Il était une fois, il y a bien longtemps, dans les Carpates, des ouvriers qui assemblaient à la main une automobile baptisée Dacia, dans une usine moyenâgeuse. La Dacia était en fait un ersatz de Renault 12, la fierté néanmoins de ces ouvriers roumains communistes.
Un jour, un grand patron français, Louis Schweitzer, poussa la porte de l'usine et l'acheta. Schweitzer était fâché, il aurait bien voulu mettre dans sa besace la marque Skoda située à l'époque en Tchécoslovaquie mais les Allemands de Volkswagen l'avaient devancé en mettant un gros paquet de marks sur la table. Cet échec temporaire conforta Louis Schweitzer dans l'idée que l'avenir de l'automobile se jouait en Europe centrale. Contre l'avis de son conseil d'administration, le patron de Renault imposa l'idée du véhicule low cost.
Aujourd'hui, la filiale de Renault participe pour plus de 30 % aux bénéfices de l'ancienne Régie : elle présente au Mondial de l'auto une gamme complète de 9 modèles. Les trois dernières Dacia ont eu droit porte de Versailles à une présentation officielle : il s'agit de la Logan seconde génération, une berline compacte à 4 portes, de la Sandero et de sa variante baroudeuse la Sandero Stepway. Et là, surprise, les roumaines sont devenues jolies avec leurs flancs sculptés. Oubliée l’image peu flatteuse de ce qui faisait penser à une Lada ! L'intérieur est également monté en qualité et tout cela sans changement de prix. La Logan démarre à 7 900 euros, vous avez bien lu, 7 900 euros, et c'est une voiture neuve.
Alors quelle est la recette ? Les ouvriers roumains coûtent moins cher que ceux de Flins ou de Sandouville, ils sont heureux avec leurs 350 euros par mois. Et puis les ingénieurs piochent dans la banque d'organes de l'Alliance. Il y a du Renault dans la Dacia et il y a aussi du Nissan. La nouveauté pour cette Logan, c'est que Renault n'hésite pas à doter la voiture des tout derniers moteurs peu polluants : le Tce 90 ch. C'est le 3 cylindres turbo essence que l'on trouve sur la toute nouvelle Clio 4. Dacia a même inventé le low cost prestige sur la Sandero Stepway avec un système de navigation très performant, la climatisation et un limiteur-régulateur de vitesse. Vous aurez beau vouloir dépenser plus, vous paierez seulement 11 990 euros !
La saga Dacia n'est pas prête de s'arrêter. L'an passé, en plein débat sur la désindustrialisation de la France, Renault a inauguré en toute discrétion une nouvelle usine ultra-moderne à Tanger au Maroc. Des usines tournent également au Brésil et en Russie. Un ancien patron de Dacia est actuellement en mission spéciale en Inde, même s'il n'en dit rien, c'est bien pour ouvrir une autre base de fabrication. Les dirigeants de Renault jurent dur comme fer qu'il n'y a pas de danger de canibalisation entre les 2 marques, ce qui ne convainc pas les spécialistes. L'an dernier, Dacia a sorti le Lodgy, un monospace de 7 places quasiment 3 fois moins cher que la Renault Espace équivalente. La marge de la Régie Renault sur une Dacia est, en moyenne, de 6 % contre à peine 2 % sur les Renault.
Dacia, désormais la quatrième marque française, est un phénomène de société. 12 000 propriétaires de Dacia se sont retrouvés l'an dernier pour un pique-nique géant en région parisienne. Ne manquez donc pas au Mondial de l'automobile le stand modeste de la marque-phénomène. Si les automobilistes étaient raisonnables, ils rouleraient tous en Dacia.