Projet de Loi de Finances 2020 : quel avenir pour le financement du service public local ?

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Par Éric Tripodi Publié le 28 octobre 2019 à 4h56
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12Sur les 80 articles du PLF 2020, il y en a 12 qui concernent directement les collectivités territoriales.

C’est un rituel qui annonce la fin d’un cycle budgétaire et augure de celui à venir : le Projet de Loi de Finances.

Le Projet de Loi de Finances, c’est quoi ?

Le gouvernement présente à chaque début d’automne un projet de loi qui propose la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État selon un équilibre économique et financier déterminé (hypothèses de croissance, économies à réaliser par l’administration…).

Il est composé de deux parties : la présentation générale avec les chiffres clés suivi des articles du projet de loi et de l’exposé des motifs par article.

Cette proposition fait l’objet de débats en commissions à l’Assemblée Nationale avant d’être soumise au vote des députés en première lecture.

Après une navette avec le Sénat, qui nourrit également les débats en l’étayant de ses amendements, le projet de loi est soumis au vote des députés en deuxième lecture de ce qui deviendra par conséquent la loi de finances applicable pour l’année suivante.

Les principales dispositions du PLF 2020

Globalement, sur les 80 articles du PLF 2020, il y en a 12 qui concernent directement les collectivités territoriales.

Parmi les principales dispositions, plusieurs sujets sont abordés, comme par exemple:

- la fixation de la dotation globale de fonctionnement (recette importante des collectivité) et des variables d’ajustement (article 21) ;

- les prémices de la recentralisation de l’apprentissage à travers l’article 24 ;

- des dispositions d’exonération en faveur d’entreprises situées sur des territoires à revitaliser (articles 47 et 48) ;

- ou encore le calendrier de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (article52).

Cependant, la disposition majeure de ce PLF est exposée dans son article 5 : «  Suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et réforme du financement des collectivités territoriales ».

En synthèse, l’État propose ici de mettre fin à la taxe d’habitation sur les résidences principales, pour l’ensemble des contribuables à l’horizon 2023, en lui substituant la part départementale de la taxe foncière pour les communes et une « fraction » de TVA pour les intercommunalités, les départements devant également percevoir en contrepartie une part de TVA.

Qu’est-ce qui va changer pour les collectivités ? Leurs ressources sont-elles en danger ?

La disparition totale de la taxe d’habitation sur les habitations principales à l’horizon 2023 aura une grave conséquence pour les communes : la rupture du lien entre les habitants d’un territoire et le financement du service public local.

Cette contribution représente une part non négligeable des recettes budgétaires (25 à 30% en moyenne) utilisée pour le fonctionnement des collectivités : entretien des voieries, de l’école primaire, service de l’état civil...

La taxe d’habitation étant liée à l’occupation du logement, les locataires ne participeront donc bientôt plus au financement du service public de leur commune de résidence !

En outre, cela signifie que seuls les propriétaires seront contributeurs directs aux impôts locaux, situation qui n’est pas sans poser de questions sur l’égalité de traitement face à loi fiscale, et sur les risques de « surexposition » de la taxe foncière dans les années à venir.

Enfin, d’aucun ont vertement critiqué un système qui, sans aucun doute, devait être modernisé, mais qui avait le mérite de prendre en compte la dynamique d’un territoire en s’appuyant notamment sur l’évolution du nombre d’habitants.

Dans le système proposé par le gouvernement, on ne tiendra plus compte de cette évolution.

Pourtant, si un nouvel habitant, non propriétaire, s’installe sur un territoire, il va avoir des besoins (transport, éducation, sécurité...) qui devront être couverts par la collectivité, sans qu’il y contribue directement.

Une réflexion de fond sur les modes de financement du service public apparaît dès lors indispensable : quels sont les besoins actuels et les préoccupations des citoyens ? Comment y répondre efficacement ? Avec quelles ressources ? Dans quel cadre partenarial ?

Autant de questions auxquelles vont devoir répondre les élus et leurs équipes au cours de leur prochain mandat.

Quel dialogue est possible avec l’État ?

Compensation n’est pas solution !

L’article 5 prétend également traiter de la « réforme du financement des collectivités territoriales ».

En réalité, il se limite à proposer un mécanisme de transfert de ressources fiscales entre l’État et les collectivités, certes détaillé techniquement, mais en aucun cas il ne s’agit d’une véritable remise en perspective des modes de financement du service public dévolu aux acteurs locaux!

Le gouvernement est fondé à mettre en œuvre cette promesse électorale, mais en l’absence d’une concertation préalable, il déstabilise un système qui fonctionne, qui aurait dû être repensé dans sa globalité, et non sous le seul angle de la suppression de la taxe d’habitation : ce « mikado fiscal » n’est pas propice à rassurer les collectivités sur la pérennité de leur ressources...

Ce jeu du chat et de la souris entre l’Etat et les collectivités a fait long feu, il est l’heure de faire preuve de maturité d’un côté comme de l’autre. L’un devant donner de pleines responsabilités, les autres devant pleinement les assumer.

On sait bien que pour des raisons historiques, et notamment avec notre héritage napoléonien des préfectures, la coexistence du fait communal avec l’État déconcentré ne se fait pas sans difficulté, mais le temps est venu de franchir une étape décisive non seulement pour rendre quelques lettres de noblesse à l’action publique... mais surtout pour relever les nombreux défis auxquels notre société doit faire face.

À ce titre, la différenciation institutionnelle (cf. projet de loi constitutionnelle du 10 juillet 2018 et projet de loi ordinaire Gourault dit des « 3D » prévu pour fin du premier semestre 2020) pourrait offrir un cadre légal à l’expérimentation de nouvelles relations entre acteurs territoriaux ainsi qu’entre les territoires et l’Etat.

Cette démarche serait pertinente pour remettre en perspective les questions d’égalité, d’équité et de solidarité, et avec pour ambition d’y répondre en toute efficacité...

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