Da ya think I’m sexy ?

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Par Stéphane Déo Publié le 20 janvier 2020 à 13h58
Budget 2020 Europe France 1
@shutter - © Economie Matin
39%L'Allemagne n?a atteint que 39% de sa prévision de réduction de consommation d'énergie primaire.

Les investisseurs étrangers reviennent en Europe, certes timidement ; c’est du moins ce que suggèrent les chiffres de balance des paiements. Le marché du pétrole serait-il en train de changer ? La faible réaction des cours aux événements géopolitiques récents le suggère, et il y a des raisons de penser que l’économie mondiale s’est (un peu) désintoxiquée de sa sensibilité aux hydrocarbures. L’Allemagne fait un pas de plus vers l’assouplissement fiscal, 40 milliards d’investissements pour sortir du charbon.

Point de marché : l’Europe redeviendrait-elle sexy ?

La BCE a publié les chiffres de balance des paiements pour la Zone Euro vendredi. Avec un point intéressant à souligner : après une longue période d’exode, les flux de portefeuilles redeviennent positifs, certes très légèrement.

Une partie importante de ce changement est liée aux produits de taux. Les étrangers ont profité du QE pour réduire leurs positions à un rythme soutenu, la période 2016-2018 ayant vu des sorties de grande ampleur. Bien sûr avec la réouverture du QE, il est possible que les flux sortants des étrangers recommencent. Il semble toutefois que la réaction soit inverse cette fois avec un appétit, en particulier des investisseurs japonais, pour les titres de la zone euro. Le QE ne serait plus alors un moyen pour les non-résidents de réduire leurs positions, mais un signal que la BCE écrase la volatilité, et donc un signal d’achat. A confirmer sur le début de l’année.

Il faut aussi noter que les achats d’actions par les étrangers se sont redressés après, là aussi, un exode conséquent. Nous utilisons comme indicateur avancé de ces flux internationaux l’encours des ETF américains investis en actions Européenne. Ils fournissent un véhicule très flexible pour les investisseurs américains et ont donc tendance à réagir rapidement. Le graphique ci-dessous illustre le propos : les américains sont partis en masse en 2018 et 2019, ils commencent à revenir. Cela suggère que la tendance pourrait se poursuivre.

En conclusion, il semblerait que l’Europe redevienne (un peu) sexy et attire les investisseurs étrangers.

Le revers de la médaille toutefois c’est que ces flux d’investissement ont aussi la fâcheuse tendance de pousser l’Euro à s’apprécier. Coïncidence : si les investisseurs étrangers se repositionnent sur les actifs Européens, l’Euro s’est aussi apprécié contre le dollar ; il est passé de 1,09 début septembre à 1,11 ce matin. Pour l’instant le mouvement reste modeste, la rançon du succès naissant n’est pas très lourde. Mais la tendance doit être suivie.

Peur sur le pétrole ? Ou pas !

Cette fois-ci c’est au tour de la Libye de faire peur au marché du pétrole : conséquence de la guerre civile, la production s’est effondrée de 1,2 million de barils/jour à seulement 72 000. Il faut rappeler que la Libye ne représentait en décembre que 3,8% des 29,550 millions de barils/jour produits par l’OPEP, qui elle-même représente à peu près la moitié de la production mondiale.

La réaction du marché reste limitée, le Brent est passé de 64,6 à 65,6 soit 1,5% de plus. L’impact sur l’inflation est négligeable, largement inférieur à 0,1%.

Mais ce qui est peut-être plus intéressant c’est la stabilité du marché vis-à-vis de ces risques géopolitiques. Le graphique ci-dessous montre que les cours du Brent ont peu bougé récemment malgré les tensions au Moyen-Orient. Plus impressionnant, les contrats futurs longs, à 5-ans sur le graphique, sont d’une impressionnante stabilité depuis 5 ans. Entre 2005 et 2010, une variation d’un dollar des cours du pétrole entrainait une variation de 0,80 dollar des contrats à 5-ans, entre 2010 et 2015 l’impact n’était plus que de 0,35 dollars, depuis 2015 il est tombé à un tout petit 0,20 dollar. Tout se passe donc comme si les perturbations étaient de court terme et comme s’il existait une force de rappel puissante vers 60 dollars le baril.

Myopie des marchés ou changement de structure du marché ?

Il y a au moins trois facteurs qui peuvent expliquer cette zénitude des marchés :

  • L’OPEP semble plus crédible et plus efficace pour contrôler ses volumes.
  • Les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial avec un pétrole dont l’offre est beaucoup plus facile à mettre sur le marché : une hausse des prix crée une augmentation de la production, ce qui rabaisse les prix. Le niveau de 60 dollars est d’ailleurs proche des coûts de production dans le bassin permien.
  • Les énergies renouvelables ont vu leur coût de production s’effondrer, elles constituent maintenant une alternative économiquement viable aux énergies fossiles. Toute hausse du prix du pétrole au-dessus d’un certain niveau est une incitation de plus à la transition énergétique, et donc à la baisse de la demande de pétrole.

Est-ce à dire que l’économie s’immunise petit à petit de sa dépendance au pétrole ? C’est plus que possible. Bien sûr cela ne veut pas dire que l’économie mondiale soit à l’abri d’une crise géopolitique majeure, tout est question de degré. Mais cela veut dire que le marché a peut-être raison de s’inquiéter moins du pétrole qu’il ne l’a fait par le passé.

Un p’tit coup de relance de plus en Allemagne

Nous avions parlé il y a quelques jours des 86 milliards d’Euros des dépenses d’infrastructures sur 10 ans pour le réseau ferré allemand que le gouvernement avait annoncé.

Le gouvernement a rajouté une couche en fin de semaine dernière : 40 milliards de dépenses dans les régions productrices de charbon. Le but est d’arrêter d’utiliser du charbon pour produire de l’électricité d’ici 2038.

Dans les deux cas il s’agit donc essentiellement d’une relance par des investissements domestiques ce qui d’un point de vue d’efficacité économique est bien meilleur qu’une relance par la consommation : investir dans de nouvelles infrastructures domestiques construites par une force de travail domestique est bien plus efficace qu’une relance par la consommation qui permet d’acheter des produits étrangers.

Dans les deux cas il y a aussi une contrainte environnementale indéniable. L’Allemagne n’est pas en position d’atteindre ses objectifs, elle a émis en 2018 15 % de plus de CO2, soit 866 millions de tonnes, que son objectif en 2020 qui est de 750 millions de tonnes. Actuellement, elle n’a atteint que 39 % de sa prévision de réduction de consommation d’énergie primaire. Elle doit donc consentir des efforts importants.

C’est une relance budgétaire, mais une relance très ciblée sur les investissements verts.

C’est peut-être aussi le meilleur moyen de « vendre » le virage budgétaire à des électeurs qui ne goûtent pas vraiment le laxisme budgétaire.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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