Même dans un monde absurde de taux négatifs, il reste un peu de logique. Si les banques centrales ne rachètent plus tout, le marché prend peur.
Le marché obligataire est très ennuyeux ; ne s’y intéressent que des gens ennuyeux. D’abord, ce marché est difficilement accessible en direct aux investisseurs particuliers, surtout en Europe. Pour cela, il faudrait que nous ayons un « marché unique des capitaux » — ce qui est loin d’être le cas. Ensuite, après des décennies de baisse de taux, discuter d’un petit bout de papier pour savoir s’il va rapporter 2,32% au lieu de 2,14% par an sur 10 ans est éminemment mesquin. Il y a de beaucoup plus belles histoires à raconter avec des valeurs technologiques des biotech, l’intelligence artificielle ou encore ces horribles robots qui vont nous voler notre travail, et des histoires de mirifiques plus-values accompagnant des croissances exponentielles.
Enfin, le marché obligataire utilise un jargon rebutant et demande des calculs qui dépassent la simple règle de trois. Ce marché a cependant un gros attrait. C’est un précurseur sur lequel interviennent de vrais investisseurs chevronnés. Lorsque le marché obligataire craque les marchés actions finissent toujours par suivre (l’inverse n’étant pas forcément vrai). Or, à la fin du mois dernier, le marché obligataire a lourdement chuté. Avant de donner les chiffres, rappelons que sur le marché obligataire, lorsque le rendement monte, le titre baisse.
- Le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a augmenté de 2,14% à 2,32% ;
- Le rendement de l’obligation allemande à 10 ans a augmenté de 0,37% à plus de 0,46% ;
- Le rendement de l’obligation française à 10 ans est passé de 0,60% à 0,80%.
Les mouvements sont encore plus grands sur les obligations italiennes, portugaises et espagnoles.
Vous ne le savez peut-être pas, mais les obligations ont une « sensibilité ». Oui, oui, ces petites choses n’ont pas le cœur sec, voyez-vous. La sensibilité est la fluctuation du cours de l’obligation en fonction de la variation du taux d’intérêt (rendement). Elle dépend de la durée de vie du titre et des taux. Plus les taux sont bas, plus cette sensibilité est exacerbée, ce qui est le cas en ce moment. Tous les petits pourcentages que je vous ai donnés plus haut représentent en réalité de grosses pertes latentes pour les détenteurs de ces obligations, s’ils devaient les vendre.
Mais pourquoi les vendraient-ils ? D’habitude, les zinzins, les « investisseurs institutionnels » qui ont des obligations, les conservent jusqu’à maturité. Et puis, même s’ils devaient vendre, les banques centrales ne rachètent-elles pas tout ce dont personne ne veut plus ? Justement, non. Les discours « normalisateurs » de la Fed et de la Banque centrale européenne commencent à effaroucher. La Fed parle de « réduire » son bilan, c’est-à-dire de remettre en vente des obligations qu’elle a dans ses congélateurs. La Banque centrale européenne évoque le fait de ralentir ses rachats qui sont déjà passés de 80 Mds€ par mois à 60 Mds€ par mois. S’il n’y a plus personne pour racheter ce dont tout le monde ne veut plus, il est logique que la peur s’insinue.
Le vendredi 30 juin, cependant, le marché obligataire retrouvait un peu de sérénité… Les intervenants semblent penser que si l’inflation reste sage (l’inflation pour esprit pur – hors alimentation et énergie – est inférieure à 1,4% aux Etats-Unis) et si les resserrements monétaires s’avèrent douloureux, alors ils n’auront pas lieu et que le crédit infini et gratuit était garanti pour l’éternité. Nous verrons bien… Nous n’avons jamais cru à l’argent gratuit en quantité infinie pour la nuit des temps.
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