Une campagne qui fait beaucoup de bruit pour rien
Beaucoup de bruit pour rien. C’est ainsi que je qualifierais ce début de course à l’élection présidentielle. Depuis des mois déjà, les spéculations pullulent. Qui pour battre Emmanuel Macron ? Qui, surtout, pour départager la dizaine de candidats qui se dessinent à droite ou à gauche? Si pendant les dernières années nous voyions déjà se profiler une élection 2017 bis avec un match joué d’avance entre le président sortant et la représentante du Rassemblement national, nous assistons, avec une certaine stupeur et un agacement certain, à une sorte de “hold-up” intelligemment prémédité par Eric Zemmour. Une accaparation de la scène médiatique et une progression fulgurante mais sans surprises, pour un érudit et pseudo-journaliste qui, finalement, n’est toujours pas candidat.
Aujourd’hui, tout le monde s’active dans tous les sens dans une cacophonie déjà retentissante qui fait écho à l'enthousiasme de la vie de tous les jours enfin retrouvée après de longs mois bien trop sages.
Cette campagne à peine débutée semble déjà terminée. Elle a un goût de déjà-vu.
Au-delà de la surprise Zemmour venue un tant soi peu “égailler” cette rentrée médiatico-politique, mais qui déjà sonne faux et surtout empoisonne le débat, on retrouve les mêmes acteurs politiques qui peinent à se démarquer. De quoi laisser la voie libre au président sortant qui devrait l’emporter sans difficultés et cela pour différentes raisons évidentes :
Le “phénomène” Macron n’a personne en face de lui
Emmanuel Macron n’a pas d’adversaire de taille face à lui. Il en a tout d’abord beaucoup trop : la France reste un des rares pays où tout le monde peut se présenter à la course suprême et cela interroge sur l'efficacité même du système électoral. La multiplicité des candidatures, des programmes et même des idées, paralysent le débat et empêchent naturellement une tête d’affiche de se frayer une place. Cette offre politique si généreuse provoque des pertes de voix pour certains, un intérêt éphémère pour d’autres. Aucun candidat ne sort véritablement du lot; soit étant jugés comme déjà vus, soit inconnus au bataillon. A ce stade, on ne connaît pas une seule candidature vraiment solide face au phénomène Macron. Un phénomène indiscutable car, qu’on l’aime ou non, personne ne pourra lui enlever son génie politique et toute l'originalité extraordinaire de son arrivée au pouvoir. Ce qu’a accompli Emmanuel Macron en 2017 reste dans l’histoire de notre pays une prouesse politique et un phénomène de taille. Dans l’inconscient de beaucoup d’entre-nous, il reste ainsi intouchable, voir indétrônable.
Eric Zemmour a déjà presque tout gagné
Avec une percée phénoménale, Eric Zemmour est la surprise de cette rentrée politique alors qu’il n’est pas encore officiellement candidat. Dans ce sens, à la manière d’un Trump en 2016, Zemmour a déjà tout gagné. Il impose ses thèmes de campagne, se fait inviter absolument partout, se dévoile toujours de la même manière avec un discours inchangé depuis des années. Sa constance ravie son électorat déjà bien en place. Sa percée était prévisible vu la vacuité en termes d’idées et la présence de personnalités déjà trop connues du grand public. Sa force réside dans le simple fait qu’il est nouveau en politique (toute nouveauté attire et attise la curiosité) mais déjà très connu médiatiquement. Il connaît également parfaitement une recette vieille comme le monde : dire aux gens ce qu’ils veulent entendre. Parlant sans langue de bois au peuple, à la manière directe de tout dirigeant populiste qui se respecte, Zemmour coche toutes les cases mais ne restera sans doute qu'un phénomène éphémère isolé et amusant la galerie le court temps d’une campagne.
Une pratique anormale du pouvoir
C’est un fait indiscutable : le président Macron n’a pas pu exercer le pouvoir classiquement - il a dû, à la place, gérer des crises successives tout au long de son mandat. Avec un exercice étatique absolument exceptionnel par sa nature inhabituelle, Emmanuel Macron a survécu à l'Elysée plus qu’il n’a pu y vivre concrètement. Il a dû gérer (avec de bons comme de mauvais arbitrages) en 5 petites années, des crises internes et mondiales impossibles à prévoir. Entre les grèves de décembre 2019 et les manifestations des gilets jaunes, l’exercice du pouvoir était déjà bien abimé avant que ne débarque une pandémie mondiale et quasiment deux années folles à manager au jour le jour entre confinement, reconfinement, vaccination et pass sanitaire. Des instants de nos vies anormaux, inédits et paralysant l’essentiel de l’action politique envisagée. Ce ne serait donc qu’assez normal que d’envisager, pour le président sortant, un exercice plus calme du pouvoir et qui ne serait pas parsemé de crises extraordinaires.
Pour toutes ces raisons, Emmanuel Macron, restant à ce jour seul face à une multitude de candidats, a un boulevard devant lui pour remporter la course à sa propre réélection en 2022.