Macronomie et faux clichés

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Par Simone Wapler Publié le 17 mars 2017 à 5h00
Emmanuel Macron Fortune Patrimoine Millions Euros
@shutter - © Economie Matin
260Le programme d'Emmanuel Macron tient en 260 pages.

Lâchons un peu la dette française, le bourreau des taux, l’euro et l’idée d’un retour à une monnaie souveraine.

Aujourd’hui, je m’intéresse au candidat Macron. Notre gentil énarque passé par la Parasitocratie financière avant de s’engager dans la Parasitocratie politique se veut hors système. Il a des côtés bien sympathiques : il est issu de la méritocratie, sa grand-mère lui a dit qu’on ne distribuait que ce qu’on avait, il veut que les jeunes puissent devenir milliardaires, il veut des cars pour les sans-dents afin de concurrencer la SNCF, il veut mettre fin aux rentes… Imaginez-vous, un parasitocrate voulant mettre fin aux rentes ? Notre Macron est un saint laïc. D’ailleurs, il le professe dans le Journal du Dimanche « il y a beaucoup de gens qui ont ça en tête… la politique, c’est mystique ».

Mystique ou mystificateur ?

Le programme d’Emmanuel Macron n’existe pas vraiment. Il faut lire Révolution et ses 260 pages pour vous en convaincre. Il y a quand-même deux mesures un peu moins vagues qui surnagent dans un océan de mièvrerie : le transfert des cotisations sociales vers la CSG et la suppression de l’ISF pour le patrimoine financier. Je ne vais pas m’attarder aujourd’hui sur cette première mesure sur laquelle il y a pourtant beaucoup à dire, je vais me concentrer sur la seconde.

L’ISF est un impôt absurde que personne ne veut supprimer car il est populaire. Pour un politicien professionnel, il est plus avantageux de ne pas braquer l’électorat que de revenir sur une bêtise. Tous les pays qui ont adopté un tel impôt l’ont supprimé par la suite en raison de ses conséquences nuisibles, mais la comparaison n’est pas la tasse de thé de l’élite gouvernante française qui prolifère sur les « exceptions ». Un patrimoine est traditionnellement composé de foncier, d’immobilier et d’actifs financier (obligations et actions). Les Français aiment « la pierre ». Cet amour ne leur est cependant pas venu par hasard ou parce que ce sont d’indécrottables frileux averses aux risques.

Les Français se sont réfugiés dans la pierre parce que le franc était traditionnellement rongé par l’inflation. Depuis la Première Guerre mondiale, l’histoire du franc est jalonnée de dévaluations. Vous pourrez constater que presque tous les pays à tradition de monnaie faible (Espagne, Italie, France) ont une industrie faible et une bulle immobilière. C’est normal : l’épargne va là où les gens estiment que leur argent est le mieux protégé. Ils se détournent alors de l’entreprise dont le rendement est rongé par l’inflation.

Inversement, les pays à monnaie forte ont une industrie performante et un marché immobilier abordable (Allemagne, au hasard, je n’y peux rien). L’attachement pour l’immobilier n’est que la conséquence de la mauvaise gestion du pays. Loin de lutter contre cet attachement, l’Etat le flatte car la taxation est facile et la hausse des prix factice permet de remplir facilement les caisses du Trésor. Cette soif d’immobilier enrichit aussi les banques qui prêtent de l’argent qui ne leur a rien coûté.

Emmanuel Macron, lui, sait et décrète que la pierre c’est mal mais les actions c’est bien. Voudrait-il revenir à une monnaie honnête ? Non, évidemment. Il entend punir la rente immobilière pour encourager les Français à aller vers le bien : les actifs financiers et les actions « la part qui finance l’économie réelle ». Cette dernière phrase est un cliché et une idée fausse.

Lorsque vous achetez une action cotée, l’entreprise ne voit pas la couleur de votre argent. Vous achetez un titre à un actionnaire vendeur et vous spéculez simplement sur la hausse future des bénéfices de cette société cotée. Il ne s’agit aucunement de financement de l’économie réelle mais bien de pure spéculation. En revanche, lorsque vous souscrivez à une introduction en bourse ou à une augmentation de capital, l’entreprise voit vraiment la couleur de votre argent. Mais investir aujourd’hui sur des marchés financiers au plus haut et dopés par les 80 Mds€ mensuels qu’injecte la Banque centrale européenne est très risqué.

Heureusement, le développement du financement participatif et plus précisément du crowd equity, permet de revenir à un capitalisme honnête. Vous pouvez devenir actionnaire de la première heure à un moment crucial de son développement. L’entreprise voit vraiment la couleur de votre argent et vous, vous savez à quoi il est employé. Un jour, cette entreprise sera rachetée ou bien elle choisira peut-être de s’introduire en bourse. A ce moment, vous, actionnaire de la première heure, vous aurez probablement décuplé votre mise… « Il faut des jeunes qui aient envie de devenir milliardaires » avait dit Emmanuel Macron au Consumer Electronic Show de Las Vegas, un rassemblement de startups. Certes. Mais ce n’est pas tout : il faut aussi un système financier et une monnaie honnêtes, arrêter de taper sur les épargnants, arrêter de vouloir se mêler de tout. Chiche ?

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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