Le moment de Minsky : le film d’horreur financière que personne ne veut voir

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Par Simone Wapler Publié le 6 octobre 2014 à 3h59

* Les économistes et les financiers aiment utiliser des mots mystérieux pour noyer le poisson. Ils sont comme les médecins de Molière. Le "moment de Minsky" fait partie de leurs expressions. Ce moment est celui où les investisseurs surendettés sont contraints de vendre massivement pour payer les intérêts de leur dette. Mais plus ils vendent, plus les prix baissent -- et la course au cash pour payer les intérêts entraîne un krach. A ce moment, les prêteurs réalisent que leur débiteur est mort. Il ne paiera jamais : ni les intérêts, ni le principal, foi de cigale.

Cela peut-il se produire aujourd'hui ? Non, pensent les professionnels des marchés. C'est le syndrome du "trop gros pour faire faillite". Le niveau d'endettement est tel qu'un moment de Minsky entraînerait la GAF, Grande Apocalypse Financière. Lorsque le moment de Minsky s'annonce, une banque centrale intervient pour éviter la spirale baissière mortelle et freine le désendettement. C'est ce qui s'est produit en 2008 et en 2011 en Europe.

"Une économie financière basée sur le crédit a besoin, pour sa survie, que le crédit émis progresse sans arrêt. Sans crédit nouveau additionnel, les intérêts sur les dettes qui ont été émises précédemment ne peuvent être payés. Ils ne peuvent être payés que par la vente d'actifs existants, ce qui, en retour, produit un cercle vicieux de déflation de dettes, de récession et finalement de dépression. [...] La question est : quel est le taux de croissance du crédit nouveau qu'il faut engendrer pour pouvoir payer la note des crédits anciens et, surtout, quel est le volume de quantitative easing qu'il faut faire pour obtenir ce taux de progression du crédit ? »
Bruno Bertez, L'Agefi Suisse, 30 septembre 2014

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Bill Gross, le gérant démissionnaire du plus gros fonds obligataire, PIMCO, a répondu à cette question : 2 500 milliards de dollars par an de création monétaire. Peu importe que ce soit la Fed, la Banque du Japon, la Banque centrale européenne, la Banque d'Angleterre. Il faut 2 500 milliards de dollars, 208 milliards par mois pour éviter la GAF.

Depuis 2008, la Fed, la BCE, la Banque du Japon, le Banque centrale européenne et la Banque d'Angleterre ont repris presque 11 000 milliards de dollars de mauvaises dettes et injecté autant d'argent frais ; il suffit de continuer ainsi, de transformer des mauvaises créances privées en mauvaises créances publiques.

Aujourd'hui, tout le monde sait que le principal ne sera jamais remboursé. Ce qui compte, c'est uniquement la capacité à rembourser les intérêts. Puisque la dette a été nationalisée et est devenue publique, disons plutôt que c'est la capacité des contribuables à rembourser les intérêts qui compte.

Ces intérêts, le service de la dette, sont du vrai argent ; il faut que quelqu'un l'ait vraiment gagné en vendant avec profit quelque chose à quelqu'un d'autre qui peut le payer sans crédit.

Prenez le cas de la Grèce. Chaque Grec doit 18 146 $, le PIB par habitant y est de 24 389 $, les salaires ont baissé de 24% depuis 2010 et le taux de chômage est actuellement de 27%. Avec quoi les Grecs vont-ils payer les intérêts ? Qu'ont-ils à vendre ? Ils vendent leur travail -- et ils le vendent de moins en moins cher. Malgré deux faillites, le taux d'intérêt sur la dette grecque à 10 ans a à nouveau dépassé 6,50%. Le moment de Minsky de la Grèce serait-il proche ? Non, la BCE interviendra. L'Allemagne paiera, on a tellement confiance dans sa dette que les investisseurs institutionnels sont prêts à payer pour lui donner de l'argent. Tant que les gens ne s'offusquent pas des taux d'intérêt négatifs, il n'y aura pas de moment de Minsky.

Partout dans le monde, Main Street -- les gens de la rue -- a de moins en moins confiance dans "l'effet richesse" créé par Wall Street et les banques centrales. Le vrai moment de Minsky se produira lorsque la confiance s'évanouira et fera place à la défiance.
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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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