Fièvre de l’or, dépression et obésité

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Par Simone Wapler Publié le 4 mars 2016 à 5h00
Marches Metaux Precieux Or Cours
@shutter - © Economie Matin
42 $Le stock d'or de la Fed est valorisé à 42 dollars l'once.

« Alors, alors, vous ne nous parlez plus d’or »… Telle est la réflexion qui nous est récemment venue aux oreilles. Oui c’est vrai, nous vous parlions un peu moins d’or jusqu’à présent qu’entre 1997 et 2012.

Pourquoi ? La raison est très simple : l’or est un thermomètre. Il permet de prendre la température de la confiance dans la monnaie et le système financier. Aux moments où nous prédisions une crise financière majeure, presque personne ne voyait rien venir. Donc, nous tendions ce thermomètre vétuste qui permettait de prendre la température du malade, nous vous le mettions sous le nez et nous vous disions : « vous voyez, ça monte, c’est bizarre, une maladie incube ».

Depuis la crise du crédit subprime et la crise de l’euro sont passées par là. Chacun sait maintenant que le monde financier est malade. Franchement, qu’est-ce qui est le plus intéressant de parler de la maladie ou du thermomètre ? De s’intéresser aux causes et aux remèdes possibles ou aux effets ?

Le patient obèse

Depuis 2013, la maladie progresse mais la fièvre est sous contrôle des Banques centrales. De quelle maladie parlons-nous ? Du chancre du crédit. C’est une maladie bizarre, un peu comme l’obésité. Plaisir instantané mais effets secondaires indésirables, au début pas très visibles et jugés anodins (quelques bourrelets) puis de plus en plus handicapants (essoufflement, problèmes cardiaques). Plus le patient s’essouffle, moins il s’agite, plus il se livre à sa boulimie pour combattre la dépression. C’est la maladie de l’économie réelle, surendettement et surconsommation.

Mais parlons d’or et de fièvre… Depuis le début de cette année, le prix de l’or monte. A vrai dire, un des rares actifs financiers qui soit dans le vert en 2016, c’est l’or. Fin août 2015, nous avions prédit l’imminence d’un grand marché baissier, un bear market. Nous avions même offert un rapport spécial à nos abonnés pour leur dire qu’il fallait apprivoiser les ours et commencer à apprendre à danser avec eux.

Jusqu’à présent, les événements ne nous contredisent pas. Mais voilà que l’or monte et vous voulez entendre parler d’or qui monte et pas des marchés qui baissent, des crétineries des banquiers centraux, des taux négatifs, de la répression financière, de la guerre contre le cash, etc. Voyons l’or, donc, puisque le thermomètre vous passionne :

Pourquoi l’or monte-t-il d’habitude ???

Lorsque les taux d’intérêt réels sont négatifs, les cours de l’or montent. Nous vivons en régime de monnaie fiduciaire. La monnaie EST dette. Le plus gros stock de monnaie est le dollar. Pour pouvoir stocker de la valeur dans une monnaie fiduciaire, le taux d’intérêt sur la dette souveraine du pays doit être supérieur à l’inflation de ce pays. De la même façon, pour que votre épargne ne perde pas en pouvoir d’achat, il faut que le taux de votre livret, de votre assurance-vie, soit supérieur à celui de l’inflation. A chaque fois que les taux d’intérêt réels en dollar sont négatifs, le thermomètre (l’or) enregistre une poussée de fièvre.

Ce fut le cas entre 1970 et 1980. Pour faire descendre la fièvre, Volcker, le banquier central de l’époque a dû monter ses taux à 20% pour contrer une inflation qui dépassait 15%. Ce fut le cas entre 2000 et 2008.

Taux négatifs ou inflation : même punition pour l’épargne??

Aujourd’hui, il n’y a pas d’inflation violente (en tant que hausse des prix). Il y a seulement des taux négatifs en Europe et au Japon. Donc l’épargne est punie et la monnaie ne sert plus de réservoir de valeur, même aux Etats-Unis (pas encore sous le régime des taux d’intérêt négatif, mais Janet Yellen y songe). Les taux d’intérêt réels sont bien devenus négatifs. Le pouvoir d’achat s’érode donc l’or s’ébroue.

Les amateurs de « trucs qui montent » commencent à s’intéresser au thermomètre… même s’ils ne connaissent rien de la maladie. Ça peut-il monter beaucoup ? Jusqu’où ? En combien de temps ? Vite, je veux monter dans le grand train de l’or même si je ne sais absolument pas pourquoi ! Oui, ça peut monter beaucoup. Jusqu’à 4 000 $ ou même 8 000 $, voire 10 000 $. Le plus important est comment se fera cette poussée, lente ou brutale ? Car les banquiers centraux feront tout pour que vous ne puissiez pas profiter de cette hausse.

Voyez-vous, si tout le monde montait tranquillement dans le grand train de l’or qui avancerait doucement, les banquiers centraux ne pourraient pas cette fois augmenter les taux pour arrêter le train, en faire descendre les gens et calmer la fièvre de l’or. Car tous les pays sont surendettés et ne supporteraient plus la moindre petite hausse de taux d’intérêt.

Le grand jubilé et le grand soir de l’or??

L’hypothèse la plus probable, s’il y avait un signe de hausse durable, sera donc la restructuration concertée des dettes, le grand jubilé, le big reset. Vous vous endormirez un soir ; le matin, vous lirez dans vos journaux que les bilans des Banques centrales ont été rééquilibrés, que vous serez soumis un impôt spécial, prélevé directement sur votre compte bancaire et que le cours de l’or a été multiplié par quatre ou dix. Ce dernier coefficient dépendra du bilan de la Fed américaine et de la quantité d’or dont elle dispose réellement.

Comptablement, le stock d’or de la Fed (officiellement de 9 000 tonnes) est valorisé à 42 $ l’once (en valeur historique et non en valeur de marché contrairement à la BCE et à beaucoup d’autres Banques centrales).

Supposons qu’une nuit, les Etats-Unis et les partenaires discutant de la restructuration mondiale (FMI, Chine, Japon, Europe, Brésil, Russie, Inde…) décident que l’or vaut 8 000 $ l’once. Immédiatement la colonne « actif » de la Fed passe à 2 200 milliards de dollars ; de quoi équilibrer (un peu) la colonne « passif », non ? Le passif de la Fed, pour mémoire, est d’environ 4 500 milliards de dollars. Mais on peut discuter : à 16 000 $ l’once d’or — pouf ! — le passif est épongé…

Cette nuit-là, le train de l’or sera passé tel un TGV devant vous. Voilà ce que c’est de vouloir s’intéresser aux effets mais pas aux causes. Nous ne sommes plus en 1980, en 2001, en 2008 ou en 2011. Réveillez-vous : nous sommes en 2016 et il faudra en passer par une restructuration des dettes. Prendrez-vous le risque de louper le train ?

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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