Au plus noir de la nuit ?

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Par Hervé Goulletquer Publié le 27 novembre 2019 à 13h27
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@shutter - © Economie Matin
1,5%Les USA ne devraient avoir, au T4, qu'une croissance de 1,5% sur un an.

Sans doute doit-on renverser la logique suivie tous ces derniers mois pour décrire l’environnement des marchés : politique, économie puis banques centrales. C’est l’état de l’économie qui en cette fin d’année va pousser Américains et Chinois à aller à l’accord.

Au cours des derniers mois et trimestres, la prise en compte de l’environnement des marchés s’est effectuée le long d’une ligne analytique débutant par la mesure de l’incertitude politique (en relation avant tout avec le dossier des relations sino-américaines), passant par les mouvements de la confiance des agents économiques (surtout celle des entreprises du secteur manufacturier) et ceux des anticipations inflationnistes (assez liés aux précédents), intégrant la réaction des banques centrales et débouchant in fine sur l’attitude plus ou moins preneuse de risque des investisseurs.

Peut-être, alors que la question-clé est de savoir quand les officiels américains et chinois vont être en mesure de signer un accord commercial, doit-on modifier l’approche. Et s’il fallait partir de l’état de l’économie pour mesurer la capacité des officiels des deux pays à s’entendre et appréhender la difficile question du calendrier de l’expression du compromis trouvé ?

Depuis la fin de l’année dernière, les observateurs sont confrontés au contraste entre une croissance du PIB plutôt assez stable et des enquêtes de conjoncture auprès des entreprises (surtout manufacturières) qui se dégradent. Depuis quelques petits mois, les secondes ont plutôt tendance à « redresser la tête ». Il ne faudrait pas qu’au même moment la première se mette à flancher, peut-être en cohérence avec le message envoyé auparavant par les résultats d’enquête. Le risque étant alors que cette réalité plus négative influence le sentiment, tel qu’il se dégage au travers des réponses faites aux enquêteurs. Bref, il faut faire attention à ce qu’un tel cercle vicieux ne s’enclenche pas.

Faisons donc un tour du côté des « données en dur » concernant la Chine et les Etats-Unis. Dans l’Empire du Milieu, l’effritement se poursuit. Une preuve supplémentaire est donnée ce matin avec les statistiques d’octobre dans le secteur industriel. La production ralentit : en glissement sur un an, +4,7% contre +5,8% le mois précédent. La baisse des prix à la production se poursuit, en s’accentuant un peu : -1,6% après -1,2%. Au final le recul des profits accélère : -9,9% après -5,5%. Sur ce dernier aspect, remarquons la contribution essentielle des entreprises d’Etat ; le résultat de celles du secteur privé tient mieux le choc.

Passons aux Etats-Unis. Il apparaît que la ligne de résistance à 2% (d’une période à l’autre et en rythme annuel) de la croissance du PIB, observée sur les quelques derniers trimestres, va être enfoncée en T4. Le consensus des économistes, interrogés par Bloomberg, parie sur un chiffre guère supérieur à 1,5%. Les deux districts de la Fed, qui publient des estimateurs instantanés du PIB pour le trimestre encours (ils sont très regardés), envoient des messages encore plus prudents : +0,7% pour celui de New York et +0,4% pour celui d’Atlanta. Remarquons que le dernier calcul de la Fed d’Atlanta est un peu plus ancien (19 novembre) et pêche sans doute par pessimisme. Pourquoi cet affaiblissement ? Pour beaucoup au titre des dépenses du consommateur, négativement affectées par une moindre création d’emplois et par une confiance plus réservée.

Tant les dirigeants américains que chinois ont besoin de croissance (on en a souvent parlé). A ce titre ils ne doivent pas gâcher l’état d’esprit plus constructif des entreprises manufacturières, tel que révélé par les indices PMI. Au risque, sinon, de rendre plus compliquée l’élection du Président Trump et plus difficile la stratégie économique du Président Xi (maintenir à la fois le cap des réformes de structure et un niveau adapté de croissance). C’est à ce niveau du raisonnement qu’il faut introduire les négociations entre les deux pays. Elles paraissent s’éterniser, au point que les observateurs commencent à s’interroger sur la capacité effective de trouver un accord. Le doute ne doit pas s’installer ; les conséquences en termes de confiance économique seraient trop négatives. A ce titre, je donnerais plutôt crédit à Donald Trump, lorsqu’il a déclaré hier au soir qu’on était tout proche de l’accord. Avec quel contenu ? Plus d’achat de produits américains par la Chine et l’arrêt par Washington du renchérissement des droits de douane sur les marchandises made in China (on parle même d’une baisse). C’est tout au moins ce qui se dirait dans les milieux « bien informés ».

Le marché paraît prudent ce matin. Mais n’est-ce pas au plus noir de la nuit que l'aurore apparaît ?

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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