Deux ans après la mise en application de la Loi Lagarde, le gouvernement s'est engagé dans la voie de la réforme volontariste, en souhaitant développer une approche globale de la consommation, ce qui est louable. Résultat : le projet de loi Hamon, discuté fin juin et début juillet, et adopté en 1ère lecture à l'Assemblée Nationale, avec un très grand nombre d'amendements.
Texte ardu et conséquent (153 pages dans sa version numérisée !), on peut raisonnablement douter que les sénateurs auront choisi cet ouvrage comme lecture estivale, alors qu'ils ont à l'examiner en cette rentrée parlementaire.
Si on l'étudie en détail, le texte pose problème, en particulier sur le volet Crédit à la Consommation
Dans l'appréciation de la nécessité d'aller au-delà de la Loi Lagarde, quelque chose a clairement échappé au législateur et aux analystes, c'est l'effet retard. Le crédit conso, c'est du flux et du stock.
On n'en est qu'à deux ans d'application de la Loi Lagarde, et son effet n'est pas encore complet, ni sur la fermeture des comptes inactifs, ni sur la consommation, ni sur la performance économique des établissements de crédit, ni sur l'emploi évidemment. Des études d'impact ont été réalisées comme il est d'usage sur la base du projet de loi initial, mais les inévitables amendements ne peuvent pas faire l'objet d'études d'impact. Et là, des belles intentions peuvent paver la route de futures déconvenues.
Depuis 2012, on a assisté à une série de mesures de suppressions d'emplois dans plusieurs établissements financiers. Certes, ce n'est pas une raison pour ne pas améliorer le dispositif réglementaire. Mais pourquoi s'acharne-t-on à vouloir durcir toujours plus le recours au crédit ? Les établissements de crédit ont réduit considérablement leurs résultats, les coûts de gestion ont augmenté de manière significative. Le surendettement a lui-même marqué une évolution à la baisse. Au 4ème trimestre 2012, le nombre de nouveaux dossiers en surendettement était en baisse de 5% sur 12 mois glissants. La Loi Lagarde et l'engagement des acteurs ont indiscutablement contribué à inverser la courbe de l'évolution du surendettement, et ce malgré le contexte de hausse du chômage et de la précarité. Mais le surendettement ne peut être ramené à zéro que si l'endettement est ramené à zéro, et un endettement ramené à zéro, c'est la mort de l'économie. Une sorte de philosophie économique où le dernier qui sort éteint la lumière.
Le Crédit à la Consommation n'est peut-être pas une cause à défendre
Ce n'est peut-être pas politiquement correct. Le Candidat Hollande avait annoncé dans sa campagne : « Notre adversaire, c'est la Finance ». Pourtant, il y a quelques années, flottait la tentation d'obliger les financiers à prêter à certaines populations trop facilement exclues du crédit. Certains allaient jusqu'à envisager une sorte de « Droit opposable au Crédit » pour les chômeurs, ou les malades en rémission. Aujourd'hui, après une Loi Lagarde plutôt bienvenue, et sans attendre qu'elle porte entièrement ses fruits, ne prend-on pas des risques inconsidérés à vouloir étouffer ainsi ce mécanisme de financement de la consommation ? Quelles seront les conséquences sociales d'une forte baisse d'activité de ces établissements ? Quels en seront les impacts dans les territoires ? Dans les années qui viennent, les grands établissements bancaires qui ont intégré une à une toutes les sociétés spécialisées, devront réaliser des arbitrages dans l'allocation de leurs fonds propres. Ils décideront peut-être alors de délaisser complètement ces activités aux modèles instables, au risque croissant, et constamment mis à l'index.
Alors que nos exportations sont encore en panne, que l'investissement des entreprises est toujours en baisse, ne risque-t-on pas, avec ces mesures un peu improvisées, de porter un coup fatal à ce troisième moteur de la croissance qu'est la consommation, sous couvert de protection du consommateur, toujours victime de financiers toujours coupables ? Il revient à présent aux sénateurs d'y réfléchir et d'en discuter en séance publique.