Dépendance et Pentecôte : une réforme ratée

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 28 mai 2012 à 8h23

La question de la dépendance, étroitement liée à l’explosion démographique du quatrième âge, c’est-à-dire des plus de 75 ans, est un serpent de mer auquel aucun gouvernement n’a osé s’attaquer frontalement jusqu’ici...

Pour deux raisons simples: elle touche aux dépenses des collectivités locales en charge légalement de ce sujet (les intentions du gouvernement Ayrault seront intéressantes à tester sur ce sujet, puisque la gauche est majoritaire aujourd’hui dans les collectivités). Et elle touche à l’héritage (puisque les prestations dépendance sont en principe récupérables sur les actifs successoraux).
Autrement dit, régler la question de la dépendance conduit assez rapidement à se fâcher avec deux forces importantes de notre pays: les élus locaux et les héritiers.

D’où l’entortillement permanent des gouvernements depuis plus de dix ans autour de cette question, sans jamais en aborder le coeur: comment sortir les plus de 20 milliards d’euros que coûte la dépendance hors du périmètre actuel de la sécurité sociale. Ce serait pourtant une mesure salutaire, puisque, bon an mal an, le «trou» de la sécurité sociale est inférieur à ce montant.

Jean-Pierre Raffarin crut avoir une bonne idée en 2004, en important la technique utilisée en Allemagne en 1994: transformer un jour férié en journée de solidarité où les salariés travailleraient gratuitement pour financer la dépendance. Après un débat compliqué, le choix fut porté sur la Pentecôte, la fameuse Pentokossion, ou journée des langues pour les Chrétiens, fête des moissons chez les Païens et les Juifs. Concrètement, la mesure revenait à imposer une taxe de 0,3% sur les salaires, payée par les seuls salariés, ainsi privés d’une journée fériée. Face à la polémique, le choix du jour fut ensuite laissé aux négociations d’entreprise.

Résultat? Personne ne comprend plus grand chose au geste, et la mesure se révèle d’une inefficacité redoutable. Elle ne rapporte que 2 milliards d’euros annuels, là où il en faudrait dix fois plus pour régler le problème. Nicolas Sarkozy avait évoqué l’idée d’une assurance dépendance qui bute obstinément sur le sujet constant de la France depuis 60 ans: faut-il financer la dépendance par une cotisation de sécurité sociale, ou par une assurance privée obligatoire?

Les tenants des deux écoles s’affrontent. Il sera particulièrement intéressant de suivre la position de la nouvelle équipe au pouvoir sur ce sujet. En attendant, tout le monde s’accorde à reconnaître que l’importation des idées allemandes n’a pas convenu à la France. Au moins sur ce sujet précis.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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