Mises au point sur les comptes de résultat

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Par Dominique Michaut Publié le 30 mars 2017 à 5h00
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Mises au point sur les comptes de résultat - © Economie Matin
3,1 millionsLa France compte 3,1 millions de PME.

Alors que la récapitulation des stocks continue à s’appeler « bilan » (Economie Matin du 25 mars), la récapitulation des flux s’appelle désormais « compte de résultat ».

Ce n’est pas pour autant qu’en comptabilité d’association non commerciale et en finances publiques, le résultat économique le plus significatif est celui qu’un concert d’autorités prétend. Et qu’en gestion d’entreprise aussi, il n’y a pas du ménage de fond à faire du côté des amortissements.

Dans les comptes économiques de flux d’une famille nucléaire (F), d’une autre sorte d’association privée non commerciale (A), d’une entreprise (E) ou d’un organe public (O) se trouvent des « produits » et des « charges ». Il y a donc toujours aussi, pour chacune de ces entités et période après période, un « résultat » égal à la différence entre les produits et les charges de la période.

Les trois désignations qui viennent d’être citées entre guillemets convenant aussi bien en comptabilité économique d’une F et d’une A que d’une E et d’un O, l’appellation générique « compte de résultat » convient bien. La théorie et la pratique de ce compte restent cependant à nettoyer d’assimilations abusives. Dans le débat public et en actions syndicales, nombreux sont encore les propos sur les dépenses qui escamotent la distinction entre charges et investissements. Quant à l’amortissement, c’est un concept à deux faces, mais pas de la même pièce, il y a de quoi s’y laisser prendre.

Les produits, les charges et les investissements

Le produit principal d’une entité mésonomique (Economie Matin du 16 mars) est, en règle générale, spécifique à la sorte d’entité dont il s’agit. Pour une F, c’est du revenu par vente de marchandise élémentaire ; pour une A les cotisations de ses membres et d’autres dons ; pour une E du chiffre d’affaires par vente de marchandise composée ; pour un O de l’impôt. Alors que le produit principal d’une F et le produit principal d’une E sont réglés par des prix, le produit principal d’une A et le produit principal d’un O sont des transferts – fallacieusement les impôts apparaissent être des acquittements collectifs de prix de prestations publiques, moyennant la relégation dans le mal observé tant de la distinction entre le concept de prix et la notion d’utilité que de la distinction encore plus primordiale entre l’échange économique et le transfert économique, le tout dans l’indifférence à l’erreur de la pétition de principe (Economie matin du 16 février).

Les charges comprennent les dépenses de fonctionnement, cependant que les dépenses d’équipement sont des investissements. En partie double, la comptabilisation d’une dépense de fonctionnement comporte, côté charges, un débit d’un compte de flux, alors que la comptabilisation d’une dépense d’équipement ne mouvemente que des comptes de stock. Pour aucune entité, les variations de charges n’ont les mêmes effets que les variations d’investissement. Utilisée avec trop peu de discernement, la notion de dépense masque cette différence.

Une tranche d’amortissement d’un équipement et une autre d’une dette ne sont jamais simultanément une charge

En entreprise, les dotations périodiques aux amortissements d’équipement (corporel ou incorporel) font partie des charges. Ailleurs qu’en entreprise (F, A, O), ce sont les dotations périodiques aux amortissements de dette, intérêts et remboursement du principal compris, qui font partie des charges. J’insiste, c’est l’une des conséquences de la différence de statut économique des entreprises et des autres entités mésonomiques, organes publics comprise. Les amortissements d’équipement répondent à une autre nécessité que les amortissements d’emprunt, bien que les deux puissent être dits « financiers ». Les amortissements d’équipement n’ont de raison d’être objective qu’en entreprise, à deux fins : 1) ne pas surestimer le résultat qui, dans le cas des entreprises, a pour propriété exclusive d’être distribuable quand il est bénéficiaire ; 2) ne pas sous évaluer les prix de revient de ce que coûtent les remplacements des équipements exploités.

