Multi-local, l’avenir des multinationales ?

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Par Rédacteur Modifié le 9 février 2021 à 11h37
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1,1 MILLIARD €Au premier semestre 2020, le bénéfice net de Danone a été de 1,1 milliard d'euros.

La crise sanitaire a achevé de déstabiliser les modèles organisationnels des très grandes entreprises, contraintes de se réinventer pour survivre. Au prix d'une difficile réorganisation, le français Danone a ainsi entamé sa mue vers une entreprise « multi-locale », pariant sur les nouvelles attentes des consommateurs.

Comment se réinventer dans le monde de l'après-Covid ? Si la pandémie est loin d'être terminée et que les diverses crises – économique, sociale, politique, psychologique et même morale – qui en découlent n'en sont, sans doute, qu'à leurs prémisses, la question est sur les lèvres de toutes les entreprises. A fortiori les plus grosses d'entre elles, dont les modèles ont été et continuent d'être profondément remis en cause par la crise sanitaire et ses conséquences. A l'heure où, pour des raisons politiques ou sanitaires, les frontières se referment, et alors que jamais les consommateurs n'ont exprimé un si ardent désir de sens et de local dans leurs actes d'achat, quel avenir se dessine pour les multinationales, ces mastodontes sans racines ni attaches, hérités d'une course au gigantisme dont le sens s'est perdu depuis longtemps ?

Faber : « Danone n'est pas une multinationale, mais une multi-locale »

Sans garantie de résultat, chaque entreprise cisèle à sa mesure ses propres réponses à ces questions quasi-existentielles. Certaines, sans doute plus conscientes que d'autres, de par leur domaine d'activité, des bouleversements à l'oeuvre, ont pris un train d'avance dans cette réflexion stratégique. C'est le cas, en France, de Danone : le leader mondial de l'industrie alimentaire se pose ainsi en acteur, plutôt qu'en victime, des changements en cours. C'est ainsi que le PDG du groupe français, Emmanuel Faber, a pu récemment affirmer que « Danone n'est pas une entreprise multinationale, mais une entreprise multi-locale ». Une formule habile, sans doute longuement « brainstormée » et vendue par de talentueux communicants ; mais derrière le néologisme, une (r)évolution qui, au prix de certains sacrifices, dessine la grande entreprise, l'alimentation et les territoires de demain.

La recette simple : productions locales, recherche globale. Le lait est collecté dans un rayon de 50 kilomètres autour des sites de production, les eaux de source vendues à 99% dans les pays où elles sont prélevées... mais la R&D profite à toutes les filiales : « nos marques, explicite le patron de Danone, sont, pour l'essentiel, locales. Mais elles font partie d'une famille qui, elle, a une vision globale des choses ». Emmanuel Faber, qui se dit convaincu d'assister à « une lame de fond (ou) plutôt une marée montante de sujets sociétaux, environnementaux, qui touche tous les leaders de business », observe que « les modèles changent énormément en ce moment ». « Et avec la crise ils vont changer encore plus », notamment du point de vue agricole : « quand on pratique une monoculture qui dégrade les sols et nécessite qu'on y mette de plus en plus de fertilisants, de pesticides, au bout du bout on détruit la valeur même de ce qui fera l'agriculture de demain », alerte encore le PDG.

Concilier profits et durabilité, circuits courts et cours en Bourse, production locale et leadership international : pour Danone, cette réorganisation géographique en profondeur, sur un modèle multi-local et non plus par branches d'activités, n'est pas sans risque, et ne se fera pas sans casse – ni sans critiques. Passer d'une organisation mondiale par catégories à une organisation locale par zones géographiques – six zones reflétées par autant de nouveaux membres du conseil exécutif – se fera au prix de considérables efforts de simplification, efforts qui eux-mêmes se traduiront par d’immanquables réductions d'effectifs. Le groupe, qui table sur un milliard d'euros d'économies d'ici à 2023, devrait ainsi supprimer de 1 500 à 2 000 postes dans ses sièges mondiaux et locaux. Des suppressions d'emplois contre lesquelles les syndicats, voire les responsables politiques, ne manqueront sans doute pas de monter au créneau.

Cercle vertueux

En dépit des efforts que sa mise en œuvre nécessitera, ce nouveau modèle, s'il voit le jour chez Danone comme au sein d'autres multinationales, pourrait bien être porteur de croissance, tout en se révélant plus responsable d'un point de vue environnemental – ce qu'attendent et même exigent désormais les consommateurs. La mode n'est plus, en effet, aux immenses conglomérats industriels faisant produire à l'autre bout du monde, et dans des conditions sociales et écologiques qui seraient refusées en Occident, ce qui peut être produit à côté des points de vente : « la relocalisation des productions ou le primat aux circuits courts sont perçus comme des engagements obligés », prévient ainsi Frédéric Dabi, de l'institut de sondage Ifop.

« Les dirigeants d’entreprise sont plus que jamais attendus pour réinvestir les territoires, échelon stratégique de la résolution économique, sociale et environnementale de la crise. L’enjeu, notamment pour les grands groupes, est de savoir s’intégrer pleinement dans les territoires, afin de créer de la valeur pour l’ensemble des écosystèmes locaux », confirme dans une tribune la fondatrice de l'agence de conseil Societer, Mathilde Oliveau, qui se dit convaincue « qu'au-delà du local, l'avenir sera multi-local. (…) Aux dirigeants d’entreprise de montrer qu’une (...) voie conciliant approches locales et internationalisation est possible. Il est urgent de créer un cercle partenarial vertueux pour fédérer les énergies (…) pour entrer dans un nouveau monde en réseaux, ouvert, résolument collaboratif ».

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