Mediator : un scandale sur-évalué ?

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 3 octobre 2012 à 16h26

En rendant public les chiffres sur l’examen des premiers dossiers «  Médiator » par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), Le Parisien a jeté un sacré pavé dans la mare. Selon le quotidien , sur 831 dossiers examinés, 712 ont été rejetés soit un taux d’acceptation de l’ordre de 16 %.

Pour bien comprendre la portée de cette révélation il faut revenir sur cette procédure d’indemnisation par le biais de l’Oniam. Elle a été mise en place en septembre 2011 après que le ministre de la Santé de l’époque, Xavier Bertrand, a souhaité que les procédures soient gérées par l’Oniam, qui dépend du ministère de la Santé. Une équipe de sept experts a été désignée pour examiner les dossiers transmis pas des patients qui s’estiment victimes du Médiator. Sur ces sept experts un seul a été désigné par Les Laboratoires Servier, les autres représentent les associations de malades, le Ministère, … Le choix de ces personnes a tenu compte de deux critères principaux : leur compétence et leur indépendance dans le dossier. Lorsqu’ils établissent un lien entre la prise de Médiator et la survenue d’une pathologie, ils fixent le niveau d’invalidité qui servira de base pour l’indemnisation. Ensuite Les Laboratoires Servier peuvent, soit accepter cet avis et indemniser le patient (ce que la société annonce avoir commencé à faire) soit la refuser et c’est alors l’Oniam (donc l’Etat) qui indemnise et se retourne ensuite contre Servier pour se faire rembourser.

Même s’il reste encore de nombreux dossiers à évaluer, les éléments révélés par Le Parisien démontrent que les effets secondaires, notamment les valvulopathies cardiaques, ne seraient pas aussi fréquents sous Médiator que ce qui a été évoqué au début de cette affaire. Mais l’analyse des premières expertises montrerait également que les atteintes sont en plus, dans l’ensemble, peu invalidantes, puisque sur la centaine de dossiers retenus, les incapacités induites oscillent entre 5 et 10 %. Pour mémoire, les assurances estiment que la perte d'un doigt équivaut à une incapacité de 5 %.


Bien entendu il faudra attendre la fin de ces expertises, ainsi que les procès à venir contre Les Laboratoires Servier. Mais en tout cas cette information amène aussi à s’interroger sur la manière dont nous, les médias, traitons ces crises sanitaires. On voit bien que ces sujets demandent à être abordés avec prudence. Je me souviens encore, comme si c'était hier, de l'affaire des camemberts LePetit, en... 1999. L'affaire est tellement vieiile qu'Internet ne s'en souvient presque plus. Pourtant, la marque de camemberts avait été largement piétinées dans les médias, et de facto, par les médias, avant que l'on ne reconnaisse un peu tard et discrétement qu'il ne s'était rien passé d'anormal. de la Listeria et de la Salmonella sur du fromage, c'est somme toute très banal : nos réfrigérateurs en sont pleins.

La motivation du jugement rendu par le Tribunal de Nanterre en mai dernier l’avait rappelé (à lire « Médiator : un procès pour rien » du 22 mai 2012), dans ces affaires les médias deviennent le premier terrain de bataille, avant même les tribunaux, pour les acteurs de ces crises. Malheureusement la course au scoop, la recherche du sensationnel et du scandale, les avocats prêt à tout pour faire fuiter des pièces d’instruction qui pourraient leur servir, transforment de plus en plus souvent le journaliste en acteur de l’affaire... et non en témoin.

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Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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