Emmanuel Macron vient de prononcer un discours très dense (qui tranche avec la vacuité des exercices médiatiques menés depuis son élection) en clôture de la mystérieuse Conférence des territoires. Pour ceux qui n’auraient pas tout compris, en voici le décodage.
Dans la pratique, le discours de Macron est un exercice sur commande qui n’est pas compréhensible sans référence au rapport d’octobre 2016 de la Cour des Comptes sur les finances locales. On trouve dans ce rapport l’essentiel des thématiques abordées par le Président: le besoin de diminuer les dépenses locales, de réformer le pilotage des collectivités, mais aussi la nécessaire réforme de la fiscalité.
Les territoires, ces grands dépensiers
Le sujet de fond d’Emmanuel Macron est simple à comprendre: les dépenses des collectivités locales, qui sont en augmentation constante depuis 2013, comptent dans le déficit public au sens de Maastricht. Si la France veut respecter ses engagements budgétaires, le gouvernement doit donc aussi demander aux collectivités un effort qui ne peut se limiter à la baisse des dotations que l’État leur accorde.
En effet, si toute baisse de dotation de l’État est compensée par une augmentation des impôts locaux, l’effet est nul sur le déficit public global. Donc… le gouvernement doit à la fois baisser les dotations et bloquer la fiscalité locale en attendant de la réformer.
La hausse constante et alarmante de l’endettement des collectivités ces dernières années montre bien toute l’étendue des dégâts.
La solution girondine et en même temps jacobine
Voilà pourquoi Emmanuel Macron a proposé une « méthode » emballée sous l’aspect d’une libération girondine.
D’un côté, il propose un droit nouveau à l’expérimentation ou à la liberté locale. Les élus sont donc ressortis avec le sentiment qu’ils retrouvaient des marges de décentralisation rognées par la baisse des dotations.
D’un autre côté, le président annonce la mise en place d’une comitologie qui va permettre à l’État de mieux contrôler l’évolution des dépenses. Le système de conférences trimestrielles que le gouvernement veut mettre en place n’a pas d’autre objectif que celui-là.
Solution girondine en apparence donc, mais jacobine sur le fond, puisqu’elle va permettre de piloter au plus près la baisse annoncée ce matin par Édouard Philippe de 13 milliards de dotations.
Cet été, le gouvernement rase gratis
Le chemin qui s’ouvre devant Emmanuel Macron est donc très escarpé. Pour éviter la confrontation directe avec les élus, qui vont devoir dès cette année encaisser la première vague de baisse de la taxe d’habitation et des dotations, le Président a lâché du lest.
Il a par exemple annoncé qu’aucune fermeture de classe n’interviendrait plus dans les écoles primaires de nos campagnes. C’est beau comme du Barrès. On se demande, bien entendu, ce que signifie cette promesse, puisqu’entre fermer une classe et fermer une école, une nuance existe. Mais supposons… on comprend bien qu’il faille faire passer la pilule.
Les élus locaux sont-ils prêts à coopérer?
Reste à connaître la capacité des élus à entrer dans une stratégie, comme l’a très bien dit Emmanuel Macron, qui ne soit pas celle de passagers clandestins. Le Président veut introduire un pilotage coopératif, qui repose sur l’engagement des élus à respecter des trajectoires de dépenses à la baisse.
Notre vivier d’élus locaux est-il capable de métamorphoser ses pratiques, ses comportements, au point de ne plus « tirer » sur la corde de la pleurniche habituelle?
Rendez-vous dans six mois pour en avoir un premier aperçu. Mais, au-delà des questions de bonne ou de mauvaise volonté, il est très probable que nos élus ne soient pas équipés pour comprendre ces logiques. Pas plus que les fonctionnaires de Bercy d’ailleurs.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog