Ces dernières années, on a pu voir de nombreuses marques françaises s’initier ou se perfectionner à l’art de la production de contenu. En passant du statut de "marchand" à celui d’éditeur, elles espèrent, avec raison, améliorer la perception qu’ont les consommateurs de la marque et de ses produits mais aussi augmenter leur engagement.
Pourtant, exception faite des performances des meilleurs élèves du Brand Content, le succès n’est pas au rendez-vous pour tout le monde. La notion de performance, quand on parle de contenu de marque, est évidemment difficile à évaluer. On attend dans ce domaine des résultats sur le long terme, l’engagement se construisant dans la durée et sous l’action conjuguée de plusieurs démarches (communication, relations presse, publicité, etc.)
Cependant, il y a de quoi être interpellé devant les résultats de certains projets : il suffit de voir sur YouTube les nombreuses chaînes de marques dont l’audience ne dépasse pas les quelques centaines de vidéos vues… Une banque qui crée un site d’échanges dédié aux entrepreneurs, une marque de cosmétiques qui forme aux techniques de maquillage, un assureur qui aide à se prémunir contre les accidents ménagers, un professionnel de l’immobilier qui conseille ses clients sur les erreurs à éviter quand on achète un bien : autant d’exemples de positionnements pertinents avec des contenus majoritairement de qualité.
Mais le retour sur investissement est-il toujours au rendez-vous ? Car créer un contenu de qualité coûte cher : pour une vidéo par exemple, de quelques milliers d’euros jusqu’à plusieurs millions pour les marques de luxe. Le rapport coût/efficacité devient compliqué à estimer, alors qu’en période de crise, pour les directions marketing, c’est pourtant LA question cruciale.
Parmi les raisons d’une désaffection du contenu, on peut notamment trouver l’existence d’un effet de mode avec une volonté de prendre la parole à tout prix. Ce sont les mêmes erreurs que celles commises autrefois avec les applications mobiles, les pages Facebook, ou encore avec les sites Web il y a plus de dix ans : chacun doit être présent mais sans forcément savoir pourquoi ! Le résultat est donc souvent maladroit, avec un contenu portant beaucoup trop l’empreinte de la marque et manquant de crédibilité.
La question du support doit également être posée. En effet, les leviers traditionnels d’acquisition d’audience et de visibilité sur Internet (display, liens sponsorisés), trop "publicitaires", ne correspondent pas toujours au message. Lorsqu’un industriel parle de développement durable, son discours risque de perdre en crédibilité s’il utilise une bannière de pub pour le diffuser…
Pour augmenter la visibilité de ses contenus, l’entreprise doit alors se tourner vers des solutions alternatives. Il faut enfin s’assurer de l’adéquation du contenu et de la cible. Les spécialistes du marketing sont parfois tentés de croire qu’ils connaissent parfaitement leur cible et produisent du contenu en se basant sur cette pseudo-connaissance.
Or le décalage avec la réalité peut parfois être flagrant. L’analyse des contenus performants, à l’épreuve de la réalité des clics par exemple sur une plateforme d’échange ou de recommandation, peut permettre de distinguer ceux qui touchent vraiment leur cible. En résumé, il manque souvent aux marques une stratégie plus globale : le "Content Marketing" (ou marketing du contenu).
Le Content Marketing, très répandu outre-Atlantique, peut se définir comme la création et la diffusion de contenus pertinents et utiles, destinés à attirer, acquérir et engager une audience clairement définie et reconnue. Avec l’objectif que cette audience aille d’elle-même, in fine, vers un acte d’achat. En clair, il prône l’utilisation du contenu par les marques dans une stratégie d’ensemble, avec des outils dédiés et des objectifs clairement définis : en termes d’audience, de conquête et de fidélisation de nouveaux clients.
Le contenu, si son roi n’est pas immédiat, installe une relation unique (affective, de confiance) entre le consommateur et la marque, et crée les conditions indispensables à la transformation ultérieure sous forme de l’acte d’achat. Il est la nouvelle entrée du tunnel d’achat ! Les marques doivent prendre conscience qu’une stratégie de communication par le contenu se différencie complètement de la publicité. Le contenu apporte au consommateur une valeur (utilité, émotion, divertissement) là ou la publicité doit engendrer une réaction à plus court terme (l’achat).
Sur www.redbull.fr, on ne voit même plus que l’on est sur le site d’une marque de boissons énergétiques. Red Bull est l’une des marques au monde qui produit le plus de contenus, tous tournés vers les sports extrêmes. Leur tour de force ? avoir réussi à complètement "démarquer" leurs contenus et se positionner en véritable média d’information. Et les ventes de la marque semblent plutôt bien s’en porter…
Evidemment, tout le monde n’est pas Red Bull, mais cet exemple a le mérite de remettre en cause certaines idées reçues. La valeur apportée par la marque à son consommateur est propre à chaque individu, c’est pourquoi il est vital de cibler les opérations de content marketing encore plus précisément qu’une campagne classique. On retrouve la même logique que celle utilisée depuis toujours en télévision : c’est bien le contenu qui génère l’audience, non le support.
Concrètement, si je veux toucher une tranche d’âge 15-25 ans, je dois produire un contenu qui intéresse les 15-25 ans : une évidence qu’il est parfois bon de rappeler... Ainsi, en recentrant le budget consacré au volume de production au bénéfice de contenus plus ciblés, on peut par exemple dédier une part de budget pour assurer une meilleure visibilité de ces contenus.
Car finalement, pourquoi écrire si personne ne lit ce que j’écris ? Pour gagner de l’audience, les annonceurs doivent utiliser de nouveaux leviers, des outils de diffusion et de visibilité adaptés à une stratégie de contenu. Quand une personnalité politique souhaite prendre la parole, elle n’achète pas un spot publicitaire : elle se fait inviter dans une émission-débat.
Les marques doivent adopter la même attitude en utilisant des leviers plus éditoriaux : en réalisant des opérations spéciales avec des éditeurs, en mobilisant les communautés de bloggeurs (faire-parler plutôt que parler), ou encore en amplifiant la portée des messages grâce à des plateformes de recommandation éditoriale.
En conclusion, même un "pollueur" peut avoir une légitimité à s’exprimer sur le développement durable. Il suffit que son discours soit franc, haut-de-gamme, peu brandé et qu’il réunisse l’audience intéressée par le sujet, dans un lieu adapté. L’essentiel devient alors une certaine forme d’authenticité de prise de parole, savoir faire preuve d’une véritable implication dans les contenus créés pour leur donner toute leur valeur. Paradoxalement, le "brand content" s’épanouira quand la "marque" aura (presque) disparu au profit d’une stratégie globale de contenu.