La loi Macron ne rendra pas à la France sa croissance

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Par Daniel Moinier Modifié le 4 mars 2015 à 6h51
France Croissance Loi Macron Mesures
@shutter - © Economie Matin
209La loi Macron compte 209 mesures spécifiques.

Depuis des décennies, cette loi Macron est certainement l’une des plus prolifiques, des plus disparates que la France ait connue. Il n’est pas surprenant qu’elle ait entraîné un nombre exceptionnel d’amendements : 1861 en commissions et 3000 en séance publique et aussi un record parlementaire. Même si la dernière loi Grenelle avec ses 190 articles passés à 255 n’était pas mal non plus, mais toutefois moins touffue.?

Cette loi Macron qui comportait 106 articles le 12 janvier 2015, est ressortie des commissions spéciales le lundi 19, en doublant pratiquement de volume, soit 209 articles.

Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques comme l’a nommée le Ministre de l’Economie s’articule autour des trois grands principes : Libérer, investir et travailler. Ce projet est tellement touffu par l’ampleur des sujets abordés qu’il sera extrêmement long et difficile à mettre en place. Et dans combien de temps, d’années, apportera-t-il quelques fruits ?

Sur ces 106 articles de base, combien vont permettre de relancer rapidement la croissance ? Prenons les, les un après les autres et examinons les probabilités de croissance. Selon l’organigramme de cette loi, ce projet porte sur trois grandes réformes :

– Créer et développer l’activité (Libérer)

– Améliorer concrètement et rapidement la vie des français (Investir)

– Une loi pour ceux qui ne font plus partie du système (Travailler)

Libérer

-Réviser les grilles des professions réglementées du droit

-Simplifier les conditions d’installation pour les professionnels du droit

-Élargir le champ de la postulation des avocats au ressort de la Cour d’appel

-Créer le statut d’avocat d’entreprise

-Ouvrir le capital entre professionnels du droit et du chiffre

-Ouvrir l’offre de service de transport par autocar

-Renforcer la régulation des activités routières

-Réduire les délais et le coût de passage du permis de conduire

-Renforcer l’expertise en matière d’urbanisme commercial pour lever les freins à la concurrence entre magasins et donner plus de choix au consommateur

-Satisfaire la demande de logement intermédiaire

Sur cette première partie, quel article peut réellement booster l’économie ? Depuis les manifestations importantes des professions réglementées et mêmes les menaces, le gouvernement a lâché du lest en modifiant le dispositif d’encadrement de leurs tarifs. Sur ces 10 premières propositions, il est très difficile d’entrevoir qu’elles sont les possibilités de relance de l’activité. Les professions libérales, les avocats, c’est peu probable. Pour les transports, ce n’est pas la mise en place d’autocars qui va augmenter les emplois. Le transport n’est pas extensible rapidement. Les voyageurs que l’on convoiera en bus ne le seront pas avec un autre moyen de transports, voiture, train, avion…

En ce qui concerne la régulation de l’activité routière, les sociétés de gestion ont été prises à partie, lorsque Ségolène Royal a annoncé la gratuité des autoroutes le W.E. Elles ont même déposé un recours auprès du Conseil d’Etat suite à la volonté de l’état de ne pas accepter les augmentations des tarifs. Ne vaut-il pas mieux avoir des sociétés performantes qui réalisent des résultats bénéfiques pour les caisses de l’état, le personnel et l’emploi ?

Pour le passage du permis de conduire, le nombre de candidats étant ce qu’il est, la seule possibilité avancée, serait de passer plus de monde plus rapidement. Cela fluidifiera les dates des examens, supprimera du mécontentement sans pour autant enrichir la profession.

L’urbanisme est abordé avec la possibilité donnée aux maires d’augmenter de 30 % la surface constructible. Et aussi d’harmoniser le recours à un architecte pour les exploitations agricoles. La première mesure avait été envisagée par le précédent gouvernement puis mise en place le 20 mars 2012. Elle semble avoir été reprise mais pour l’instant l’effet de cette première loi ne s’est pas fait sentir.

Libérer un peu plus la concurrence, ce n’est pas ce qui augmentera le pouvoir d’achat global. Ce qui sera pris dans une main ne le sera plus dans l’autre. En ce qui concerne le dernier article, comment augmenter la demande de logements intermédiaires sans augmenter le niveau du pouvoir d’achat ?

