Les lois de finances, un exercice ringard et inutile

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Par Jacques Bichot Publié le 30 septembre 2015 à 6h48
Projet Loi Finances Parlement Gouvernement Depenses
@shutter - © Economie Matin
1,5%Le Projet de Loi des Finances 2016 se base sur une croissance de 1,5%.

Ce mercredi, le Conseil des ministres examine le PLF – projet de loi de finances – destiné à être soumis au Parlement. Nous n’allons pas discuter ici de la modestie de l’évolution en direction de l’équilibre, ni de tel ou tel détail de ce budget, ni même des économies programmées en violation des engagements pris envers les entreprises en matière de CICE, mais de quelque chose de beaucoup plus fondamental : du fait que cet acte de gouvernement prenne la forme d’une loi.

Montesquieu avait découvert qu’il faut, pour le bien des peuples, séparer les trois pouvoirs, judiciaire, législatif et exécutif. Nous avons à peu près entendu la première moitié de son message : les juges ont une indépendance réelle vis-à-vis de ce qu’il est convenu d’appeler « les pouvoirs publics ». En revanche, l’intrication entre le rôle du Parlement et celui du Gouvernement, entre la loi et les ordres émanant de ce dernier, est totale. Hayek avait très utilement distingué les « règles de juste conduite » destinées à fournir un cadre général aux rapports entre les hommes, et les « commandements » que l’exécutif doit adresser à certains agents pour mener les actions nécessaires à la marche du pays : ses leçons, comme celles de Montesquieu, n’ont eu aucun écho.

Si ces deux auteurs avaient été compris, le budget de l’État serait considéré comme un ensemble de commandements. Fixer le taux de TVA à 20 % plutôt qu’à 18 % ou 22 % est un acte qui relève logiquement de la gestion courante, donc de l’exécutif, comme la fixation d’un prix de vente, dans une société, dépend de la direction et non de l’Assemblée générale. Cette dernière peut sanctionner les dirigeants pour leur mauvaise gestion (avoir fixé les prix à un niveau trop élevé pour affronter la concurrence, ou trop bas pour couvrir les coûts), ou les féliciter et leur accorder des bonus pour leur bonne gestion, mais elle n’a pas à se substituer à eux.

À cet égard le cas des municipalités constitue un précédent est très intéressant. Jadis le budget municipal devait être soumis au Préfet, et il ne devenait exécutable qu’une fois approuvé par cette autorité de tutelle. Puis une heureuse évolution est intervenue : un contrôle a posteriori a été substitué au contrôle a priori. Le maire et son conseil sont devenus réellement responsables : ils décident, dans le respect de certaines règles, recettes et dépenses, et ensuite seulement, si des infractions ont été commises, ils se font taper sur les doigts. Certes, cette liberté est restreinte du fait qu’une partie importante des ressources des collectivités territoriales vient de dotations en provenance de l’État, mais supposons un instant que les communes ne perçoivent plus rien de Bercy, qu’elles soient entièrement responsables de leurs recettes comme de leurs dépenses, avec des sanctions a posteriori pour leur bonne ou leur mauvaise gestion, et nous aurons une idée de ce qu’il faut faire au niveau de l’État.

S’agissant donc du gouvernement, qui dirige un formidable conglomérat – l’Administration, ensemble des administrations relevant de l’État – que se passerait-il si l’on allait dans ce sens ? Le Parlement fixerait des règles de juste conduite gouvernementale – par exemple une règle d’équilibre budgétaire, à la fois souple (un déficit est, dans certaines circonstances, la moins mauvaise solution) et sévère (une équipe gouvernementale qui s’enferre dans le déficit doit être remplacée comme ayant démontré son incapacité à gouverner). Et ensuite aux Ministres de manager leurs administrations de telle manière que le travail soit bien fait sans être trop coûteux. Cela n’a aucun sens de faire voter un budget, si ce n’est de tourner le Parlement en ridicule, puisque le Premier ministre dispose de ce que l’on nommait, du temps de la monarchie, un « lit de justice », devenu le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution – le 49-3, comme on dit familièrement.

Que le Parlement se préoccupe donc de définir des règles de juste conduite fiscale, comme par exemple l’égalité des citoyens devant l’impôt, et symétriquement des règles de juste dépense, précisant au Gouvernement ce qu’il lui est permis de faire et ce qui lui est interdit, et qu’il laisse le Gouvernement prendre ses responsabilités, se réservant de le juger au vu des résultats de sa gestion.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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