Spécial Immobilier : La fin de la loi ALUR… et du marché immobilier

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Par Charles Sannat Publié le 2 septembre 2014 à 11h20

Pour toutes celles et ceux qui me suivent depuis un certain temps, ce ne sera pas une surprise pour eux que de me voir enchanté par l'enterrement de première classe que réserve Manuel Valls à la loi ALUR sur le logement portée par Cécile Duflot et qui n'aurait jamais dû voir le jour tant elle était absurde.

J'ai fait partie de ceux qui, dès le départ, ont mis en garde sur les dangers évidents de cette loi et sur ses conséquences qui ne pourraient aboutir qu'à un gel des constructions immobilières, une désertion massive des investisseurs et, au bout du compte, à une raréfaction des biens mis en location ainsi que, in fine, une augmentation des loyers alors même que Cécile Duflot voulait justement faire baisser les prix.

Le problème c'est qu'en économie, l'idéologie ne sert à rien. Or Cécile Duflot, comme une grande part des écologistes d'EELV, sont avant tout des idéologues ne connaissant rien ou presque aux mécanismes économiques de base.

Et ce qui devait arriver arriva !

Alors notre Cécile nationale voulait encadrer les loyers devenus trop cher. Et c'est vrai qu'ils le sont, trop cher. Mais il n'y a qu'une seule façon de les faire baisser : saturer l'offre de biens ! Pour saturer l'offre, il faut construire. Pour construire, il faut des investisseurs. Pour avoir des investisseurs, il faut laisser les gens en paix sinon ils prennent tout simplement la poudre d'escampette surtout s'ils pensent que l'on va chercher à les ruiner et à atteindre leur grisbi.

Comme Duflot a fait exactement ce qu'il ne fallait pas faire, évidemment les ventes de logements neufs se sont effondrées puisque la ministre expliquait doctement aux investisseurs que les loyers seraient encadrés, gelés, bloqués, qu'ils étaient de méchants « exploiteurs » de gentils « locataires ». Or qui dit ventes gelées et effondrées, dit constructions gelées et effondrées et donc beaucoup plus de chômeurs puisque si quand « le BTP va, tout va », l'inverse est vrai aussi à savoir que quand le « BTP va pas bien, le reste va pas bien » !

Il devenait donc urgent pour le gouvernement de réagir face à des chiffres qui avaient depuis des mois dépassé le stade du « inquiétant » pour se rapprocher du niveau du « désespéré ».

Autre élément dramatique de la loi Duflot, les fameuses formalités pour réussir à signer un simple compromis de vente qui réclame tellement de paperasses diverses et « a-variées » qu'il faut désormais largement plus d'un mois, voire généralement deux pour réunir tous les papiers aussi inutiles les uns que les autres. Je pense notamment à l'historique intégral des changements de règlements intérieurs de votre copropriété... Imaginez le cas d'un vieil immeuble parisien datant de deux siècles... il faut les règlements de copro depuis l'origine pour « protéger » le gentil acquéreur du vilain vendeur. Et là, l'acquéreur pourra apprendre qu'en 1867 il était interdit de donner à bouffer du foin à son âne dans la cours de l'immeuble. C'est sûr qu'à ce niveau de détail, on est protégé... Sauf qu'on est tellement protégé qu'évidemment plus rien n'arrive à se vendre puisqu'il faut des semaines entières pour retrouver aux archives nationales le mode d'emploi de l'alimentation des ânes dans les halls d'immeuble du Paris des années 1800.

Avec tous ces éléments négatifs et un marché immobilier au plus haut dans les grandes agglomérations, il n'en a pas fallu plus pour faire décrocher le marché.

Sans la loi Alur, l'immobilier peut-il repartir à toute allure ?

Du côté de Cécile Duflot, c'est le déni total. Sa loi était bonne, sa loi était belle, elle, elle avait tout compris et les autres n'ont rien pigé à son art. Sauf que la Loi Duflot a bien été l'élément déclencheur de ce qui sera sans doute considéré dans quelques années comme le point de basculement entre un marché haussier, qui a commencé en 1998, et un très grand marché baissier voué à durer a priori plusieurs années afin de purger les excès.

Alors effectivement lorsque Duflot indique que sa loi n'est pas la cause de tout, en réalité et malgré la bêtise économique profonde de son texte, elle n'a pas tout à fait tort et il est assez peu probable que les aménagements que Valls souhaite y apporter changent fondamentalement la donne.

Pourquoi ? Parce que les fondamentaux pour l'immobilier sont tout simplement désastreux.

