettre l'accent sur l'information aux entreprises mais aussi les contrôles qui sont trop rares des entreprises qui clairement abusent.
JOL Press : Quels sont les secteurs qui emploient trop de stagiaires ?
Génération Précaire : Les secteurs de la publicité, du journalisme, de la mode, du graphisme, de l'art, de la communication ou le milieu associatif. Dans le milieu de la mode par exemple, il suffit de se baisser pour trouver des stagiaires. J'ai l'exemple d'une personne prise en stage marketing mais qui a dû passer un mois dans un magasin d'une grande marque pour démontrer « sa motivation » avant que son stage dans le service marketing ne soit validé. Ce genre d'abus est courant.
Les écoles privées, mais aussi les universités publiques sont souvent complices de ces abus. La plupart ne contrôlent pas et créent même des formations vides pour délivrer des conventions de stage. Elles sont dans une logique économique irresponsable pour l'avenir de leurs étudiants.Si dans la logique personnelle des étudiants on peut le comprendre, ce n'est qu'une fuite en avant collective et le recul de leur entrée sur le marché du travail.
Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press
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