Notre société vit avec des représentations trop figées. Un lycée agricole aiderait exclusivement à la préparation d’un baccalauréat professionnel. Un lycée agricole relèverait exclusivement du Ministère de l’Agriculture. De deux choses l’une, un lycée agricole a des compétences qui excèdent largement la seule formation scolaire… ou non !
Et ses bénéfices en termes d’animation territoriale auraient de quoi soulever l’intérêt d'autres ministères, celui du Ministère de la Cohésion des Territoires par exemple (et celui de l’écologie ? ou des affaires étrangères ?). A quand donc la création de liens entre les lycées agricoles et cette entité ministérielle ? D’autant qu’elle propose déjà des programmes de dynamisation territoriale dans lequel les lycées agricoles pourraient rapidement apporter leur pierre à l’édifice afin de relever les nombreux défis des sociétés à venir.
Les lycées agricoles : un lieu, deux rôles
Les lycées agricoles ne sont pas que des établissements scolaires. Ils assument plusieurs rôles qui font d’eux des acteurs phares de l’animation des territoires. D’une part, ce sont les producteurs de ressources agricoles diverses et la main nourricière de bien des territoires ruraux en proie à la désertification des commerces de proximité en centre-ville et à l’exode rural. D’autre part, les lycées agricoles se posent aussi comme des centres de ressources diversifiées dans leur commune. Des têtes de réseau pour le développement local. Ils portent des projets d’innovations organisationnelles au service de professionnels agricoles (accueil d’une AMAP par exemple) et favorisent les expérimentations sociales grâce à leurs compétences humaines et techniques : conciergeries, fermes pédagogiques, crèches, développement de magasin d’applications. A titre d’exemple, le lycée agricole de la commune de Feurs dans la Loire a notamment participé à l’installation d’une crèche, plateau technique pour les élèves, mais aussi réel service aux habitants de la commune.
Ouvrir les champs, changer de vision : une nécessité !
Ce spectre de compétences n’est pourtant pas perçu à sa juste valeur par les différents ministères. En effet et c’est dommageable, les lycées agricoles peinent à être repérés par les élus comme des acteurs de la dynamique des territoires. La raison ? Les établissements agricoles - de par leurs compétences et leurs missions - sont au carrefour de plusieurs ministères, ne "rentrent pas dans les cases" en quelque sorte. Citons celui de l’Agriculture, bien entendu, mais aussi celui de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Ils sont même, à bien des égards, le lien entre le ministère de Jacqueline Gourault et celui de Julien Denormandie.
Pendant longtemps, ces deux ministères suivaient leur sillon et ne communiquaient pas bien entre eux. Leur cheminement mutuel a créé des effets de silos et de cloisonnement qui participent à ce manque d’identification des compétences plurielles dont la société a besoin aujourd’hui. Le silotage, en surmultipliant les effets de structure, multiplie par ailleurs le gaspillage budgétaire à l’heure où l’Etat en appelle à la sobriété financière. Néanmoins, depuis plusieurs mois, une progressive prise de conscience sur l’existence d’un réseau de lycées bien implanté sur le territoire et la nécessité de créer de nouveaux liens fait jour.
Deux programmes de développement urbain
Le développement des liens plus concrets entre les lycées agricoles et le Ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales pourrait passer par la participation de ces établissements scolaires à deux programmes préexistants.
Le premier programme Petites villes de demain concerne les villes de moins de 20 000 habitants. Il vise à revitaliser ces villes en créant une dynamique économique qui puisse s’inscrire dans le cadre de la transition écologique. Par ses capacités de production agricole en circuits courts pour alimenter les commerces de proximité, par sa proximité de terrain avec les municipalités et son travail d’éducation du consommateur dans un souci environnemental, les lycées agricoles seront les fers de lance de cette dynamique économique tant recherchée.
Le second programme Action cœur de ville, par son souhait de conforter le rôle moteur des villes dans le développement des territoires rentre également dans la sphère de compétences des lycées agricoles.
Dans les deux cas, les villes, les communes, sont à la manœuvre pour initier ces programmes et les lycées agricoles répondent présents pour apporter leur contribution !
Ceux-ci ont un rôle politique à mener au sens noble du terme. Parce qu’ils ont une mission à remplir au cœur de la « polis », de la cité, conçue comme un espace mais surtout comme un tissu de relations. Des acteurs que les structures ministérielles gagneraient à ne pas oublier pour répondre aux grands défis de demain qui sont nombreux : la production agrobiologique, le respect environnemental ou encore l’anti-gaspillage.