Plusieurs fédérations viennent de se déclarer en faveur d’Alexandre Saubot, candidat issu de l’UIMM, dans la course à la présidence du MEDEF. Ces ralliements, dont certains discutent l’authenticité, compliquent la campagne de Geoffroy Roux de Bézieux, qui n’est désormais plus soutenu que par une seule grande fédération: l’assurance…
Les derniers jours qui viennent de s’écouler constituent probablement une phase critique dans la course à la présidence du MEDEF. Après la rafale d’auditions du mois de mai, plusieurs fédérations ont déclaré leur soutien aux candidats en lice. Cette séance attendue ne se présente pas aussi bien que prévu pour Geoffroy Roux de Bézieux, candidat globalement « préparé » pour la succession de Pierre Gattaz, malgré les ralliements dont il a bénéficié.
Roux de Bézieux, soutenu par la « nomenklatura » patronale?
Campé en entrepreneur de talent désormais dédié à l’investissement dans le numérique, Geoffroy Roux de Bézieux incarne l’aile libérale du patronat. Il a bénéficié du ralliement de plusieurs candidats ouverts à la nouvelle économie. Le dernier en date est celui de la seule femme en lice (et arrivée sur le tard dans la course), Dominique Carlac’h. Elle a officiellement renoncé vendredi au profit de Roux.
Précédemment, le même Roux avait bénéficié des ralliements de l’éphémère ticket Simon-Charpin, lui aussi classé dans l’aile des libéraux. Cette décision a ouvert la voie à un ancrage de Roux de Bézieux loin du capitalisme à la papa qu’incarne Alexandre Saubot. Reste à voir si cet éloignement sera gagnant.
Le danger pour Roux est en effet d’apparaître aujourd’hui comme le candidat des « premiers de cordée », peu enclins à faire du social et plutôt partisans de ruptures ou de disruptions économiques fortes. Cette image est d’autant plus dangereuse que le trio Patrick Martin, Le Saché et Brajeux, plutôt proche de l’aile libérale, continue d’affaiblir Roux.
En attendant, les soutiens dont Roux de Bézieux peut se réclamer apparaissent plutôt issus de choix individuels. Sa candidature peine à rallier sur son nom les grandes fédérations dont il aura besoin pour être élu. Là aussi, le danger guette, car Roux risque fort d’apparaître, dans la dernière ligne droite, comme celui qui a mené une campagne personnelle, très individuelle, mais qui échoue à construire une ligne collective et fédératrice.
Percée décisive de Saubot?
Le vote du Conseil Exécutif du 11 juin constituera un premier indicateur sur l’état des forces en présence. D’ici là, Alexandre Saubot peut arriver à ce premier vote (purement indicatif) avec une certaine décontraction. Il vient en effet d’engranger plusieurs soutiens de poids.
Personne n’a été véritablement surpris par le soutien dont l’UIMM l’a affublé. Saubot ayant assumé la présidence de l’Union pendant plusieurs années, ce retour de bons procédés était bien le minimum auquel on s’attendait. En revanche, la fédération des travaux publics s’est aussi rapidement déclaré en sa faveur. Les mauvaises langues ont rapidement affirmé que ce soutien engageait le président de la fédération mais pas ses adhérents, il n’en reste pas moins que…
La moisson de Saubot a continué ces derniers jours. Non seulement la Fédération Bancaire (FBF) lui apporte son soutien, mais la Fédération de l’Intérim a grossi les rangs favorables à ce démocrate chrétien un peu rigide.
Pour Roux de Bézieux, il faudrait que les ralliements à Saubot s’arrêtent là pour lui préserver une chance raisonnable d’être élu.
Passage compliqué pour les assureurs
Du coup, le soutien accordé par l’assurance à la candidature de Roux apparaît à contretemps et à contre-courant. Dans l’attente du positionnement du SYNTEC (branche du conseil et de l’informatique) en faveur de Roux, la Fédération de l’Assurance est désormais la seule grande fédération à orienter son vote de cette façon. Cette figure isolée paraît pour le moins compliquée à gérer pour une branche dont le chiffre d’affaires repose largement sur la vente de produits aux autres branches.
Dans l’hypothèse d’une victoire finale de Saubot, ce choix risque de coûter très cher. D’autant plus cher que les banquiers auront vu juste en se ralliant au vainqueur, cornérisant un peu plus les assureurs.
Certaines conséquences immédiates pourraient être lourdes de conséquences. En particulier, les assureurs avaient fait main basse sur le système paritaire de retraites complémentaires. Ils détiennent en effet la présidence stratégique de l’ARRCO, et la stratégie en matière de protection sociale est coiffée par l’ancien président de GENERALI France, Claude Tendil. Or celui-ci risque fort de ne pas être reconduit dans ses fonctions si Alexandre Saubot remporte le morceau.
Les banquiers, déjà bénéficiaires de la future loi Pacte qui devrait encourager la compétitivité de leurs produits d’épargne, pourraient bien lorgner de près sur les forteresses paritaires gagnées par les assureurs sous Pierre Gattaz.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog