Deux ans après le diagnostic de leur cancer, 20 % des malades ont perdu leur emploi, nous révèle la toute dernière enquête de l'Institut National du Cancer (1). Une précarité professionnelle qui touche davantage les moins diplômés, les jeunes et les seniors et qui s'ajoute à la fragilisation physique et psychologique des malades. Une « double peine » qui peut bien souvent être évitée par la mobilisation concertée des acteurs du maintien dans l'emploi et la mise en œuvre d'actions adaptées aux différentes situations rencontrées.
Trop souvent, la maladie est un facteur de rupture qui aggrave des inégalités sociales déjà préexistantes. La perte de son emploi a des conséquences non seulement financières (26 % des patients déclarent vivre plus difficilement), mais aussi psychologiques (29 % souffrent d'anxiété et 6 % de dépression). Une désocialisation qui n'est pas de nature à favoriser le bien-être et par la même la guérison de malades qui ont plus que jamais besoin de s'inscrire dans des projets d'avenir.
Un retour à l'emploi parfois difficile
Plus de 2 millions de personnes vivent en France avec un antécédent de cancer et quinze millions sont atteints d'une maladie chronique. Un événement qui marque leur vie professionnelle. Trois mois après l'annonce de la maladie, seuls 24 % d'entre eux travaillent encore. Deux ans après le diagnostic, ils sont 20 % à avoir quitté ou perdu leur emploi, et parmi les 80 % d'actifs, 14 % sont en congé maladie permanent. Avec des situations très diverses selon la gravité de leur état et leur niveau de qualification. Ainsi pour un cancer de « bon pronostic », le taux de maintien dans l'emploi, deux ans après, est de 89 % pour les métiers d'encadrement et de 74 % pour les métiers d'exécution, contre respectivement 48 % et 28 % pour les cancers de mauvais pronostic. Résultat, 42 % des patients estiment avoir été pénalisés de façon significative par leur maladie dans leur activité professionnelle. Cibler les actions en direction des patients les plus vulnérables, les repérer le plus en amont possible et les orienter vers les professionnels qui faciliteront leur maintien dans l'emploi apparaît plus que jamais primordial.
Un diagnostic personnalisé
La mise en place pendant et après la maladie d'un accompagnement des malades tant sur le plan physique et psychologique, que social, facilite le processus de réinsertion. Mais les entreprises sont souvent peu préparées pour répondre efficacement à ce genre de situation. Les enjeux sont pourtant d'importance. Pour le salarié, il s'agit de continuer à avoir une place active dans le champ social et pour l'employeur, de ne pas perdre les compétences des collaborateurs expérimentés. Cela suppose une connaissance accrue de la pathologie par les professionnels de l'insertion et les acteurs du travail, permettant d'anticiper le retour ou le maintien dans l'emploi dans des conditions adaptées à la situation du malade. Un diagnostic personnalisé sur la façon dont la maladie chronique est perçue et vécue dans l'entreprise, mené par des spécialistes de la question, peut les y aider. Il offre une meilleure connaissance de la problématique, indispensable pour envisager des stratégies comportementales et managériales permettant de mieux gérer les attentes et besoins du salarié malade ainsi que les implications au niveau de l'équipe de travail.
Une action concertée
Une démarche qui pour être durable et globale, doit être pluridisciplinaire en associant à la fois l'employeur, le salarié et le service de santé au travail, et selon les cas, les représentants du personnel, le CHSCT, la CRAM, la MSA, les organismes spécialisés dans le handicap et les associations d'aide aux malades. Pour davantage d'efficacité, la désignation d'un coordonnateur veillant à mettre de la cohérence dans les actions menées et à construire les bases d'un langage commun, est vivement conseillée. Toutes les expériences menées en entreprise démontrent que c'est là le meilleur moyen de réduire la perte de productivité ou l'absentéisme, inévitablement liés à la maladie, et d'augmenter le bien-être et la motivation au travail.
On le voit, il est possible, souvent par la mise en œuvre de mesures peu contraignantes, de lever les entraves à l'employabilité des salariés atteint d'une maladie chronique. Au monde de l'entreprise de montrer à présent sa détermination à s'engager dans cette voie.
(1) Enquête menée en lien avec l'Inserm, l'assurance-maladie et la Mutualité sociale agricole, auprès de 4500 personnes.