Investir

-Stimuler l’investissement et accélérer les grands projets pour favoriser le retour de la croissance

-Développer le recours des entreprises à l’actionnariat salarié et diffuser la culture entrepreneuriale

-Simplifier l’épargne salariale pour mieux la développer, au service du financement de l’économie réelle

-Dynamiser la gestion active des participations de l’État

Avec notre "Belle France" qui s’est mise dans une telle déconfiture financière, comment relancer des grands projets sans moyens. Les caisses sont plus que vides. Avec un déficit 2014 de 85,6 milliards d'euros, une dette cumulée de 2035 milliards d'euros, (plus de 5000 milliards d'euros pour la dette publique globale) plus de 200 milliards d'euros d’emprunts en 2014 pour simplement boucher les trous des dépenses dont les paies des fonctionnaires, celles des retraites, etc… Emprunter en plus pour de grands projets, c’est de la folie. Il existe d’autres moyens pour relancer notre économie vacillante.

Actionnariat salarial : Effectivement les français sont très frileux sur ce type de placements. La cause première vient certainement d’un manque de formation à la gestion, au fonctionnement des entreprises dès le plus jeune âge. Il faudrait beaucoup plus de cours et de visites d’entreprises. Sur ce sujet nous sommes très en retard par rapport à beaucoup de pays.

Pour les deux derniers articles, il est difficile d’évaluer l’incidence de ces mesures. Elles semblent utopiques quand on sait par ailleurs qu’une grande partie de l’épargne des livrets, soit 371 milliards d'euros est très peu investie dans l’économie, ni suffisamment dans le logement puisque l’on en a construit à peine 300.000 pour un objectif de 500.000. Quant au dernier article, c’est à l’état lui-même de bien gérer ses participations. Le privé n’y peut rien, sauf si l’état revend ses parts, ce qui pourrait permettre de retrouver plus de dynamisme et des retombées plus favorables.

Travailler

-Faciliter le travail du dimanche et en soirée

-Réformer la justice du travail

-Renforcer la protection des procédures collectives

-Requalifier le délit d’entrave

Passer de cinq dimanches à la possibilité de 12 travaillés par an, peut apporter quelques retombées financières positives, sur l’emploi, la consommation, surtout si les acheteurs sont étrangers. Même si cette disposition peut paraître positive, c’est une goutte d’eau par rapport aux déficits de l’Etat. Sachant que les marges des magasins s’en trouveront réduites par le fait de payer les employés à 200%.

Les trois derniers articles peuvent éventuellement améliorer le fonctionnement de la justice et faire gagner du temps. Même la réforme des prud’hommes qui en fait partie et ce n’est pourtant pas la première, ne semble pas pouvoir améliorer très positivement le fonctionnement et le résultat des entreprises. L’apport économique de ces trois mesures semble des plus restreint.

Cette loi Macron qui en regroupe en fait un nombre très important, semble avoir été mise en place pour couvrir le champ politique pour plusieurs mois. S’il n’y avait eu le 07 janvier et la manifestation du 11, tous les médias, syndicats, politiques, etc…, auraient été absorbés par cette seule loi, qui il est vrai, couvre tellement large qu’elle peu sembler très difficile à mettre en action. Elle fait penser aux 150 propositions Attali de février 2008 sous le Gouvernement Sarkozy-Filon qui devaient créer 180.000 emplois et qui sont restées lettre morte, puisque jamais mises en action ou si peu.

"Beaucoup de vent" pour presque rien. Il est presque à parier que la majorité d’entre-elles ne verront certainement pas le jour avant l’échéance de 2017 et certaines jamais mises en place. Combien créera-t-elle d’emplois ? De quel pourcentage la croissance, le PIB vont-ils être augmentés. Par rapport à la relance qui semble s’être mise en route en Europe, quelle part en attribuera-t-on à cette loi ? On peut prédire d’avance que cela sera dû majoritairement à cette loi et peu aux conditions très favorables : Baisse du prix du pétrole, relance BCE, taux d’intérêts d’état et particuliers très bas et Etats-Unis en pleine relance…

Avec les 35 heures, Martine Aubry nous avait bien annoncé en 2000, jusqu’à 500.000 emploi créés. Ce qui était faux et ceux qui l’on été, l’ont été à quel prix ! Nous en payons encore doublement le prix. Et pourtant il existe la possibilité de remonter rapidement le niveau de la France « par le bas », avec une seule mesure. En s’occupant uniquement de la durée du travail.

Aucune mesure n’a été envisagée concernant la hausse continue de la durée de vie. Une des principales causes de nos déficits, comme d’ailleurs ceux de beaucoup de pays européens. La politique, l’idéologie ne font toujours pas bon ménage avec l’économie. Et pour couronner le tout, l’échéance de 2017 approche. Il serait difficile de l’oublier, elle est déjà dans toutes les têtes et dans tous les médias.

www.livres-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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