La loi PACTE : des clés de gouvernance pour des entreprises pérennes

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Par Dominique Druon Publié le 6 mai 2019 à 6h05
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@shutter - © Economie Matin

Avec une ambition clairement affichée de remettre l’entreprise au cœur de la société, la loi PACTE propose un cadre d’exercice entrepreneurial mettant l’accent sur plusieurs principes qui interrogent la gouvernance de l’entreprise, lui offrant a minima de nouvelles clés d’analyse mais aussi de nouveaux enjeux à couvrir.

Vers plus d’utilité sociale

La question de l’utilité sociale de l’entreprise est largement introduite dans la loi PACTE qui invite chaque entreprise à définir sa raison d’être et, de façon plus large, à s’assurer que son modèle de développement n’est pas seulement au service de la performance économique mais intègre également les préoccupations sociales et environnementales.

Placée en amont des orientations stratégiques, cette réflexion est en passe de devenir un sujet central du conseil d’administration et de la direction générale qui jusqu’alors l’avaient souvent laissé entre les mains des directions internes de l’entreprise (RSE/qualité, communication, RH…) sans en faire un sujet de partage et de conscience collective à tous les niveaux de l’organisation. Faut-il rappeler que Larry Fink, Pdg du plus grand gestionnaire d’actifs au monde (BlackRock), a récemment réaffirmé la nécessité pour les entreprises d’être responsables à l’égard de l’ensemble de leurs parties prenantes et exhorté ces dernières à définir leur raison d’être ? – une raison d’être que les sociétés Véolia et Atos ont d’ailleurs toutes deux présentée lors de leur dernière assemblée générale.

Désormais, la direction générale et le conseil d’administration vont devoir déterminer le niveau d’engagement de l’entreprise autour de sa raison d’être et décider si oui ou non, cela doit faire l’objet d’une modification statutaire avec notamment, pour les plus volontaires, le statut d’entreprise à mission (= fixation d’objectifs en matière sociale et environnementale intégrés aux statuts). Une décision et des questionnements qui vont bousculer les pratiques de la gouvernance et dont il faudra être capable de mesurer les effets dans un contexte concurrentiel accru où l’utilité sociale pourrait bien être à l’avenir le premier arbitre des choix de toutes les parties prenantes de l’entreprise à commencer par ses collaborateurs et ses clients.

Vers plus de transparence et d’équité

Autre sujet que la loi PACTE souhaite voir évoluer : le partage des fruits de la croissance avec l’introduction de plusieurs mesures symboliques destinées, à la fois, à rendre plus transparentes les pratiques de rémunération traditionnellement très opaques, mais aussi, à permettre une meilleure répartition des bénéfices, en particulier vis-à-vis des salariés.

Du côté des dirigeants, les mesures prises (ratio d’équité dans le rapport du gouvernement d’entreprise, indexation des éléments variables de rémunération sur des critères de performance extra-financière, encadrement des retraites chapeaux) ne permettront plus de masquer les abus constatés ces dernières années avec des rémunérations très élevées de certains dirigeants de grands groupes. Une évolution qui devrait permettre de recréer de la confiance entre l’entreprise et la société et indirectement de limiter les abus. Car il faut bien le reconnaître, l’autorégulation du système prévu initialement par le code de gouvernance AFEP-MEDEF n’a fonctionné que de façon bien imparfaite (cf. cas de Renault/Nissan, Airbus, Kering…).

Au niveau du conseil d’administration, la loi PACTE met fin à la pratique des « jetons de présence », que la terminologie même pouvait laisser songeur, pour créer une « rémunération » qui pourra d’ailleurs contenir des BSPCE (Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise). Une évolution qui devrait permettre de redynamiser les conseils avec des administrateurs motivés et directement intéressés au développement pérenne de l’entreprise.

Enfin, en intégrant plus de souplesse dans les dispositifs de redistribution interne (participation, intéressement, actionnariat salariés…), la loi PACTE veut permettre aux salariés d’être mieux intéressés aux fruits de la croissance de leur entreprise et ainsi retendre le lien, largement distendu, entre le salarié et l’entreprise.

Vers plus d’ouverture

La loi PACTE vise enfin une plus grande ouverture de l’entreprise sur le monde qui l’entoure, en particulier au sein de sa gouvernance. Elle va au-delà de la loi Copé-Zimmermann, puisqu’elle souhaite une plus grande mixité, non pas seulement au sein des conseils, mais à tous les niveaux de l’entreprise, ce qui va conduire les directions générales, les conseils d’administration et les comités de nomination à revoir le processus de sélection des candidats lors des promotions internes, notamment au niveau de l’exécutif (Comex, Codir) dont la parité n’a pas toujours suivi la féminisation des conseils.

Par ailleurs, avec la baisse des seuils initialement régis par la loi Rebsamen – désormais 2 administrateurs salariés si plus de 8 membres dans le conseil d’administration, la loi PACTE adresse un signe fort aux entreprises en souhaitant le développement de la participation des salariés dans la gouvernance. Une meilleure représentativité au sommet de l’entreprise qu’elle voudrait notamment voir complétée par une plus grande collégialité des réflexions et un partage avec l’ensemble des parties prenantes. Plusieurs initiatives existent déjà dans ce sens comme la création de comités consultatifs des parties prenantes (ex. : AXA en a créé un en 2014, NEXITY en 2018) ou le développement de coopération avec les ONG.

L’objectif étant pour l’entreprise d’intégrer au plus haut niveau de ses réflexions la réalité qui se vit sur le terrain par ceux qui en sont les premiers représentants afin de conduire ses activités de façon plus consciente, efficace et éclairée. Et les enjeux sont considérables puisque cela ne peut que contribuer à minimiser les risques encourus par l’organisation, asseoir sa notoriété et renforcer son image de marque, consolider son assise industrielle et développer ses marchés. En d’autres termes, accroître son utilité sociale auprès de sa sphère d’influence.

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Dominique Druon  fonde aliath en 2012, un  cabinet de conseil en gouvernance et recrutement d’administratrices et administrateurs. Aliath place la stratégie du dirigeant au cœur du dispositif  de pilotage des conseils d’administration comme clé de performance et accompagne en ce sens les CEO des Grands Groupes, ETI, PME et Fonds d’investissement. Elle est administratrice indépendante des groupes côtés April, Le Bélier ainsi que  du groupe familial Schumacher. Dominique est aussi guest speaker en gouvernance à l’INSEAD, l’ESSEC, l’EM Lyon, Dauphine et Toulouse Business School. 20 ans de direction générale Groupe, France, UK, USA et Middle-East d’Altran, multinationale cotée au SBF 120 dans les technologies innovantes apportent à Dominique Druon une compréhension fine des exigences des dirigeants quant aux phases de croissance,  structuration, internationalisation ou restructuration de leurs activités. Ingénieure, diplômée de l’UTC, et administratrice certifiée de l’ESSEC, business angel au sein du club Finance & Technologie, membre de l’IFA (Institut Français des Administrateurs),  de l’APIA (Administrateurs Professionnels Indépendants Associés), du CDA (Cercle des Administrateurs), de WCD (Women Corporate Directors), de VoxFemina et du cercle Gouvernance & Equilibre.

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