L'information est tombée comme un couperet : le 26 juillet dernier, l’Inspection du travail n’a pas validé le plan de sauvetage du McDo des quartiers Nord. Une décision très politique dans une affaire qui défraie la chronique à Marseille depuis un an et demi. Jean-Pierre Brochiero, le franchisé à la tête du fast-food marseillais, tente le tout pour le tout en faisant un recours hiérarchique afin d'éviter la fermeture du site.
Quelles sont les motivations de l'Inspection du travail lorsqu'elle refuse le plan de sauvetage pour sauver le McDo de Saint-Barthélémy à Marseille ? Le bien-être des 70 travailleurs, ou des considérations politiques faisant abstraction d'une situation économique calamiteuse ?
Jean-Pierre Brochiero, le franchisé à la tête du fast-food marseillais, a dit « prend(re) acte de la décision de l'inspection du travail qui ne permet pas la mise en œuvre du plan de sauvetage du restaurant très lourdement déficitaire depuis plusieurs années ». Une décision qui risque de condamner l'enseigne à la fermeture. Le McDo de Saint-Barthélémy a toutes les chances de mettre la clé sous la porte.
La décision de l'Inspection du travail, qu’un « observateur du dossier qualifie de dogmatique », a-t-elle un fondement juridique ? Elle s'oppose en tout cas à la décision du Tribunal de Grande Instance, dans son jugement du 29 novembre 2018, et elle suscite l'étonnement, dans le cadre d'un conflit qui, pour certains, aurait été « pris en otage » par certains délégués syndicaux. Economie Matin avait déjà évoqué les méthodes musclées de certains d'entre eux : agression d'un directeur de restaurant, menaces de mort par sms etc. Des techniques violentes et spectaculaires, faisant diversion et niant la réalité du problème.
Coût du personnel encadrant faisant plonger la rentabilité
D'après un audit réalisé par un cabinet indépendant (Eight advisory), l'établissement, « structurellement déficitaire », accuse des pertes record (992 000 euros en 2018, 3,3 millions d'euros depuis 2009) et un coût du personnel encadrant faisant plonger la rentabilité. « Une analyse comparative de la rentabilité par rapport à 31 restaurants McDonald’s comparables fait apparaître un coût de personnel quasiment deux fois supérieur à la moyenne de ces 31 restaurants. Ces coûts sont essentiellement concentrés sur le personnel d’encadrement dont la structure est surdimensionnée par rapport à l’activité commerciale du restaurant ».
Problème : certains délégués syndicaux, tels que Kamel Guemari, leader de la fronde contre le projet de cession et délégué du personnel FO, font partie de ce personnel encadrant. La situation ne va pas en s’arrangeant et se dégrade jour après jour. « Le restaurant de Saint-Barthélemy, sans activité, est aujourd’hui au bord de l’asphyxie économique avec des pertes qui s’aggravent chaque mois à hauteur d’environ 100 000 euros » précise Jean-Pierre Brochiero.
Face à cette situation, la Direction a souhaité pérenniser l’activité de son restaurant et maintenir l'ensemble des emplois dans l'établissement, en renflouant, via ses actionnaires, une partie du déficit devenu chronique : d'abord une recapitalisation d'1 million d'euros en 2016, puis un emprunt de 1,2 millions d'euros en 2017-2018, afin d'éviter la cessation de paiement. Par ailleurs, elle propose deux plans de sauvetage.
« Mon objectif principal est (...) de rendre rentable le restaurant par un projet de licenciement économique avec un accompagnement qui va bien au-delà de ce qu’envisage la loi : reclassement, aide à la création d’entreprise…» déclarait récemment Jean-Pierre Brochiero.
Au programme : des changements dans l'organisation du travail, et le licenciement de sept salariés, dont quatre membres du personnel encadrant. Les grèves du personnel de 2018, menées par les délégués syndicaux, ont depuis alourdi le bilan des pertes et contribuent à «expliquer les difficultés les plus récentes de l’établissement, synonymes d’une perte de près d’un million d’euros l’an passé». Depuis près de deux mois, une nouvelle grève est menée par Kamel Guemari et le restaurant fait zéro euros de chiffre d'affaires aujourd'hui.
Au-delà du caractère lourdement déficitaire de l'établissement qui risque de devoir très probablement mettre la clé sous la porte avec l'invalidation du plan de sauvetage de la Direction se pose un problème de droit. La décision administrative de l’Inspection du travail va à l’encontre de la décision du Tribunal de grande instance. Quelle est alors l'autorité compétente pour juger cette affaire ? L'autorité administrative est-elle indépendante dans sa prise de décision ? Rien n'est moins sûr face à une excessive politisation du conflit.