Tu veux ou tu veux pas ?

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Par Hervé Goulletquer Publié le 20 novembre 2019 à 13h55
Croissance 2019 Insee 2
@shutter - © Economie Matin
10%En Iran, en 2019, la croissance risque de reculer de 10%.

Les discussions sino-américaines ont visiblement du mal à trouver une fin heureuse. Pourtant, au vu de ce qu’on comprend, les voies et les moyens pour aboutir à un accord existent. Le marché peut se montrer un peu impatient ; mais tomber dans le pessimisme serait excessif.

Les marchés restent très hésitants à l’heure actuelle dans un environnement caractérisé par des réglages monétaires peu ou prou stabilisés, une absence de publications majeures en matière de chiffres économiques (ce n’est que vendredi que seront connues les premières estimations des indices PMI de novembre pour l’Allemagne, la France, la Zone Euro et les Etats-Unis) et des informations tendant à prouver que le dialogue sino-américain est actuellement un peu compliqué. C’est sur ce dernier point qu’il faut insister ce matin. Quatre dimensions sont à prendre en compte.

1. La Chine est mécontente de l’initiative du Sénat américain au sujet de Hong Kong. Il s’agit d’une proposition de loi exigeant un contrôle étroit du degré d’autonomie de la Région Administrative Spéciale par rapport à Pékin, qui justifie aujourd’hui un traitement particulier en matière d’échanges commerciaux et de convertibilité de l’HKD. En cas de vote définitif par les deux chambres du Congrès et de ratification par la Maison Blanche (on n’en est pas encore là !), la Chine fait savoir que des mesures de représailles seront prises.
2. Pékin doute du sérieux de la demande du Président Trump concernant le montant d’exportations de produits agricoles made in USA vers la Chine. Celui-ci évoque un niveau compris entre 40 et 50 milliards d’USD. L’objectif apparait très volontariste, au regard d’une chronique historique qui suggère un niveau crédible compris entre 20 et 25 milliards.
3. Les deux pays se « disputent » sur le traitement du renchérissement des droits de douane, imposé tout au long des derniers trimestres. On a l’impression que l’initiative devrait être prise par les Etats-Unis et qu’alors la Chine s’ajusterait. Il paraît acquis que les augmentations de « tarifs » annoncées, mais non mises en place, seraient gelées. Pékin demande en plus l’annulation de celles introduites par Washington après l’échec des négociations en mai dernier et une baisse graduelle de celles décidées auparavant. Ce premier point semble ne pas poser de problèmes particuliers. Le second davantage ; la Maison Blanche serait prête à faire un geste, mais aucun consensus entre le Président, son cabinet et ses conseillers n’a encore été atteint.
4. On murmure que les officiels chinois seraient tentés à nouveau de « jouer la montre » : voir où va la procédure de destitution à l’encontre du Président Trump et peut-être simplement attendre que les élections américaines de 2020 aient lieu.

Voilà où nous en sommes. Le point 4 est à « prendre avec des pincettes » ; le point 1 est sans doute gérable et tient aussi de la politique intérieure américaine ; restent les points 2 et 3. Comment ne pas estimer que le compromis est possible, si vraiment chaque camp veut aller à l’accord, dont ils ont par ailleurs besoin ?

Restons dans l’environnement politique pour noter deux choses. D’abord, au Royaume-Uni, le débat télévisé entre Boris Johnson et Jeremy Corbin s’est conclu par un quasi match nul. Le Premier ministre a été évidemment plus clair sur le dossier du Brexit ; ce qui n’est pas très difficile, tant le leader travailliste est ambigu. En revanche, sur les autres sujets, dont le système de santé, celui-ci est apparu plus convaincant. Bref, la rencontre n’est pas un point d’inflexion dans la campagne des élections législatives du mois prochain : plutôt avantage aux Conservateurs, mais rien n’est fait ! Ensuite, les manifestations populaires dans plusieurs grandes villes d’Iran ont été réprimées de façon très violente. Elles font suite à la décision des pouvoirs publics de subventionner significativement moins les carburants. Dans le contexte des sanctions américaines, la situation économique du pays s’est très fortement dégradée. Cette année, si on en croit le FMI, la croissance reculerait de près de 10% et l’inflation approcherait les 40. Les budgets de l’Etat, des entreprises et des ménages ne peuvent qu’être profondément malmenés. Le contexte paraît pire qu’à la fin des années 2000, quand le régime iranien avait considéré qu’il devait retourner à la table des négociations avec les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Mêmes causes, mêmes effets ? Il est trop tôt pour l’affirmer. Mais, si cela devait être le cas, le monde irait vers moins de tensions au Moyen-Orient et vers un prix du pétrole plus bas.

Il faudra être attentif ce soir à la publication des minutes de la réunion du comité américain de politique monétaire, qui s’est tenu le 30 octobre dernier. Il est probable que John Williams, le Vice-président du comité, en a donné les grandes lignes hier : en scénario central le statu quo, mais le principal scénario alternatif pointe en faveur de davantage d’assouplissement en cas de déception sur la croissance et sur l’inflation. A la lecture de ces minutes, le marché va essayer de déterminer les probabilités à accorder à chacune de ces vues.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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