« En dix jours c’est plié et ils partent avec les menottes » déclarait au Monde, lors de l’ouverture du procès du Médiator, lundi dernier, Maitre Charles Joseph-Oudin, l’un des avocats des parties civiles. En dix jours ce procès est effectivement terminé, mais l’issue n’est pas celle qu’escomptaient les trois avocats à l’origine de ce procès en citation directe.
La première journée du procès avait donné lieu à une bataille procédurale lancée par les avocats de Servier, appuyée par certains avocats de parties civiles qui craignaient que la procédure ouverte à Nanterre ne perturbe les plaintes déposées par les victimes auprès du Tribunal de grande instance de Paris. Conduits par Maitre Olivier Témime, les avocats du laboratoire avaient soulevé deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), une exception de nullité et une question préjudicielle. Les avocats à l’origine de la citation directe, et particulièrement Maitre Honnorat et Maitre Verdier, avaient combattu les arguments des conseils de Servier. Le procureur pour sa part demandait le rejet des QPC. Après cette journée de débats sur des questions de droit la juge Isabelle Prévost-Desprez avait ajourné les débats jusqu’à hier lundi.
Le point central des débats reste la question, jamais encore posée officiellement en France, de déterminer si l’on peut ouvrir un procès dans une instance alors qu’une instruction sur la même affaire est encore en cours auprès d’une autre. L'un des principes généraux du droit veut en effet que l'on ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits. Autrement dit, l’issue du jugement de Nanterre, quel qu’il ait été, aurait empêché ensuite le tribunal parisien de rejuger les mêmes faits, alors qu’une longue instruction avait été conduite. Mais jusqu’à présent, la Cour de cassation, seule compétente pour examiner les QPC soulevées par Servier, avait rejeté les demandes du laboratoire. Aussi, lorsque à la reprise des débats, hier, la juge a annoncé qu’elle saisissait la Cour de cassation pour qu’elle examine la QPC de Servier sous trois mois, le procès a changé de direction. Une décision qui repousse les débats sur le fond de l’affaire à la fin de l’année 2012, à moins qu’à cette date le Tribunal de Nanterre décide de sursoir à statuer pour laisser l’initiative au tribunal parisien.
A la surprise de cette annonce, s’est ajoutée celle du contenu du texte lu par Isabelle Prévost-Desprez. En rappelant que « le tribunal juge en droit et uniquement en droit » et qu’il « n'appartient à aucune partie de décider, ni d'imposer son calendrier fut-il médiatique ou judiciaire en bafouant les règles fondamentales du procès pénal » tout le monde a compris qu’elle visait les avocats à l’origine de la citation directe. Pour de nombreux observateurs, la juge aurait peu apprécié les déclarations fracassantes et le battage médiatique organisé par les avocats des parties civiles. De quoi faire regretter à Maitre Charles Joseph-Oudin ses bravades à l’ouverture du procès.