Gestion des Talents : et si on s’inspirait du modèle anglo-saxon ?

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Par Vincent Belliveau Modifié le 16 septembre 2013 à 13h43

Visionnaire ou grand travailleur, la définition d'un collaborateur talentueux connaît de nombreuses variations. Plus généralement, le talent désigne une compétence remarquable, une aptitude singulière ou encore un don. La gestion des talents (ou Talent Management), un concept utilisé en ressources humaines, basé sur le potentiel de chaque collaborateur, a tout intérêt à démocratiser cette notion au sein des entreprises là où elle est initialement élitiste et centrée sur les hauts potentiels, notamment en France.

En mettant l'accent sur le potentiel des collaborateurs, quel que soit leur âge, la gestion des talents est une des réponses au chômage des jeunes et des seniors. Les jeunes Français connaissent un taux de chômage de 26,5%, supérieur de six points à leurs homologues anglais. Le taux d'emploi des 55-64 ans en France est le plus bas d'Europe, à 39,7%. Outre-Manche, il est de 57,1% ! De telles disparités pourraient bien être d'origine culturelle.

Une exploration des cultures managériales permet de souligner quelques bonnes idées anglo-saxonnes en termes de gestion des talents. Elles pourraient pallier à l'inadéquation de certains collaborateurs aux exigences de l'entreprise.

A chaque culture sa gestion des talents

Tout n'est pas parfait Outre-Manche non plus mais il est clair que la culture anglo-saxonne favorise une vision de la gestion des talents qui s'adresse à tous. Malgré des disparités d'une entreprise à l'autre, il est souvent considéré que chacun a un talent à développer. L'accent est mis, de façon pragmatique, sur les qualités managériales acquises dans l'entreprise plutôt que celles apprises à l'université : même diplômés du Mansfield College d'Oxford University, les jeunes Anglais connaissent un chômage de plus de 10%, faute d'expérience professionnelle.

A l'inverse, en France, la culture d'entreprise est plus rigide et élitiste. Les DRH français valorisent en priorité l'éducation et l'ancienneté. Seuls 23% jugent la formation des salariés « très efficace », contre 40% au Royaume-Uni! La définition française du talent désigne souvent l'excellence scolaire, au mépris des qualités manuelles et humaines. Caractéristique de ce phénomène : les grilles de salaire à l'embauche, selon l'école fréquentée. Ce phénomène, répandu en France dans les grandes entreprises, n'est jamais aussi formalisé à l'étranger.

Intégrer les seniors dans la gestion des talents

De plus, les entreprises françaises valorisent mal le potentiel des salariés seniors. Leur politique de gestion des carrières, d'attraction et de rétention des talents est focalisée sur les 25 à 45 ans. Les collaborateurs français sont souvent mis de côté dès l'âge de 45 ans... alors qu'ils en sont à la moitié de leur carrière ! On les considère trop peu réceptifs aux nouvelles technologies, mauvais en langues étrangères et trop âgés pour que leur productivité s'accroisse. Même à ce niveau d'expérience, le diplôme initial conserve une valeur importante, freinant la mobilité interne.

A l'inverse, dans les pays anglo-saxons, les seniors sont mieux intégrés dans la gestion des talents. Le « blended learning » (ou formation mixte), qui confronte les nouvelles informations avec leurs acquis, leur convient parfaitement. Or, selon une étude CEGOS, les entreprises françaises ont 20 points de retard par rapport à leurs homologues d'Outre-Manche sur ce type de formation, expliquant en partie le déficit d'employabilité des seniors en France. En parallèle, les entreprises françaises restent assez frileuses face aux nouvelles technologies. Seules 17% d'entre elles ont formé plus de la moitié de leurs collaborateurs en e-learning, contre 40% au Royaume-Uni.

Les entreprises anglo-saxonnes sont convaincues par un suivi informatisé des collaborateurs : reporting et solutions de gestion des talents en sont un exemple. Selon un rapport Ernst & Young publié en 2009, 64% des entreprises interrogées, la plupart situées aux Etats-Unis, souhaitent implanter des programmes de gestion des talents en interne.

Détecter et former ses leaders

Selon une étude ANDRH-Fefaur/Cornerstone de mars 2013, 80% des managers disent que le leadership est la compétence la plus attendue d'un talent. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, un véritable leader dispose de compétences métier, mais aussi comportementales. Très souvent, il a déjà fait ses preuves sur le terrain. La France gagnerait à l'abandon d'une partie de sa culture conservatrice, notamment des leaders plus à même de s'adapter aux changements de conjoncture, et une répartition des talents efficace pour une productivité accrue.

En effet, la gestion des talents n'est pas une détection périodique des talents, mais une démarche de long terme. Il ne s'agit pas seulement de détecter les individus talentueux, mais de repérer quels collaborateurs auraient un potentiel de leader encore non-développé. La gestion de TOUS les talents permet l'alignement de la stratégie en ressources humaines sur celle de l'entreprise.

De plus, intégrer l'ensemble des collaborateurs et des partenaires sociaux autour d'une éthique commune est un avantage en période d'incertitude économique. Une bonne gestion des talents permet de réconcilier l'individu et le collectif afin de renforcer la culture d'entreprise.

A terme, une gestion des talents pertinente pourrait contribuer à la résolution de certaines questions de société, dont l'effritement de la société salariale et le chômage des populations fragilisées.

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Vincent Belliveau est Vice-président exécutif et directeur général Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA) de Cornerstone OnDemand. Il supervise l'ensemble des opérations européennes de Cornerstone : ventes et marketing, mise en oeuvre, services et support. Avant de rejoindre Cornerstone OnDemand, Vincent Belliveau était Directeur pour l'Europe du Nord-Est des divisions Master Data Management (MDM) et Information Integration Solutions d'IBM. Il a affûté ses compétences en analyse commerciale et conseil en gestion au sein de McKinsey & Company. Il est titulaire d'un Commerce Baccalaureate (B.Com) de la McGill University, où il s'est spécialisé en comptabilité et finance.

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