Loi Macron : l’Autorité de la Concurrence prononce une sanction record en application de la procédure de transaction

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Par Kathie Claret & François-Xavier Mirza Publié le 22 décembre 2016 à 5h00
Autorite Concurrence Altice Amende Gun Jumping
@shutter - © Economie Matin
80 millions ?Altice a été condamné à une amende de 80 millions d'euros par l'Autorité de la Concurrence.

Le 8 novembre 2016, l’Autorité de la Concurrence (l’« Autorité ») a rendu une décision inédite par laquelle le groupe Altice a été sanctionné à hauteur de 80 millions d’euros pour avoir de facto procédé de manière anticipée à la réalisation de deux opérations de concentration avant que l’Autorité n’ait donné son autorisation (une pratique aussi connue sous le nom de « gun jumping »).

Une opération de concentration soumise à autorisation

Dès lors que des entreprises dont le chiffre d’affaires mondial conjoint dépasse les 150 millions d’euros envisagent un rapprochement, et que 50 millions d’euros de chiffre d’affaires est réalisé en France individuellement par au moins deux parties à l’opération, les entreprises concernées doivent en notifier l’Autorité. S’ouvre alors une période suspensive au cours de laquelle les entreprises sont tenues d’attendre l’autorisation de l’Autorité avant de mettre en œuvre le rapprochement envisagé. L’objectif poursuivi par l’Autorité est ainsi d’assurer que les parties à l’opération continuent de se comporter de manière concurrentielle tant que l’opération de rapprochement n’est pas définitive.

Les griefs invoqués par l’Autorité de la Concurrence

Dans le cas d’espèce, Altice avait notifié l’Autorité de deux opérations de concentration en 2014 : une prise de contrôle de SFR et une prise de contrôle exclusif de OTL. Chacune de ces opérations ayant été autorisée par l’Autorité la même année, le sociétés cibles ont ensuite été acquises par Altice.

Toutefois, à la suite d’une enquête menée par l’Autorité, ayant inclus des visites et saisies dans les locaux des parties à l’opération, il a été démontré que les entreprises concernées avaient en réalité commencé à agir comme faisant partie du même groupe avant d’avoir reçu l’autorisation de l’Autorité.

En effet, l’Autorité a pu constater qu’Altice avait exercé une influence déterminante sur les deux sociétés cibles pendant la période suspensive, par le biais notamment :
- De l’intervention de Altice dans la gestion opérationnelle des sociétés cibles, jouant un rôle déterminant dans la prise de décisions stratégiques, telles que celle de mettre un terme à une offre promotionnelle, ou encore des changements au niveau de la composition de la direction ;
- Du renforcement des liens économiques entre Altice et les sociétés cibles, comprenant par exemple le lancement de nouvelles offres communes sur le marché quelques semaines seulement après l’autorisation de l’Autorité, alors que la conception de ces offres nécessitait plusieurs mois de préparation ;
- D’échanges d’informations confidentielles, portant notamment sur les performances économiques des sociétés cibles, ainsi que leurs prévisions.

Une décision inédite à plusieurs titres

La décision est inédite par la nature du comportement sanctionnée. Il s’agit de la première décision en France venant sanctionner la réalisation anticipée d’une opération de concentration. L’autorité adresse ainsi une sérieuse mise en garde aux entreprises visant à un rapprochement, alors qu’il existait avant une certaine inconnue quant aux limites des comportements autorisés. Seules quelques décisions en Allemagne, aux États-Unis, et au niveau de la Commission européenne avaient auparavant sanctionné des comportements similaires.

La sanction est également inédite car elle fait application de la procédure de transaction issue de la Loi Macron, en remplacement de l’ancienne procédure dite de « non-contestation des griefs ». Désormais, en application du nouveau dispositif, introduit à l’article L 464-2 III du Code de commerce, les entreprises ne contestant pas la réalité des violations qui leur sont reprochées (comme Altice dans cette affaire) se voient proposer une transaction par le rapporteur général de l’Autorité leur précisant un montant minimal et un montant maximal de sanction encourue. Si les entreprises acceptent d’être soumises à cette fourchette de sanction, l’Autorité se prononce alors sur le montant définitif de la sanction, au vu de la gravité des faits non contestés, dans les limites fixées par la transaction. Ce nouveau dispositif présente l’avantage de donner aux entreprises une idée plus précise du montant de la sanction encourue (l’ancienne procédure de non contestation proposait un pourcentage de réduction sur la sanction à venir sans pour autant préciser le montant de la sanction encourue).

Enfin, la décision est inédite par son montant de 80 millions d’euros : l’Autorité a pris en compte l’importance des opérations concernées, l’ampleur et la durée des comportements sanctionnés dans la fixation de ce montant. Néanmoins, le montant de cette sanction est bien inférieur à la sanction à laquelle Altice aurait pu faire face, hors procédure de transaction, à savoir 5% de son chiffre d’affaires.

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Kathie Claret & François-Xavier Mirza, avocats du cabinet Bryan Cave

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