L’essor économique de la criminalité organisée au niveau mondial

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Par Sylvain Fontan Publié le 14 octobre 2014 à 2h44

L'essor économique de la criminalité organisée mondiale trouve ses origines dans la globalisation, l'effondrement de l'URSS et les effets des attentats du 11 septembre 2001. Parallèlement, les structures de ces organisations criminelles se sont progressivement calquées sur celles de l'économie légale. Enfin, il convient de souligner que la frontière entre activités légales et illégales est de plus en plus tenue du fait de l'interpénétration des deux sphères.

Origines de l'essor économique

La globalisation économique et financière a favorisé l'activité des organisations criminelles. En effet, l'interconnexion des circuits financiers et leur dérégulation ont accéléré la circulation des capitaux illicites. De plus, l'apparition de nouveaux produits financiers opaques a facilité les opérations de blanchiment. Enfin, la dilution des frontières et l'accroissement des facilités de circulation entre les pays a démultiplié le potentiel de domaines qui s'opèrent par nature au niveau mondial tels que le trafic de drogue, d'armes ou d'êtres humains.

L'effondrement de l'URSS a joué un rôle majeur dans le développement des activités criminelles. En plus des implications géopolitiques et géoéconomiques de la chute de l'URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) au tournant des années 1990, les conséquences en matière de criminalité organisée ont été particulièrement fortes. En effet, la fin de la guerre froide et la perte des aides financières qui en ont résulté ont amené les forces gouvernementales d'un certain nombre de pays à rechercher d'autres moyens de financements basés sur le trafic de matières premières. Dès lors, ce phénomène a conduit à l'émergence de "zones grises" où l'Etat de droit pouvait être absent, facilitant ainsi les alliances entre mafias et groupes terroristes. De plus, la désorganisation connue en Russie pendant les années 1990 a entraîné la mise en place d'un Etat alimentant les comportements mafieux. Ainsi, l'éclatement de l'empire soviétique a développé le trafic d'armes grâce à la mise à disposition d'un important arsenal d'armes conventionnelles, mais aussi nucléaire. Par conséquent, la demande mondiale d'armement a trouvé une offre abondante, bon marché et non réglementée.

Les attentats du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis ont eu des effets bénéfiques pour ces activités. En effet, ces attentats ont provoqué une réorientation des moyens des services de sécurité occidentaux vers le terrorisme, donnant ainsi de fait une plus grande liberté d'action aux mafias.

Les enjeux financiers mondiaux autour de ces activités sont très importants. Uniquement pour le crime organisé, les montants évoqués par les organisations internationales s'élèvent à environ 4% du PIB mondial, soit plus de 2'000 milliards de dollars annuels. Parallèlement, le blanchiment d'argent (dont le but est de rendre légal un argent qui a été gagné par des moyens illégaux) représente quant à lui 1'600 milliards supplémentaires.

L'évolution des structures des mafias correspond à celle des firmes multinationales

A l'image des multinationales, les organisations criminelles les plus efficaces recherchent à s'adapter en permanence aux modifications de leur environnement. Le but étant d'en saisir toutes les opportunités et d'en éloigner les menaces. Dans ce cadre, les organisations qui ont été les mieux à même de s'adapter aux évolutions de l'environnement se sont avérées être celles capables de diversifier leurs activités et de se recomposer de manière plus flexible. A ce titre, les structures qui étaient historiquement très hiérarchisées et centralisées ont tendance à prendre le chemin inverse. Typiquement, les mafias russes ou asiatiques fonctionnant sur ce modèle sont d'après les experts beaucoup plus efficaces dans la globalisation que les mafias italiennes par exemple.

Le besoin de flexibilité correspond également à une dimension géographique. En effet, en fonction des modifications de l'environnement politique et répressif, l'organisation criminelle s'adapte aux menaces en délocalisant ses activités. Ainsi, il apparaît que les pays les plus répressifs entraînent ces activités à se délocaliser ou se développer de préférence dans les pays les plus laxistes.

La globalisation a également induit l'émergence de réseaux d'alliances. Le but est de mieux quadriller des territoires différents et aussi de bénéficier des savoir-faire de chacun. A ce titre, l'analogie avec les stratégies de joint-venture est frappante.
La fonction sociale des organisations criminelles a également évolué. En effet, au-delà du périmètre propre à l'organisation criminelle, les mafias jouent un rôle économique et social qui peut être très important selon les régions et les groupes sociaux. Elles peuvent parfois pallier les manques des structures étatiques traditionnelles. Elles peuvent même servir de support à des groupes aux ambitions plus politiques comme en Colombie avec la guérilla des FARC où dans un arc géographique allant grosso modo de l'Afghanistan au Sahara avec par exemple AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique).

Interpénétration des activités légales et illégales

La raison principale de cette interpénétration est la nécessité d'investir dans l'économie légale pour blanchir l'argent. Les trois étapes du blanchiment d'argent sont les suivantes :

1) Dans la phase initiale, l'organisation criminelle introduit ses bénéfices illégaux sur les circuits financiers. De façon pratique, cela consiste à mélanger l'argent sale aux revenus d'activités légales en fractionnant les sommes à blanchir au moyen de prête-noms. Le plus souvent les secteurs privilégiés pour cela sont l'immobilier ou l'art car ces sont des secteurs hautement spéculatifs et donc dans lesquels il est difficile de fixer un prix; ou alors dans des bars, des restaurant ou encore des boîtes de nuits dont la nature même de l'activité permet de déclarer des bénéfices factices.

2) Dans un second temps, et une fois ces sommes introduites dans le système financier, il convient de brouiller l'origine des fonds. Pour ce faire, il faut réaliser une série de déplacement des fonds (souvent dans des centres financiers off-shore, communément appelés "paradis fiscaux") afin de les éloigner de leur source.

3) Enfin, la troisième et dernière phase consiste à réintégrer ces fonds dans des activités économiques légitimes pour leur donner l'apparence d'une origine légale.

Lire plus d'analyses économiques écrites par Sylvain Fontan sur son site : www.leconomiste.eu

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Sylvain Fontan, économiste et créateur du site www.leconomiste.eu   Parcours Professionnel   - Analyste-Investissement (Unigestion - Société de gestion d’actifs) - Analyste-Risque (RWE - Société de trading en énergie) - Analyste-Hedge Fund (BPER - Banque Privée Edmond de Rothschild) - Macroéconomiste (TAC - Laboratoire de recherche privé en économie et finance) - Chargé d’études économiques (OMC - Organisation Mondiale du Commerce) - Chargé d’études économiques (ONU - Organisation des Nations Unies)  

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