L’argumentation de la dernière proposition de mon chapitre sur la comptabilité, rappelle ces fins et évoque un autre point qui me semble trop peu abordé. La conservation de la valeur investie par les provisions que constituent les amortissements d’équipement n’est effective que si ces provisions sont dûment placées jusqu’à leur emploi conforme à leur destination. En tout état de cause : 1) le détournement conscient et inconscient d’amortissements de cette sorte existe ; 2) il semble bien que ce soit de façon massive ; 3) de nos jours lourdement voués à la recherche prioritaire de plus-values (Economie Matin du 27 octobre) et pour ce faire continument à la pratique forcenée du mark-to-market (valorisation des investissements selon leur cours de marché en bourse ou de gré à gré) – de nos jours la doxa dominante n’incline pas, c’est le moins qu’on puisse dire, au sage doublement de la trésorerie d’exploitation par une trésorerie d’investissement. D’où bien des dégâts qui auraient pu être évités et que les mantras de la RSE mal outillée en concepts économiques ne pourront au mieux qu’atténuer un peu.

Ailleurs qu’en entreprise la tendance à faire entrer dans les charges des amortissements d’équipement est, elle aussi, très révélatrice d’un manque croissant de maîtrise conceptuelle des affaires économiques de fond. Les entités A et O où le commissariat aux comptes commettent cet abus prend ces entités pour des sortes d’entreprise qu’elles ne sont pas du tout en économie objective (Economie Matin du 23 février). Du coup, ce qu’est dans leur cas le vrai résultat passe à l’as. Dans les charges d’une entreprise, il n’y a pas d’amortissement d’emprunt. Dans les charges d’une autre entité qu’une entreprise, il n’y a pas d’amortissements d’équipements.

Le vrai résultat ailleurs qu’en entreprise

Un remboursement de principal emprunté par une entreprise est pour elle une sortie de trésorerie sans incidence sur les charges (ce qui n’est bien sûr pas le cas des intérêts, eux à juste titre enregistrés en débit d’un compte de charge). Ne pas suivre cette règle serait frauduleux. En revanche, ailleurs qu’en entreprise, c’est l’absence de diminution du résultat périodique par l’amortissement d’un crédit décaissé pendant cette période qui est un mensonge par omission – qui, même de bonne foi, est une dissimulation.

Tant d’élus et de hauts fonctionnaires, de commissaires aux comptes et de comptables bénévoles, de présidents et de dignitaires, d’économistes et d’économes mentent-ils donc par omission, sans même s’en rendre compte ? Voyons donc ce qui se passe quand l’un d’eux se rend à titre personnel dans une banque en vue d’obtenir un crédit, par exemple pour achat d’un bien immobilier ou pour gros travaux. La banque fait alors le point de la situation économique du demandeur en décomptant dans les charges actuelles et futures du foyer les échéances d’amortissement d’emprunt, remboursement du principal compris. Cette manière d’établir le compte de résultat de toute autre entité économique qu’une entreprise est incontestablement réaliste. C’est au point qu’elle oblige la science économique à considérer qu’elle est la bonne même s’il se trouvait que jamais personne ne le reconnaisse.

Où nous citoyens sommes bernés

Comme en finances familiales et autrement associatives à titre privé, en finances publiques nous sommes bernés tant que le résultat budgétaire qu’on nous dit le plus significatif n’est pas celui où parmi les charges se trouve la dotation périodique du service complet de la dette – intérêts et remboursement de principal.

Par arrangements successifs avec la réalité, l’occultation de cette vérité entretient une inaptitude consternante de candidats et d’élus aux plus hautes fonctions publiques : savoir expliquer au corps électoral, et le lui rappeler tant qu’il ne repousse pas très majoritairement les prétentions contraires, pourquoi l’accumulation de déficits publics est une cause certaine d’augmentation du taux de chômage. Lui artisan et elle assistance maternelle, M. et Mme Marchand ne parviennent pas à se départir de l’intuition qu’il y a du juste là-dedans, alors que leur fils polytechnicien et leur fille énarque ont dépassé ce stade. En partant de ce qu’est le résultat budgétaire économiquement le plus significatif, le pourquoi dont il vient d’être question sera examiné dans le prélude 32.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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