Dans le procès du Médiator qui s'est achevé en eau de boudin au Tribunal de grande instance de Nanterre voici quelques jours, elle cristallisait tous les espoirs des parties civiles. La juge Isabelle Prévost-Desprez, sur-médiatisée lors de l’affaire Bettencourt, qui n’avait pas hésité à défier les proches de Nicolas Sarkozy, offrait des garanties réelles pour juger une société dont l’ancien Président de la République... avait été autrefois l’avocat. Dans un raccourci simpliste, certains se prenaient même à rêver que son anti-sarkozysme supposé serait l’assurance d’une condamnation rapide des Laboratoires Servier. Les avocats à l’origine de la procédure en citation directe avaient même craint un temps que la procédure de sanction disciplinaire lancée à l’encontre d’Isabelle Prévost-Desprez à l’automne dernier ne l’empêche de présider lors de l’ouverture du procès du Médiator. Cette procédure faisait suite aux propos tenus par la juge dans le livre « Sarko M’a Tuer »
Mais la France reste un pays latin, et ce que l’on a porté aux nues peut être aussi rapidement voué aux gémonies. Il aura suffit qu’Isabelle Prévost-Desprez accepte de transmettre l’une des questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation pour qu’elle devienne la cible privilégiée des avocats des parties civiles.
Pourtant, sa décision n'a rien d'absurde. Les QPC sont à la mode. Qui plus est, elles étaient un bon prétexte pour sortir d'une situation inextricable en droit. Parallèlement au procès de Nanterre, une instruction débouchera normalement en 2013 sur un procès à Paris pour des faits communs aux deux procédures. Et comme l'on ne peut juger deux fois une personne (morale ou physique) pour les mêmes faits... Reporter était prudent. Mais les avocats des parties civiles ne l'entendent pas de cette oreille, au point qu’ils envisagent aujourd’hui d’entamer des procédures pour obtenir le dessaisissement d’Isabelle Prévost-Desprez, désormais considérée comme partisane dans ce dossier, un comble ! Pourtant, dans ce texte, c’est au contraire l’indépendance des juges que défend la magistrate de Nanterre. S’il est admis que les avocats usent de l’arme médiatique pour faire avancer leurs arguments, l’affaire du Médiator a bénéficié d’une exposition médiatique sans précédent, non de son fait mais du fait des défenseurs. En répétant à outrance, comme le faisait encore Me Joseph-Oudin à l’ouverture du procès le 21 mai, que Servier serait condamné, les avocats des parties civiles ont donné l’impression qu’ils imposaient leur décision aux juges. Isabelle Prévost-Desprez, par sa décision, n’a fait que rappeler l'exigence de sérénité qui doit entourer les débats du Tribunal, en dehors des passions et des pressions. Elle aurait pu ajouter, en citant ce grand combattant des injustices qu’était Voltaire, « un jugement trop prompt est souvent sans justice ».