Comment réagissent les marchés à la suite de la démission de Mario Monti ?

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Par Captain Economics Publié le 10 décembre 2012 à 11h04

Il y a un peu plus d'un an, le 12 novembre 2011, Silvio Berlusconi démissionnait face à la "pression des marchés", et était remplacé quelques jours plus tard par "il professore" Mario Monti. A la tête d'un nouveau gouvernement non-élu de techniciens, Mario Monti a mené en un an de nombreuses réformes pour essayer de remettre le pays dans le droit chemin. Mais qui dit réformes et austérité dit forcement impopularité ; la côte de popularité de Mario Monti était ces derniers jours au plus bas depuis son élection, avec seulement 33% d'opinions favorables. En fin de semaine dernière, les membres de la majorité ont refusé de voter deux textes législatifs présentés par le gouvernement Monti, signe d'une rupture de confiance profonde. Mario Monti a donc annoncé sa démission "irrévocable" après le vote du buget 2013. Et cerise sur la gâteau, Silvio Berlusconi a annoncé samedi qu'il serait candidat aux prochaines élections, alors qu'il a été condamné le 26 octobre 2012 à 4 ans de prison pour fraude fiscale et est interdit d'exercer un mandat public pendant 3 ans (décision en appel)! Franchement ?

Si l'on regarde le bilan depuis un an de Mario Monti, on se doit de séparer deux aspects (1) l'effet de sa politique sur "les marchés" et (2) les conséquences sur les indicateurs macro-économiques, comme la croissance et le chômage. D'un point de vue "financier", l'arrivée de Mario Monti au pouvoir et les différentes réformes menées ont eu un impact clairement positif sur les taux d'emprunt italien et le non-éclatement de la zone euro. Il y a un an environ, l'Italie empruntait sur les marchés à un taux de 7%, alors que l'Espagne empruntait autour des 6%. En un an, le taux italien a diminué de près de 2 points (4,8% à 10 ans actuellement) alors que le taux espagnol est à peu près au même niveau qu'en décembre 2011. Le graphique ci-dessous illustre parfaitement cela, en montrant les variations en pourcentage du taux d'emprunt à 10 ans de l'Espagne (en vert) et de l'Italie (en orange), avec une base commune il y a un an.

Espagne-Italie-10yr

L'Italie est pour le moment le seul pays faisant partie du malheureux groupe des PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) à ne pas avoir eu besoin d'un plan d'aide extérieur (FMI / Union Européenne / BCE) pour soutenir son économie ou ses banques. Les prévisions de croissance ne sont pas glorieuses pour 2012/2013 ; le gouvernement Monti ayant annoncé fin septembre une révision à la baisse des prévisions (récession de 2,4% en 2012 et 0,2% en 2013), mais d'un point de vue finance publique, le déficit public est inférieur à 3% du PIB et la dette publique semble soutenable à moyen terme, avec une réduction du ratio d'endettement prévue pour 2014 (source: Natixis "Italie : le gouvernement révise ses prévisions de croissance et de déficit public").

Déficit-Dette-Italie

D'un point de vue du chômage, il y a il est vrai 1 million de chômeurs de plus en Italie qu'il y a un an ; le taux de chômage étant passé de 8,5% en novembre 2011 à 11,1% en octobre 2012. Alors bien sûr c'est un peu facile d'accuser la crise de tous les maux, mais si l'on regarde la situation en Espagne sur la même période, le chômage est passé de 17,92% en novembre 2011 à 25,02% en octobre 2012. En France, on a actuellement 50.000 chômeurs de plus par mois, donc difficile d'accuser Mario Monti d'être la cause de cette hausse du taux de chômage sans prendre en compte la situation économique globale et les efforts de réduction du déficit en Italie.

Mais comment les marchés ont-il réagi ce matin après l'annonce de la démission future de Mario Monti ? Jetons donc un coup d'oeil aux taux d'emprunt à 10 ans et à la bourse italienne.

Le taux italien est en hausse ce matin de près de 30 points de base, passant de 4,54% vendredi à 4,82% ce matin, ce qui est loin d'être négligeable. En suivant le principe de contagion, le taux espagnol est lui aussi en hausse de 16 points de base. Et pour la France ? Si vous avez lu l'article un peu technique du Captain' "Core versus périphérie : pourquoi les taux souverains sont-ils négativement corrélés ?", vous pouvez avoir une petite idée... Il y a deux effets joints à cette annonce en Italie pour la France. Le premier qui est négatif pour l'ensemble des pays est que la démission de Monti est un signe de désaccord en Italie avec la politique "à la Merkel" et donc signifie une hausse du risque global pour la zone avec une augmentation des dissensions. Le second est dû à la corrélation négative, qui fait que la hausse du risque perçu en Italie entraîne une hausse de la demande en dette "fiable" française ; les investisseurs vendant la dette italienne pour acheter de la dette française. Résultat, le taux français est en légère baisse (1,94% à 10 ans), ce qui est tout de même, notons le, LE taux d'emprunt le plus bas connu en France historiquement.

Si l'on regarde la bourse italienne (MIB FTSE), c'est un petit carnage ce matin. A 11h30, l'indice italien recul de 3,38%, avec un mini-crack pour les actions bancaires ou financières de l'indice (même si vous ne parlez pas italien, vous verrez plein de "Banco", "Banca" et "Credit" dans les plus fortes baisses de l'indice, "Mediolanum" étant aussi une banque italienne). Le CAC40 est lui aussi en baisse (-0,7%) et l'indice espagnol suit dans une moindre mesure le mouvement de son ami italien (-2%, avec fortes baisses des bancaires).

MIB-FTSE-Monti-Berlusconi

Conclusion: Comme l'explique Nicolas Doze dans la vidéo ci-dessous, l'Italie doit placer de la dette sur les marchés jeudi. On va encore bien s'amuser je sens ! Partout en Europe, quasiment aucun gouvernement ne semble résister à la crise. Le populisme et la démagogie ont encore de beaux jours devant eux (même si les chances de victoire de Berlusconi semblent faibles pour le moment).

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.  

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