Pas de croissance pour ne pas parler de récession

Il n'y a pas, dans notre pays, de croissance économique. Même pas de reprise et même notre mamamouchi en chef s'en est enfin rendu compte et vient de faire son « coming out » économico-libéralo-financier. Peut-on penser raisonnablement que dans un pays au mieux durablement sans croissance l'immobilier puisse poursuivre encore et encore pour l'éternité son mouvement haussier qui dure déjà depuis 16 ans ?

Des taux d'intérêt au plus bas de toute l'histoire

94 % des achats immobiliers se font à crédit. Normal surtout vu les montants désormais atteints. Le marché immobilier est donc hyper sensible au comportement des taux d'intérêt. Or les taux n'ont tout simplement jamais été aussi bas. Jamais. Emprunter à 2,5 % sur 25 ans c'est tout simplement cadeau, presque gratuit. Cette baisse des taux a bien sûr entretenu le mouvement de hausse de l'immobilier mais comme il est peu probable que les banques vous paient pour acheter un appartement, les taux ne pourront plus aller tellement plus bas que leurs niveaux actuels. Ils ne peuvent donc techniquement que remonter. Lorsqu'ils remonteront, l'immobilier se fracassera sur l'insolvabilité des ménages.

Petit rappel, à tous ceux qui ont un crédit immobilier en cours pensez à renégocier, à tous ceux qui sont en taux variables, convertissez au plus vite en taux fixe, même si cela est un tout petit peu plus cher pendant quelques mois... vous allez beaucoup vous en vouloir de ne pas l'avoir fait...

L'insolvabilité des ménages

Pour que les prix montent, il faut que les ménages soient solvables. Pour qu'ils le soient, il faut qu'il y ait de la croissance économique et de l'emploi. Pas du chômage de masse surtout lorsque l'on va s'endetter pour 25 ans. Aujourd'hui, pour l'écrasante majorité de nos concitoyens, la visibilité professionnelle c'est plutôt le grand brouillard, voire le plan social qui se profile dangereusement à l'horizon. Logiquement, les gens ne veulent tout simplement plus emprunter, surtout dans un marché aujourd'hui déjà orienté à la baisse.

Une démographie catastrophique pour l'immobilier et l'ensemble des actifs financiers

Avec l'arrivée du « papy-boom » et des générations d'après-guerre à la retraite, nous allons assister à un grand chamboulement patrimonial. En effet, essentiellement le patrimoine est détenu par les seniors, c'est-à-dire les plus de 60 ans. Ces gens détiennent aussi bien le marché immobilier que les actions, ou encore les obligations de l'État français à travers leurs contrats d'assurance vie.

Chemin faisant et âge avançant, certains nous quitteront trop vite, d'autres connaîtront les difficultés de la dépendance et les coûts prohibitifs des maisons de retraite. En clair, si jusqu'à un certain âge on construit son patrimoine et que l'on met de côté, au-delà d'une certaine limite les besoins s'inversent et les seniors doivent piocher dans leur bas de laine patiemment constitué pour compenser des retraites là aussi condamnées dans le meilleur des cas à déjà ne pas être revalorisées.

Or, la question c'est à qui ces millions de seniors pourront-ils revendre leurs millions de logement vu qu'après eux, il y a plutôt des millions de chômeurs insolvables plutôt que des millions de clients solvables ? La réponse est assez simple. Dans un pays où le salaire médian est de l'ordre de 1 500 euros par mois, où un banquier prête un tiers de vos revenus et où généralement on achète en couple, on peut poser le calcul suivant. Soit un couple avec un enfant (ou deux) gagnant 3 000 euros par mois, trouvant un banquier acceptant de lui prêter l'équivalent d'un remboursement mensuel de 900 euros par mois, alors ce couple pourra emprunter sur 25 ans la modique somme de (roulement de tambour...) : 175 000 euros... au mieux avec des taux au plus bas et sur une durée très longue et c'est le moins que l'on puisse dire. Cette moyenne est nationale et elle le sera encore plus dans les années à venir avec la crise économique et l'austérité qui n'ont pas encore produit tous leurs effets.

Cela vous laisse donc imaginer le potentiel de baisse.


L'arme atomique de Valls

C'est bien parce que le gouvernement est conscient de tout cela qu'il souhaite sortir l'arme atomique de l'immobilier, à savoir permettre dans le cadre des lois de défiscalisation de louer l'appartement acheté à un ascendant ou à un descendant, ce qui est évidemment la porte ouverte à tous les abus, raison pour laquelle cela n'a jamais été fait.

En effet, j'achète un appartement, je le défiscalise (comprenez je paie moins d'impôts ou pas du tout), je verse une pension à mon gosse (que je déduis aussi de mes impôts) puis avec l'argent que j'ai refilé à mon gamin, il me paie un loyer... Merci Manu ! Sauf que l'administration fiscale risque de ne pas l'entendre de cette oreille et que de nombreux problèmes vont là aussi se poser. Il va donc être urgent d'attendre avant de se ruer vers la fausse bonne affaire et voir le traitement réservé par le Fisc et les possibilités légales réellement ouvertes tout en se méfiant du changement de règles arrivant deux ou trois ans après...

