Si vous aviez encore quelques doutes sur le retour de (mauvais) schémas intellectuels qui subvertissent la logique économique et ancrent notre réalité dans un combat déséquilibré au profit de Wall Street, et au détriment de Main street, le débat semble clos depuis mardi matin, avec l’envolée de +2% de Tokyo saluant la énième dégradation du commerce extérieur japonais.
Pas la peine d’entrer dans des considérations du type « c’était moins pire que prévu », ou, au contraire, « c’est le mauvais chiffre de trop » : ce qui importe, c’est que les investisseurs nippons ne voient pas comment la BoJ (Bank of Japan, la Banque centrale du Japon) pourrait ne pas rajouter de liquidités et s’abstenir de faire tourner sa plancher à billets à 8 000 tours/minute (comme un moteur de Ferrari venant de s’introduire en bourse) au lieu des 6 000 depuis 1 an.
L’économie japonaise reste engluée dans la déflation et l’anticipation d’un « recalibrage » (expression à la mode) du « QE » (quantitative easing ou assouplissement quantitatif) de la BoJ. Recalibrage qui, à vrai dire, ne pourrait que relancer la guerre des devises sans merci que Tokyo livre à l’encontre de Pékin depuis 2013… et qui a déjà entrainé la riposte chinoise de fin août, avec l’annonce de la dévaluation de -5% du Yuan (mais qui est rapidement resté limitée à -3%).
Et si la Chine laisse filer le Yuan (fragilisé par la chute de son rythme de croissance économique, par l’éclatement de sa bulle immobilière puis industrielle et par la faillite de pans entiers de l’industrie minière), est-ce que les États-Unis laisseront symétriquement grimper le dollar et s’aggraver les difficultés des entreprises exportatrices américaines ? La guerre des devises ne ferait alors que commencer…
Un risque déflationniste de plus en plus prégnant…
Cependant, la FED a bien identifié la recrudescence des pressions déflationnistes. Désormais, pas loin de la moitié des directeurs des succursales régionales de l’institution et membres de son board s’alarment de la situation économique internationale et intérieure… Jamais donc, depuis le début de l’année 2015, une hausse des taux monétaires n’apparaitrait aussi malvenue qu’à présent.
Ainsi, l’objectif d’endiguer le gonflement de la bulle immobiière et la flambée des loyers sur le sol américain passe très largement au second plan par rapport aux risques macroéconomiques que ferait peser le renchérissement du dollar – avec des turbulences prévisibles à Wall Street – sur le PIB américain. …
Alimenté par la chute des matières premières
Mais une bonne part de l’équation déflationniste se situe au niveau du coût de l’énergie, avec le refus de l’Arabie saoudite d’appuyer les initiatives – comme celle du Venezuela – visant à provoquer le renchérissement du pétrole, ce qui redonnerait du pouvoir d’achat aux autres pays producteurs dont les coûts d’extraction se situent majoritairement au-delà des 40 $ le baril.
Mais dans le même temps, il faudrait que les stocks de brut US cessent de gonfler comme ils le font depuis 3 semaines, avec +7 M de barils annoncés par l’AIE la semaine dernière et +8 M cette semaine.
Puisque les matières restent au point mort, puisque des rumeurs très inquiétantes continuent de circuler sur de grands conglomérats miniers – Glencore (JE00B4T3BW64 8GC) serait au bord de la banqueroute, Lonmin (GB0031192486 LMI) va supprimer 6 000 emplois et Eramet (FR0000131757) réduit la voilure, n’anticipant aucune embellie sur le nickel – les marchés en sont réduits à espérer des « mauvaises nouvelles » pour se reprendre à parier sur la prolongation des taux zéro aux États Unis et sur une extension des « QE » de Mario Draghi à la BCE ou de Haruhiko Kuroda à la BoJ.
En attendant Mario
Eh oui : les marchés « espèrent » tout en sachant que cela n’aura aucune efficacité économique, et c’est peut-être la seule raison qui retient les potentiels vendeurs de passer à l’action.
Et comme les acheteurs ne se font aucune illusion sur l’évolution de la conjoncture ou la progression des bénéfices, ils s’abstiennent de ramasser du papier, surtout après 15 jours de progression linéaire mais dans des volumes de plus en plus anémiques (le graphique de l’activité sur le CAC40 depuis le 2 octobre est édifiant).
Cette séance de jeudi pourrait être animée par le « verbe magique » de Mario Draghi… mais il y a peu de chances que ce soit le cas, tout simplement parce que les marchés ne sont pas déprimés, parce que les taux sont très sages.
Pourquoi griller une précieuse cartouche en promettant plus de liquidités – que ferait-on de ces liquidités supplémentaires alors que la situation ne l’exige pas ? Si jamais les marchés connaissaient un petit moment de faiblesse cet automne, la BCE pourrait alors leur offrir ce petit « cadeau de Noël » monétaire pour leur permettre de finir l’année en beauté.
Autrement dit, le moment est peut être venu de finir de s’alléger sur le CAC40, le DAX, l’Euro-Stoxx50 parce que si la séance de jeudi s’achève sur un repli de -1% (oui un seul petit pourcent), les « ventes de lassitude » ne tarderont pas à plomber la tendance avec un potentiel de repli de 5 à 6%.
Et je doute fortement qu’un hypothétique franchissement des 4 750Pts libère un potentiel de +5 à 6% en direction des 5 000… ou alors pour de très mauvaises raisons.
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