Acquisition de Tiffany par LVMH : le joli coup de Bernard Arnault

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Par Rédaction Publié le 26 novembre 2019 à 10h11
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44%Les Etats-Unis représentent 44% des ventes de Tiffany.

Les deux groupes ont annoncé ce matin leur futur mariage, valorisant l'iconique joailler américain à 16,2 milliards de dollars. Plongée dans les coulisses d'un deal historique, qui témoigne de l'ambition intacte du numéro 1 du luxe.

Breakfast at LVMH : le numéro un mondial du luxe rachète Tiffany, et c'est un événement. C'est en effet à l'heure du petit-déjeuner que les rédactions du monde entier ont appris, ce lundi 25 novembre, l'acquisition de l'iconique joailler américain par le groupe français présidé par Bernard Arnault. Une transaction historique, qui « valorise Tiffany à environ 14,7 milliards d'euros », précisent les deux groupes dans un communiqué commun. Les tractations, menées d'après des sources bancaires par Antonio Belloni, le directeur-général délégué de LVMH, auraient débuté au cœur de l'été dernier pour se conclure dimanche par un « accord définitif » sur le prix de 135 dollars par action en numéraire.

« Nous sommes heureux d’accueillir Tiffany au sein de la famille LVMH, a déclaré M. Arnault à cette occasion. C’est une entreprise qui jouit d’un héritage et d’un positionnement uniques au monde dans le marché de la haute joaillerie. Tiffany nous inspire un immense respect et une grande admiration ; nous avons l’ambition de faire briller cette marque emblématique avec tout le soin et toute la détermination que nous avons su déployer pour toutes les Maisons qui nous ont rejoints au fil de notre histoire. Nous sommes fiers de voir Tiffany rejoindre les Maisons du groupe LVMH et nous nous réjouissons de lui permettre de continuer à rayonner à l’avenir ».

LVMH, l'exception française

Fier, Bernard Arnault a des raisons de l'être. Il est en effet rare, pour ne pas dire rarissime, que des entreprises tricolores rachètent des sociétés américaines aussi importantes et iconiques que Tiffany. L'histoire récente est ainsi constellée d'exemples inverses, les dernières années ayant été marquées par la tragique disparition de fleurons industriels français, passés dans l'escarcelle de groupes étasuniens : Alstom racheté par General Electric, Technip par FMC, Norbert Dentressangle par XPO, etc. Autant de pertes que sont loin d'avoir compensées les quelques acquisitions d'entreprises américaines par des groupes français – Dassault/Medidata, Publicis/Epsilon, Air Liquide/Airgas, Suez/GE Water –, des opérations d'envergure bien plus modestes ne visant pas les pépites d'America Inc.

De fait, LVMH, qui s'est imposé en ce mois de novembre comme l'une des toutes premières entreprises de la zone euro en dépassant les 200 milliards d'euros de capitalisation boursière, demeure l'un des rares groupes français à être capable de mener des acquisitions d'une telle envergure. Le groupe de luxe, qui s'acquittera de l'achat de Tiffany en numéraire, a les moyens financiers de ses ambitions. Il est également à même de conclure ses deal en un temps record, l'opération ayant été finalisée un mois et demi seulement après la première offre informelle. Enfin, comme il l'a démontré avec le succès de Bulgari, racheté en 2011 et dont l'activité a plus que doublé en sept ans, il dispose des équipes pour intégrer Tiffany et faire rayonner le joailler partout dans le monde, tout en conservant et magnifiant son héritage presque bicentenaire.

Peu de groupes français peuvent en dire autant, à l'exception peut-être d'AXA, qui en 2017 a mis la main sur l'américain XL Group, pour 12,4 milliards d'euros, ou encore de Sanofi, qui l'année suivante a racheté Bioverativ pour 9,5 milliards d'euros. Avec LVMH, voici des entreprises qui partent réellement à la conquête du monde et qui font rayonner la France à l'étranger sans pour autant renier leur ancrage français. C'est le cas, éloquent, du groupe de Bernard Arnault, qui dans le secteur du luxe représente sans doute aujourd'hui l'un des meilleurs ambassadeurs du savoir-faire et de l'excellence à la française.

Une opération stratégique

Au-delà du symbole, l'acquisition de Tiffany par LVMH fait sens d'un point de vue stratégique. Elle permet en effet au groupe français d'ajouter une nouvelle marque, et non des moindres, à son portefeuille, d'ores et déjà riche de quelque 75 Maisons. L'opération doit également permettre à LVMH de doper sa croissance outre-Atlantique, les Etats-Unis représentant son deuxième marché en termes de chiffre d'affaires après l'Asie et 44% des ventes de Tiffany, qui dispose par ailleurs d'un réseau de 300 points de vente dans le monde. De plus, le rachat du joailler américain tombe à point nommé, limitant pour la multinationale du luxe les effet négatifs des actuelles tensions commerciales entre Washington et Pékin. Enfin, cette opération témoigne des excellentes relations qu'entretient LVMH avec le pays de l'Oncle Sam, où Louis Vuitton a, récemment, inauguré une nouvelle usine de production, au Texas – le troisième atelier de maroquinerie ouvert par la marque aux Etats-Unis.

Historique par son ampleur et les promesses qu'elle fait miroiter, l'acquisition de Tiffany a également pour mérite de relancer un marché français du M&A caractérisé par une certaine morosité, les transactions ayant ainsi enregistré une baisse significative de -31% en volume au cours du seul premier semestre de cette année. Certes, les milieux d'affaires bruissent des possibles rapprochements futurs de PSA et Fiat-Chrysler (pour 50 milliards d'euros) ou de Capgemini et Altran (pour 3,6 milliards d'euros) : mais le premier est en actions, et non en numéraire, et les deux sont encore à l'état de projets.

Le mariage Tiffany-LVMH démontre qu'en se montrant réactif dans un marché pourtant incertain (contexte politique explosif aux Etats-Unis, tensions commerciales, Brexit, etc.), il est toujours possible de saisir des opportunités. Et prouve, alors qu'il est de bon ton d'affirmer que LVMH n'a depuis longtemps plus de cibles potentielles à acquérir et développer, qu'il n'y a rien de plus faux.

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