Lorsqu'il y a 80 ans une entreprise inventait le lave-linge, elle apportait un vrai service, en simplifiant le quotidien. À sa façon, elle changeait les choses. Aujourd'hui, quand une marque ajoute une 5ème lame à son rasoir, que fait-elle sinon du marketing ? En ne regardant que le profit, les entreprises se sont progressivement discréditées aux yeux de l’opinion. Cette situation conduit aujourd’hui les entreprises à être trop souvent perçues comme polluantes, appauvrissantes, ou contaminantes... alors qu'elles devraient être une partie de la solution. La loi PACTE pourrait leur donner l’opportunité de jouer à nouveau un rôle positif, et de montrer la voie de l'avenir.
L’entreprise doit rendre des comptes
Progressivement, nous sommes passés d’une société où l’entreprise était pourvoyeur de progrès à une société où elle est désormais perçue comme un élément négatif, nuisible à son environnement et uniquement motivée par le profit. Cette vision, certes caricaturale, n’en reste pas moins ancrée dans une réalité. À force de viser la performance économique en négligeant le reste, les entreprises ont perdu une partie de leur raison d’être. L’entreprise se doit d’avoir une contribution positive à travers l’attitude qu’elle adopte vis-à-vis de ses différentes parties prenantes (collaborateurs, clients, partenaires, fournisseurs... ).
Le consommateur, lui, a déjà commencé sa prise de conscience. Il décrypte attentivement les étiquettes, il s’intéresse à ce que dissimule l’emballage. Dans ce contexte, les secteurs engagés par essence dans une démarche RSE, comme celui de la bio, progressent significativement. La digitalisation renforce cette exigence, à l’heure où les consommateurs peuvent d’un simple clic, vérifier la réputation d’une organisation ou comparer la composition de ce qu’il s’apprête à consommer. Alors que le monde bascule de l’image à la réputation, comment peut-on raisonnablement penser qu’elles puissent continuer de vivre repliées sur elles-mêmes, sans se soucier de la société dans laquelle elles prospèrent ?
La loi PACTE, qui reprend une partie des recommandations du rapport Notat-Senard, propose de reconnaître pour l’entreprise une mission sociétale intimement liée à son activité économique mais qui va au-delà. Les députés viennent de voter la création d’un nouveau statut : les entreprises à mission. Le mouvement B Corp qui rassemble « les entreprises qui ne sont pas les meilleures au monde mais les meilleures pour le monde » s’inscrit déjà dans cette voie.
Une opportunité et non pas une contrainte
Donner un statut officiel à la mission sociétale et environnementale, permet, d’abord, de donner à l’entreprise les moyens d’évaluer sa propre performance globale, sa contribution sociétale et de les partager. À terme, le législateur pourrait ainsi contrôler et vérifier ce à quoi l’entreprise s’engage pour le bien de tous. Cette décision démontrerait la capacité de notre société à prendre en compte, dans le système capitaliste, des externalités positives. Une exploitation agricole respectueuse de l’environnement doit-elle être traitée fiscalement de la même manière que celle qui génère pollution des nappes phréatiques ou algues vertes ?
Pour y parvenir, nous devons construire collectivement ce modèle hybride, entre le statut de l’économie sociale et solidaire (ESS) et l’entreprise classique avec un nouveau statut, réunissant le meilleur des deux mondes : la performance économique et un rôle sociétal vertueux. Les champions de l’immobilisme perçoivent cette évolution comme un sujet de peur plutôt que d’opportunités. Ils ont tort ! Ceux qui joueront le jeu gagneront des parts de marché, c’est une évidence. N’est-ce pas ce que nous pouvons souhaiter de mieux pour notre pays ?
L'heure est aux décisions politiques courageuses
A l’heure de la multiplication des scandales alimentaires et environnementaux, ce changement, est inéluctable, le consommateur en est la locomotive et s’en charge à son rythme. La loi pourrait alors jouer son rôle en créant à la fois un environnement favorable et ce statut d’entreprise à mission. Pour que les choses changent, le pouvoir politique se doit d’être visionnaire et courageux, de savoir faire la différence entre ceux pour qui la RSE est une contrainte, et l’avenir.