Cette loi, parue en plein été, déborde de bonnes intentions. Pour ce qui concerne les relations entre les URSSAF et les entreprises, elle n’apporte (presque) rien.
Etre un Etat au service d’une société de confiance. L’objectif est louable. Et le gouvernement a officialisé son intention dans la loi du 10 août 2018, dénommée donc « loi pour un État au service d'une société de confiance ». Ce texte, publiée au Journal Officiel en pleine période estivale, est passé plutôt inaperçu.
Ayant pour ambition d’améliorer les relations entre l’administration et les citoyens, cette loi ne se défait pas d’un style peu accessible, voire incompréhensible pour qui n’a pas sous la main les multiples codes qui régissent la vie des citoyens au quotidien. Un exemple, parmi bien d’autres : l’article 11 de cette loi dispose que : « le livre des procédures fiscales est ainsi modifié : 1° L'article L. 49 est complété par un alinéa ainsi rédigé : Les points contrôlés mentionnés au second alinéa de l'article L. 80 A et au 10° de l'article L. 80 B sont indiqués au contribuable sur la proposition de rectification ou sur l'avis d'absence de rectification, y compris s'ils ne comportent ni insuffisance, ni inexactitude, ni omission, ni dissimulation au sens de l'article L. 55. ». Une fois qu’on aura lu les articles L.49, L.80 A, L 80 B et L 55 et porté les modifications subséquentes, on aura pris la mesure de la réforme !
Le Cercle Lafay, un think tank qui œuvre pour améliorer les relations entre l’URSSAF et les entreprises, a pris le soin de lire les mesures concernant les relations URSSAF/entreprises. Le sujet n’est pas sans intérêt lorsque l’on sait que le budget des URSSAF dépasse de 1,5 fois celui de l’Etat, que 214.000 vérifications et enquêtes ont été effectuées en 2017 et que pour les entreprises de plus de 250 salariés, 9 contrôles sur 10 aboutissent à un redressement. La liste des points envisagés est prometteuse : droit à l’erreur, mesures pour encadrer le contrôle, mise en œuvre d’une médiation, référent unique, rescrit, opposabilité des circulaires, transaction … Avec tout cela, nul doute que les relations entre les URSSAF et les entreprises vont s’améliorer. Mais à la lecture des dispositions, l’enthousiasme disparaît.
Pourquoi ? En tout premier lieu, ce texte, n’est pas applicable en cas de mauvaise foi ou de fraude. Prenons la situation d’une personne qui donne bénévolement un coup de main à son voisin. L’URSSAF intervient. La personne contrôlée, même de bonne foi, ne pourra pas invoquer ce droit à l’erreur, car son cas relève du travail dissimulé, donc de la fraude ! Qui plus est, l’erreur doit être « régularisable ». Une entreprise qui remet une déclaration avec retard (ce qui arrive bien souvent et ne constitue pas non plus un crime) ne pourra non plus bénéficier de ce droit à l’erreur, car cette situation ne peut être régularisée. Autre limite : ces dispositions ne trouveront application qu’en cas « d’absence de dispositions spéciales applicables ». La nouvelle loi crée des dispositifs tels que le rescrit, l’opposabilité des circulaires, la transaction…. Ils ne sont d’aucune utilité puisque des mesures spécifiques existent déjà dans le code de la sécurité sociale.
La loi met aussi en place des "médiateurs"
Dans le cadre des conflits entre URSSAF et les entreprises, existe déjà la Commission de Recours Amiable. Mais elle n’a d’amiable que le nom, puisque l’entreprise ne peut même pas venir défendre son dossier. Belle illustration du refus de toute procédure contradictoire, qui explique aussi que ces fameuses CRA se contentent d’entériner les décisions de l’URSSAF. La loi s’abstient prudemment d’expliquer comment vont s’articuler les relations entre les médiateurs et les CRA … Seule certitude, cette procédure aura pour conséquence d’augmenter le coût des majorations de retard pour les cotisants (car, nous avions oublié de le préciser, pendant la saisine de la CRA, le compteur de retard de paiement continue de tourner).
Magnifique : les entreprises peuvent demander spontanément à l’URSAF de les contrôler !
La loi prévoit aussi la possibilité pour l’entreprise de demander spontanément à bénéficier d’un contrôle. D’où vient cette idée ubuesque ? Les législateurs seraient-ils déconnectés de la réalité à ce point ? Quel dirigeant serait assez inconscient pour appeler les services de l’URSSAF afin d’implorer un contrôle spontané ? Finalement la seule mesure tangible concerne les entreprises de moins de 20 salariés. Pour elles, la durée du contrôle est désormais limitée à 3 mois. Jusqu’alors, cette disposition ne bénéficiait qu’aux entreprises de moins de 10 salariés. Inspirée par le Cercle Lafay, cette mesure est assortie de nombreuses exceptions et s’applique à titre expérimental pour 4 ans. Maigre bilan.
A la lecture de cette loi, on comprend mieux qu’elle soit parue en été : elle est plus proche d’un recueil à la Prévert que d’un texte juridique applicable, qui ferait vraiment évoluer les choses. Néanmoins, les syndicats censés parler au nom des entreprises s’en satisfont. Ainsi, pour le MEDEF, « le principe du passage d’une administration de contrôle à une administration de conseil prôné par le Medef depuis des années est consacré ». De même, la CPME, «approuve sans réserve la volonté affichée de restaurer une relation de confiance avec une administration modernisée et simplifiée ». Ont-ils lu le même texte que nous ? Ou se sont-ils contentés du titre pour déclarer bonne et utile cette loi ?