Prêt-à-porter : retailers et marketplaces de seconde main peuvent-ils s’entendre ?

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Par Maud Behaghel Publié le 5 août 2020 à 6h30
Location Vetements
@shutter - © Economie Matin
40%Selon l'IFM ( l'Institut Français de la Mode), 40% des Français seraient déjà convertis à la seconde main.

Le marché du prêt-à-porter de seconde main se porte comme un charme. Selon Frédéric Valette, directeur à l’institut Kantar, 41% des Français devraient acheter un vêtement de seconde main dans les prochains mois. Quand ils étaient 16% en 2018. De leur côté, les grandes enseignes continuent de botter en touche. Les soldes se démodent et la baisse de fréquentation en magasin ne semble pas vouloir s’enrayer.

Le constat est sans appel pour Christian Pimont, président de l’Alliance du commerce : en 10 ans, le marché de l’habillement classique en magasin aurait perdu 10% de sa valeur. Côté web, les ventes en ligne bénéficient d’une forte croissance de plus de 11% en 2019 selon les données de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad). Face à l’arrivée de la loi sur l’économie circulaire, les grandes enseignes se mettent au pas pour proposer leur propre marketplace et recycler leurs invendus. Non sans difficultés tandis que les acteurs de seconde main tâtonnent encore sur leur business model, faudrait-il s’avancer vers une collaboration des deux parties pour une meilleure complémentarité sur le marché de l’occasion?

Seconde main : les grandes enseignes en ordre de bataille

Porté par les vents de l’écologie, du web, et de l’économie maligne dans un contexte où le pouvoir d’achat risque de baisser de 15% en 2020 selon l’OFCE, il faut dire que le marché du vêtement d’occasion, lui, est au beau fixe. Selon l’IFM ( l'Institut Français de la Mode), 4 Français sur 10 seraient déjà convertis à la seconde main. De leur côté, les grandes enseignes continuent de présenter un bilan beaucoup plus contrasté. Les soldes d’hiver 2019 ne font pas recette et n’ont pas su ralentir la baisse de fréquentation chronique en point de vente. Selon l’Alliance du Commerce, celle-ci affleurait les 15% début janvier.

C’est donc fortement bousculées par ce raz-de-marée, que les grandes enseignes essaient de se faire une place sur le marché de la seconde main. À raison, la part du gâteau est estimée à environ 1 milliard d’euros toujours selon l’IFM. Les exemples ne manquent pas. H&M a lancé la plateforme de destockage de marques Afound. L’enseigne Camaïeu a lancé son vide-dressing en ligne. À son tour Ba&sh lance sa plateforme de recyclage pour vêtements neufs. Quand Kiabi lançait récemment des ateliers de Do It Yourself en boutique. Le phénomène n’est pas prêt de ralentir. En effet, la loi sur l’économie circulaire publiée le 11 février au Journal Officiel enjoint désormais les acteurs de mode à recycler leurs invendus dare-dare.

Non sans difficultés…

Cette frénésie responsable des grandes enseignes ne fait pourtant pas toujours recette. Excepté pour celle qui ont investi très tôt le créneau comme Veja. Pour d’autres, la mode écolo peine encore à convaincre. En effet, certaines initiatives a priori responsables, comme celle d’H&M offrant une réduction aux clients en échange de vieux vêtements. Tout comme la volonté de Zara de passer d’ici 2025 aux textiles 100% durables. Car le problème est là : ces marques ne remettent pas fondamentalement en cause la surproduction de leur modèle dans leur stratégie d’entreprise. Pour les acteurs qui souhaitent adopter un virage aussi stratégique qu’écologique, l’opération s’avère néanmoins bien plus complexe que les effets d’annonce. L’exemple de Kiabi est significatif. Annoncé en juin 2019, le site de seconde de main n’est à ce jour pas encore en ligne. On estime qu’une plateforme prend minimum 2 ans pour être opérationnelle et fiable. Même combat chez Ba&sh. Annoncée en 2019, la plateforme verra finalement le jour qu’en avril 2020. Auchan est encore en phase de test en magasin pour une durée de trois mois. N’est malheureusement pas lanceur de seconde main qui veut.

Mais le tableau n’est pas complètement rose du côté des acteurs de seconde main qui accusent aussi certaines difficultés. Ils font face à une guerre des prix constante que vient raviver une concurrence croissante des géants du e-commerce. Il faut rappeler que les commissions dégagées lors d’un achat en ligne restent faibles. Elles nécessitent un volume important et de forts investissements pour garantir une rentabilité pérenne. Encore aujourd’hui, la plupart des acteurs de la seconde main sont en quête de cette dernière. Le challenge est également d’ordre technologique. Faire matcher l’offre et la demande, gérer les méthodes de paiement intégrées, offrir une expérience client sécurisée sur un produit qui n’est pas la propriété de la marketplace, ne sont pas des minces affaires. Il en est de même pour les méthodes de livraison qui doivent répondre à un cahier des charges précis et aux besoins de chaque client par pays. Nombre d’acteurs de seconde main manquent encore de maturité et d’expertise sur le sujet.

Une entente cordiale ?

C’est fort de ces disparités qu’une collaboration semble fortement souhaitable entre d’un côté des retailers contraints de changer de modèle de distribution et de production. Et de l’autre, des pure players en quête de légitimité et friands d’offrir à leur client une expérience utilisateur aussi simple et sécurisée que l’expérience d’achat de vêtements neufs en ligne. En la matière, les marketplaces de seconde main s’invitent effectivement comme une alternative durable et rapidement opérationnelle à mettre en place pour les invendus des grands groupes.

Elles viendraient également facilement compenser les pertes de trafic en magasin. C’est en ce sens en tout cas que le partenariat entre Pamelato et Vestiaire Collective s’est noué. Le concept est simple : la vente d’un bijoux sur la marketplace donne au client un bon d’achats sur la nouvelle collection en magasin. La même logique est suivie dans le partenariat entre Burberry et The RealReal. Et le rapprochement semble d’autant plus pertinent qu’une collaboration peut s’envisager à géométrie variable. Elle peut s’effectuer dans le cadre de partenariats, d’un jour pour un événement ou sur une démarche plus profonde à l’instar du rapprochement Gap avec ThredUp pour un programme Resale-as-a-Service (RAAS) permettant à ses clients d’échanger leurs vêtements usagés sur la plateforme de revente contre un crédit shopping pouvant être utilisé dans les magasins. Dans le cadre de rachats par un grand acteur de la fast fashion ou encore via des collaborations avec de nouvelles startups de mode. La marque Ba&sh s’est récemment associée à la startup de mode circulaire Reflaunt. La seconde-main en ligne et plus particulièrement celle dite "fashion" est relativement récente, avec une forte progression depuis ces dix dernières années.

Connue initialement sur des offres de niches soit le luxe, ou le vintage rare, elle tend à démocratiser les vêtements de tout type allant du simple tee-shirt aux collections limitées de sneakers en passant par les incontournables des dressings. L’exercice est assez nouveau sur lesquels les acteurs se cherchent encore.

Par ailleurs, entre le marteau et l’enclume, les retailers doivent se mettre au pas des nouvelles lois énergétiques, enrailler leur manque à gagner et stopper la baisse de fréquentation mais aussi se poser la question sur leur production rythmée par les collections annuelles. Les pure players quant à eux, doivent gagner en maturité, en expertise consommateur et développer leur empreinte territoriale. À quand une collaboration cohérente entre les parties-prenantes? et une démocratisation de la seconde main en ligne ?

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Présidente et Directrice des Opérations Europe d'United Wardrobe

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