En rendant public les chiffres sur l’examen des premiers dossiers « Médiator » par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), Le Parisien a jeté un sacré pavé dans la mare. Selon le quotidien , sur 831 dossiers examinés, 712 ont été rejetés soit un taux d’acceptation de l’ordre de 16 %.
Pour bien comprendre la portée de cette révélation il faut revenir sur cette procédure d’indemnisation par le biais de l’Oniam. Elle a été mise en place en septembre 2011 après que le ministre de la Santé de l’époque, Xavier Bertrand, a souhaité que les procédures soient gérées par l’Oniam, qui dépend du ministère de la Santé. Une équipe de sept experts a été désignée pour examiner les dossiers transmis pas des patients qui s’estiment victimes du Médiator. Sur ces sept experts un seul a été désigné par Les Laboratoires Servier, les autres représentent les associations de malades, le Ministère, … Le choix de ces personnes a tenu compte de deux critères principaux : leur compétence et leur indépendance dans le dossier. Lorsqu’ils établissent un lien entre la prise de Médiator et la survenue d’une pathologie, ils fixent le niveau d’invalidité qui servira de base pour l’indemnisation. Ensuite Les Laboratoires Servier peuvent, soit accepter cet avis et indemniser le patient (ce que la société annonce avoir commencé à faire) soit la refuser et c’est alors l’Oniam (donc l’Etat) qui indemnise et se retourne ensuite contre Servier pour se faire rembourser.
Même s’il reste encore de nombreux dossiers à évaluer, les éléments révélés par Le Parisien démontrent que les effets secondaires, notamment les valvulopathies cardiaques, ne seraient pas aussi fréquents sous Médiator que ce qui a été évoqué au début de cette affaire. Mais l’analyse des premières expertises montrerait également que les atteintes sont en plus, dans l’ensemble, peu invalidantes, puisque sur la centaine de dossiers retenus, les incapacités induites oscillent entre 5 et 10 %. Pour mémoire, les assurances estiment que la perte d'un doigt équivaut à une incapacité de 5 %.
Bien entendu il faudra attendre la fin de ces expertises, ainsi que les procès à venir contre Les Laboratoires Servier. Mais en tout cas cette information amène aussi à s’interroger sur la manière dont nous, les médias, traitons ces crises sanitaires. On voit bien que ces sujets demandent à être abordés avec prudence. Je me souviens encore, comme si c'était hier, de l'affaire des camemberts LePetit, en... 1999. L'affaire est tellement vieiile qu'Internet ne s'en souvient presque plus. Pourtant, la marque de camemberts avait été largement piétinées dans les médias, et de facto, par les médias, avant que l'on ne reconnaisse un peu tard et discrétement qu'il ne s'était rien passé d'anormal. de la Listeria et de la Salmonella sur du fromage, c'est somme toute très banal : nos réfrigérateurs en sont pleins.
La motivation du jugement rendu par le Tribunal de Nanterre en mai dernier l’avait rappelé (à lire « Médiator : un procès pour rien » du 22 mai 2012), dans ces affaires les médias deviennent le premier terrain de bataille, avant même les tribunaux, pour les acteurs de ces crises. Malheureusement la course au scoop, la recherche du sensationnel et du scandale, les avocats prêt à tout pour faire fuiter des pièces d’instruction qui pourraient leur servir, transforment de plus en plus souvent le journaliste en acteur de l’affaire... et non en témoin.