Enfin, pour le coup de la « libération du foncier », dans les très grandes villes, tout est déjà construit depuis bien longtemps, la réserve foncière se trouvant donc en périphérie et en banlieue où les prix baissent actuellement le plus. Dans les plus petites villes, les marchés immobiliers locaux ont été saturés d'une offre pléthorique lors des précédentes lois de défiscalisations comme les « Robien » ou « Scellier ».

La seule solution pour sauver l'immobilier : que l'État fasse faillite !

Logiquement donc, mon point de vue est que le marché immobilier a commencé son grand mouvement baissier depuis cette année et que 2014 sera l'année de la bascule.

La seule chose qui puisse venir enrayer ce cycle baissier naturel et profond c'est tout simplement le retour d'une croissance à presque deux chiffres (illusoire). Sinon, même avec une reprise économique, le cycle baissier aurait tout de même lieu puisque aucun actif ne monte jusqu'au ciel.

Non, la seule chose qui pourrait véritablement changer et inverser ce cycle baissier, ce sont des risques prononcés de faillites bancaires ou de l'État car dans un tel contexte, les gens se rueraient dans les agences immobilières pour acheter n'importe quel truc sans même le visiter plutôt que de tout perdre à la banque et chez les vendeurs d'or en tentant désespérément de se procurer une ou deux piécettes à prix... d'or.

Mais cela ne serait qu'un feu de paille et le mouvement séculier baissier de l'immobilier reprendrait tout aussi vite.
En conclusion, n'investissez plus dans le locatif, ce que je dis déjà depuis deux ans, en revanche pour les résidences principales c'est un peu différent. Disons que la stratégie idéale serait, pour ceux qui en ont une, de revendre son appartement en ville pour acheter à la campagne tout en purgeant au passage tous vos crédits.

Au bout du compte, vous êtes propriétaires d'une maison où vous serez plus autonomes et sans dette à la place d'un appartement acheté à crédit. Le différentiel de prix entre la ville et la campagne auquel s'ajoutent des plus-values vous permet de financer votre désendettement total ou presque. Comme les prix à la campagne sont nettement plus bas et qu'ils ont déjà baissé, disons que vous perdrez peut être 50 % de 200 000 euros au lieu de perdre 50 % de 500 000... Dans un cas, votre crédit pourrait devenir supérieur à la valeur de votre bien alors que dans l'autre, vous n'avez plus de dette. Enfin, à la campagne, vous serez nettement mieux qu'en ville pour affronter ce qui s'annonce.

Si après il vous reste des sous, équipez bien votre maison, puis achetez un peu d'or tant que personne ne panique. Laissez reposer quelques années.

Revendez votre or très, très cher. Rachetez de l'immobilier à prix bradé. Attendez encore quelques années. Laissez-les tous acheter des appartements. Revendez les vôtres achetés à vil prix avec votre petit tas d'or qui valait très cher. Empochez votre plus-value. Achetez votre bateau, et laissez tout pour profiter de la vie, vous êtes riche. Délai estimé : environ 20 ans. Mais la véritable gestion patrimoniale, ce n'est pas une vision à 6 mois. Une stratégie patrimoniale, comme une stratégie industrielle, cela se déploie sur des décennies.

Mais évidemment, tout votre entourage vous expliquera pour tout plein de bonnes raisons (en général très mauvaises et stupides du niveau tout juste « poids des habitudes ») que ce n'est pas possible. Certains parmi vous se demanderont alors pourquoi acheter à la campagne et ne pas louer pour avoir encore plus d'or à placer ? Pour une raison de bon sens évidente. On ne spécule pas avec sa résidence principale. On se loge et on se donne de l'autonomie et de l'indépendance. Une résidence principale est donc indispensable dans un patrimoine. Tant pis si son prix baisse. Il finira par remonter et si vous vendez « pas cher », vous rachèterez « pas cher ». Et puis l'or devrait monter, évidemment, mais dans une saine gestion patrimoniale on ne met jamais tous ses œufs dans le même panier. De l'or sans aucun doute, une résidence principale sans aucun doute aussi (pour ceux qui le peuvent). Bref, on n'achète pas que de l'immobilier ou que de l'or (ou d'autre chose d'ailleurs).

Voilà pour la stratégie idéale... Après, pour la mise en place, c'est l'éternelle différence entre la théorie et la pratique !!

Préparez-vous et restez à l'écoute.

À demain... si vous le voulez bien !!

Au coffre Le Contrarien Charles Sannat

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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